Esdras est-il le fils de Dieu? Author(s): Viviane Comerro Source: Arabica, T. 5

Esdras est-il le fils de Dieu? Author(s): Viviane Comerro Source: Arabica, T. 52, Fasc. 2 (Apr., 2005), pp. 165-181 Published by: Brill Stable URL: https://www.jstor.org/stable/4057793 Accessed: 26-01-2020 07:14 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Brill is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Arabica This content downloaded from 196.235.130.146 on Sun, 26 Jan 2020 07:14:25 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms ESDRAS EST-IL LE FILS DE DIEU ? PAR VIVIANE COMERRO Resume << Les juifs ont dit: 'Uzayr est le fils de Dieu >>. Depuis les plus anciens commentaires, la Tradition islamique a identifie ce person nage myst&rieux avec l'agent d'une restauration miraculeuse de la Torah. La recherche orientaliste moderne a bien etabli que les recits des traditionnistes prenaient leur source dans un ecrit pseudepigraphique juif, du premier siecle de notre ere, le Quatrieme Livre d'Esdras, transmis ensuite en milieu chretien. Mais le contenu de ces recits s'applique-t- il exactement a la figure evoquee par Q9, 30 ? L'etat de la recherche moderne sur cette interrogation sera ici presente et discute. L'expose sera precede d'une reflexion sur la place d'une telle affirmation de la notion de ?irk dans le cadre de la theologie coranique. LE Coran comporte une unique mention, insolite, d'un personnage nomme 'Uzayr: Les juifs [al-yahud disent: 'Uzayr est le fils de Dieu et les chretiens [al-n disent: le Messie est le fils de Dieu. Le verset appartient a la sourate 9 al-Tawba qui est consideree par la tradition exegetique islamique comme la derniere revelee dans la car- riere prophetique de Muhammad. Quoiqu'il en soit de la chronologie dans le cadre de l'histoire du texte coranique, ce caractere de cloture que reconnalit la Tradition a la sourate al-Tawba donne toute sa force a l'un de ses aspects centraux: le devoir de la guerre dans le chemin de Dieu pour instituer la nouvelle communaute de Muhammad. Outre cet aspect guerrier, le combat de nature doctrinale avec les commu- nautes rivales des juifs et des chretiens se poursuit. Dans ce contexte, ils sont, les uns comme les autres, assimiles aux polytheistes par le biais de l'accusation de sirk qui est sur le plan dogmatique l'accusation la plus grave qui puisse etre portee contre une personne ou un groupe. Par le fait d'affirmer que quelqu'un est fils de Dieu, les chretiens, mais aussi les juifs, portent atteinte A l'unicite divine. Si cette affirmation coranique du verset 30 peut parailtre ajustee A ? Koninklijke Brill NV, Leiden, 2005 Arabica, tome LIL,2 Also available online - www.brill.nl This content downloaded from 196.235.130.146 on Sun, 26 Jan 2020 07:14:25 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 166 VIVIANE COMERRO la titulature chretienne relative a Jesus, on ne voit pas d'emblee a quoi elle peut s'appliquer dans le champ du judalsme, oCu il n'est jamais fait mention de 'Uzayr comme fils ou messie de Dieu. Cette difficulte a bien ete perSue par les traditionnistes musulmans qui, en depit du texte, limitent cette affirmation a un groupe parmi les juifs medinois ou meme a un seul d'entre eux'. Pour commenter ce verset, la Tradition islamique a recours a un recit dont le heros, cUzayr, est l'agent d'une restauration miracule des Ecritures juives. Ce recit, n'appartient pas au corpus biblique cano- nique ; il est inspire du chapitre 14 du Qyatrihme Livre d'Esdrns [IV Esdrasl, pseudepigraphe compose probablement au premier siecle de notre ere et qui s'inscrit dans le courant de la litterature apocalyptique juive. IV Esdras a ete rejete par le judaisme rabbinique de cette epoque, mais il a ete repris et transmis dans les milieux chretiens d'Orient et d'Occident. Nous n'en possedons plus le texte originel, mais de nombreuses traduc- tions en latin, syriaque, ethiopien, arabe (trois versions distinctes), arme- nien et georgien. Quant a la recherche orientaliste moderne, elle s'est interrogee, ele aussi, sur l'identite de ce personnage et elle a propose diverses hypo- theses, ind&pendantes des traditions exegetiques ou en rapport plus ou moins etroit avec elles. Une affirmation sectaire ? H.Z. Hirschberg2 et apres lui S. Szyszman3 ont pense a une secte juive yemenite qui aurait enonce une telle affirmation. Ils se referaient a une breve notice d'Ibn Hazm, contenue dans son ouvrage sur les religions et les sectes heterodoxes, le Iitdb al-Jalfit 1-milal wa l-ahwd' wa n-nihal: Les Saduiqiyya: on les fait remonter A un homme appele Sadi4q Parmi 1'ensem- ble des juifs, ils etaient (les seuls) A dire que al-'Uzayr etait le fils de Dieu. Ils eaient du cWte du YWmen'. Cf Tabari, Gdmi', VI, fasc. 10, p. 110-11. 2 Cf. A, << Ezra >>, 6, p. 1 107 et ref. 3 <<Esdras Maitre des Sadoqites >>, Proceedings, p. 152-154. + Ibn Hazm, Fisal, t. 1, fasc. 1, p. 99, dans un chapitre intitule Propos sur les juifs et sur ceux qui, parmi les chrtiens, nient la trinite ; doctrine des sabeens, et d ceux qui affirment la proph6tie de Zoroastre, parmi les majus, et qui rejettent tout autre prophete que lui >>. Ibn Hazm ne donne aucune indication sur les sources de cette information. This content downloaded from 196.235.130.146 on Sun, 26 Jan 2020 07:14:25 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms ESDRAS EST-IL LE FILS DE DIEU ? 167 H. Speyer retient egalement l'hypothese que Muhammad aurait entendu parler d'une secte juive ou judeo-chretienne qui venerait Esdras de la meme fa,on que cela est atteste pour Melkisedeqs. J. Wansbrough6 quant 'a lui, pense a I'echo d'une tradition rabbini- que ou apocryphe concernant Esdras, en s'appuyant sur le commen- taire de Muqatil7 en Coran 18, 4: Qu'il avertisse ceux qui disent: Dieu s'est acquis un enfant [walaa]. Selon Muqatil, ce verset concerne I'affirmation des juifs a propos de 'Uzayr tandis qu'Ibn Ishaq, selon Ibn Hisam dans la S&ra8, situe le ver- set dans le cadre d'une polemique avec les Mekkois qui disent: << Nous adorons les anges, ce sont les filles de Dieu >. Dans la perspective de Wansbrough, cette derniere interpretation manifeste l'intention du reda teur de la &ra d'inserer a propos de Coran 18, 4 << une tradition exe- g'tique qui insiste sur le decor hidjazien de l'islam >>, tandis que, selon lui, le traitement de ce meme verset par Muqatil << est presque certai- nement l'echo de traditions rabbiniques et / ou apocryphes concernant Esdras >>. Les enfants de Dieu Notons cependant pour nuancer I'analyse de J. Wansbrough, qu'lbn Ishaq n'adopte pas une position singuliere en mentionnant la polemi- que avec les Mekkois a propos des anges. Muqatil le fait Iui-meme mais a un autre endroit de son Tafsar qui se rapporte a la sourate 112 al- hl1s. Ce texte bref de quatre versets est une formulation dogmatique concernant l'unicite divine. Selon Muqatil, les circonstances de la reve- lation de cette sourate furent les suivantes9: I Biblischen Erzahlungen, p. 413. 6 Quranic Studies, p. 123-124. 7 Muqatil Ibn Sulayman (m. 150/765), originaire de Balh, est le plus ancien com- mentateur du Coran dont le Tafgsr nous soit parvenu sous une forme complte. Son aeuvre exegetique est rarement citee et Tabari ne l'utilise pas, sans doute A cause du discredit dont elle faisait l'objet Elle comporte un grand nombre d'histoires, non assor- ties d'isn&d, qui devaient etre colportees par les conteurs anciens - qussas - cf. EL, VII, p. 508-509 [Plessner-Rippin] ; le commentaire se trouve en II, p. 573 du Tafsir. S8 ra, I, p. 302 ; la meme tradition remontant A Ibn Ishaq se retrouve dans le com- mentaire de Tabari sur ce verset et elle est la seule mentionnee. V. aussi STra, I, p. 359- 360 ou nous retrouvons la triade 'Uzayr-Messie-filles de Dieu A propos de versets coraniques appartenant A differentes sourates. 9 TafsFr IV, p. 915-916. This content downloaded from 196.235.130.146 on Sun, 26 Jan 2020 07:14:25 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 168 VIVIANE COMERRO Les associateurs [musrikin] de La Mekke dirent A I'envoye de Dieu: Decris-nous ton Seigneur, fais-en la description ! 'Amir b. al-Tufayl al-'Amir! dit: Informe-nous sur ton Seigneur, est-il en or, en argent, en fer, en cuivre ? Et les juifs dirent 'Uzayr est le fils de Dieu et Dieu a revel sa description dans la Torah ; informe- nous donc A son sujet, Muhammad ! Alors, Dieu fit descendre A leur propos << Dis >> [c'est-A-dire] 6 Muhammad, <<Dieu est unique >> [c'est-A-dire] iA n'a pas d'associe ... << I1 n'a pas engendre >> [c'est-A-dire]de sorte qu'il aurait des heritiers, << I1 n'a pas et engendre >> [c'est-A-dire] de sorte qu'on lui associerait quelqu'un. Car les Arabes associateurs ont dit: Les anges sont les filles du Rahman10 et les juifs ont dit: 'Uzayr est le fils de Dieu et les chretiens ont uploads/Litterature/ esdras-est-il-le-fils-de-dieu 1 .pdf

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