1 LA RÉVERSIBILITÉ DE L’ESPAGNOL DANS OÍR A DARÍO RECUEIL DE PALINDROMES DE DAR
1 LA RÉVERSIBILITÉ DE L’ESPAGNOL DANS OÍR A DARÍO RECUEIL DE PALINDROMES DE DARÍO LANCINI Elsa Pierrot Mémoire de Master (2ème année) sous la direction de Gilles Luquet et co-dirigé par Eric Beaumatin Université de Paris III –Sorbonne Nouvelle Juin 2009 2 « Mais dans le jeu sur le langage, il y a quelque chose de plus que le jeu, il y a l’exploration des potentialités du langage et ça, ce n’est pas un jeu, c’est un enjeu important » Marcel Bénabou dans une entrevue avec Sabine Fayet (Le palindrome français au 20ème siècle) 3 Remerciements Aux palindromistes Josep María Albaigès, Jesús Lladó et Gilberto Prado Galán, pour m’avoir éclairée sur la genèse de l’écriture réverse en castillan. À l’Association Georges Perec, pour m’avoir accueillie et guidée vers les documents oulipiens concernant le palindrome. À Montse Nofre de l’Université de Barcelone et André Salem de l’ILPGA, pour leur aide dans le traitement statistique des textes. À David Mighetto de l’Université de Sköde, pour m’avoir facilité l’accès à son article sur la graphotaxe espagnole. À Gilles Luquet, pour ses cours inspirants sur le signifiant. À Eric Beaumatin, pour son soutien à toute épreuve. 4 SOMMAIRE Présentation i) La « féline contrainte » a – Première approche b – Les théoriciens du palindrome c – Les palindromes espagnols ii) Description du recueil : Oír a Darío a – Le métatexte b – Cinquante-quatre palindromes c – Dimension autoréférentielle de la contrainte iii) L’étude linguistique a – Une contrainte permise par l’espagnol ? b – Le travail sur les textes Introduction Première partie – Au pied de la lettre : du premier degré de réversion 1. L’unité de réversibilité du palindrome A) L’unité phonématique ? B) L’unité graphématique. Conditions 2. Etude fréquentielle de la lettre : observations A) Les voyelles B) Les consonnes 3. Considérations graphotactiques A) Disparition et prohibition du Q B) Le rapport consonne / voyelle C) De la position des lettres dans le mot 4. Considérations lexicales et morphosyntaxiques A) Du système vocalique B) Du système consonantique Conclusion Deuxième partie – Syllabe, bigrammes, trigrammes (et autres) 1. La syllabe A) Segmentation syllabique du corpus B) La syllabe à la réversion 2. Autres groupements graphématiques A) Le bigramme B) Le décalage des lettres : le trigramme C) Préfixes et suffixes 3. Vers une autre mesure palindromique : le réversème A) Une nouvelle unité de symétrie B) Quatre classes de réversèmes Conclusion Pages 7 7 7 11 14 15 15 18 19 21 21 22 25 26 27 27 28 29 29 31 33 33 34 35 36 36 37 40 41 42 42 45 48 48 52 54 56 56 58 59 5 Troisième partie – Lexique et morphosyntaxe : un langage palindromique ? 1. Quelques remarques préliminaires sur le lexique 2. Détournements linguistiques à l’échelle lexicale A) Déviances orthographiques B) Abréviations, sigles et acronymes C) Recours aux mots rares et étrangers 3. Morphosyntaxe A) Répartition grammaticale B) Une syntaxe simplifiée ? C) Le respect de la syntaxe Conclusion Le mot de la fin Bibliographie ANNEXES 1. Différentes segmentations des textes Annexe 1 : « Oír a Darío » [OD]1 sans mise en page Annexe 2 : « Ubú rey » [UR] sans mise en page, ni ponctuation, ni espaces typographiques Annexe 3 : Segmentation des textes en « réversèmes » (de « Eva y Adán » à « Ubú rey ») 2. Analyses fréquentielles A. Fréquences littérales Annexe 4 : Fréquences littérales [UR] Annexe 5 : Fréquences littérales [OD] Annexe 6 : Ordre de fréquence des lettres en début de mot [OD] Annexe 7 : Ordre de fréquence des lettres en fin de mot [OD] B. Fréquences syllabiques Annexe 8 : Fréquences syllabiques dans « Génesis » [G] Annexe 9 : Fréquences syllabiques à partir du texte non ponctué [G] C. Fréquences lexicales Annexe 10 : Formes apparaissant par ordre de fréquence [UR] Annexe 11 : Formes apparaissant par ordre de fréquence [OD] 3. Analyses morphosyntaxiques Annexe 12 : Classement des formes par catégories grammaticales [UR] Annexe 13 : Formes grammaticales et leurs images [UR] Annexe 14 : Classement des lemmes par catégories grammaticales [UR, OD] 1 A chaque fois qu’il est fait mention de Oír a Darío, on y inclut « Ubú rey ». 60 61 62 62 63 65 67 67 69 72 76 77 78 82 82 83 91 93 112 113 115 118 119 120 124 128 132 140 141 145 156 6 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 – Fréquences vocaliques dans diverses études de linguistique statistique Tableau 2 – Fréquences consonantiques les plus fortement variables entre les résultats obtenus dans OD et le dictionnaire de fréquences d’Alameda et Cuetos Tableau 3 – Fréquence des syllabes LA et AL dans les fragments de texte symétriques de « Génesis » Tableau 4 – Fréquence des bigrammes consonantiques dans OD Tableau 5 – Fréquence des bigrammes vocaliques dans OD Tableau 6 – Tableau comparatif des formes (par ordre de fréquence) dans UR, OD et le dictionnaire d’Alameda et Cuetos Tableau 7 – Répartition des catégories grammaticales dans UR 29 31 44 47 50 60 66 7 PRÉSENTATION 1. « La féline contrainte » A – Première approche Ecrire en miroir. Ecriture magique, hiératique, satanique, ésotérique, ludique, mathématique : les avis divergent2. On pourrait croire que ce fut l’entreprise des surréalistes, ou d’un groupe d’illuminés de la même espèce. En réalité, l’invention des textes qui se lisent indifféremment de gauche à droite comme de droite à gauche remonte beaucoup plus loin, apparemment au IIIème siècle avant JC, puisque tous s’accordent à dire que le premier créateur du palindrome – du moins du principe de « lecture rétrograde » (palindrome de mots)3 – fut le poète grec Sotadès, aussi connu pour ses poèmes satiriques obscènes. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’avant d’être un jeu littéraire, le palindrome permettait de créer un discours implicite, dont la vraie portée était politique ou érotique. Quant au mot « palindrome » lui-même, il vient sans conteste du grec. On le décompose en deux étymons : palin- (de nouveau) et –dromos (chemin), ce que les dictionnaires français traduisent par la tournure périphrastique « qui court en sens inverse ». Le DRAE (Diccionario de la Real Academia Española) fait apparaître le mot « palíndromo »4 pour la première fois en 1956, et reste assez laconique dans sa définition : « m. Palabra o frase que se lee igual de izquierda a derecha, que de derecha a izquierda; p. ej., anilina; dábale arroz a la zorra el abad. » Le terme “capicúa” (du catalan cap i cua, littéralement : « tête et queue ») est souvent confondu avec le palindrome même si, en principe, il s’applique davantage aux chiffres qu’aux lettres (par exemple : 2002). Ces chiffres symétriques ont un ancrage bien particulier dans la culture espagnole puisqu’ils sont considérés comme des porte-bonheur (notamment à la loterie). 2 Sur le rapprochement du palindrome avec la magie : Pedro Ruiz Lozano, « Esoterismo y magía palindrómica », <http://www.albaiges.com/eulogologia/palindromia/>. 3 Voir l’article de Philippe Dubois : « (Petite) Histoire des Palindromes », publié dans la revue Littératures (numéro 7, consacré à Georges Perec, pp. 125 -135). 4 Le terme « palíndroma » (masculin) n’apparaît pas dans le DRAE mais il est très fréquemment utilisé. 8 On reviendra plus loin sur les différentes définitions et désignations qui ont été attribuées au palindrome. On s’intéresse d’abord à sa forme : il s’agit d’un mot ou d’une suite de mots, en principe appartenant au lexique d’une langue, dont l’ordre des lettres est disposé symétriquement autour d’un axe, de telle sorte qu’on peut lire indifféremment le texte de gauche à droite comme de droite à gauche. Cette forme d’écriture suppose donc de manier deux textes à la fois, qui doivent lettre par lettre se correspondre. Quand le projet du palindromiste est de produire un texte cohérent, il doit s’attacher à utiliser un lexique plus ou moins courant, susceptible d’être intelligible par le lecteur. Dans le cas contraire, à l’aide d’un dictionnaire inverse, on parvient à rédiger un palindrome sans grande difficulté, mais qui perdra en sens. On pense par exemple au « mégapalindrome » de Víctor Carbajo qui n’est constitué que d’une liste de mots. Il s’agit alors davantage d’un palindrome lexical que d’un texte littéraire. Cet effort de cohérence dans le texte suppose également que la syntaxe soit la plus naturelle possible, autant que la contrainte le permet. Or, le palindrome a tendance à faire apparaître des expressions peu naturelles, des mots d’usage peu fréquent, des noms propres, des emprunts aux langues étrangères, jusqu’à des cacographies délibérément acceptées par l’auteur. Evidemment, il n’existe pas de règle précise pour l’écriture du palindrome : tout dépend de l’intention de son auteur, qui fixe lui-même les lois de son écriture. L’extrême usage de la forme étant de former des énoncés palindromiques n’ayant aucun sens, comme le note Màrius Serra (cf. p. 13) au sujet d’une citation d’un roman de Carlos Fuentes, « que sólo juega con el mecanismo especular sin preocuparse de la semántica uploads/Litterature/ etude-sur-le-palindrome-de-dario-lancini.pdf
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- Publié le Jan 17, 2022
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