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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/272865044 Euler et les réseaux harmoniques Article in Intersections Canadian Journal of Music · January 2009 DOI: 10.7202/1000040ar CITATIONS 0 READS 74 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Stochastic modeling and physical mathematics View project Mathematical Theory of Music View project Franck Jedrzejewski Atomic Energy and Alternative Energies Commission 102 PUBLICATIONS 191 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Franck Jedrzejewski on 03 August 2015. The user has requested enhancement of the downloaded file. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Franck Jedrzejewski Intersections: Canadian Journal of Music / Intersections : revue canadienne de musique, vol. 29, n° 2, 2009, p. 66-83. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/1000040ar DOI: 10.7202/1000040ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 20 February 2013 05:20 « Euler et les réseaux harmoniques » Euler et les réseaux harmoniques Franck Jedrzejewski Les degrés de suavité Leonhard Euler est né quelques années après la publication du Musikalische Temperatur de Werckmeister, en 1691. Cette année marque l’instauration du tempérament égal dans lequel toutes les quintes ont le même rapport acous- tique. On sait que le mathématicien Simon Stevin avait publié une table com- plète des fréquences de ce tempérament1 quelques années auparavant. Mais déjà vers 1563, on trouve des arguments contre les proportions mathématiques justes. Dans les lettres que Jean-Baptiste Benedetti (1530–1590) adresse à Ci- priano de Rore, Benedetti prétend qu’il est impossible de chanter juste dans certains passages lorsqu’il faut maintenir des intervalles pythagoriciens ou zarliniens entre la basse et le soprano (Benedetti 1585, p. 280). Dans le passage invoqué, le soprano passe du ré au do dièse et revient au ré, alors que la basse commence sur un sol, passe au mi puis va vers la note la qui est tenue jusqu’à la fin du passage. Pour maintenir entre les autres notes les rapports de quinte juste (3/2), de tierce mineure (6/5) et de tierce majeure (5/4) ou de leurs renversements, le so- prano descend au ré dans un rapport x = 27/25 (solution de (6/5).(3/2)=x(5/3)) et remonte au ré dans un rapport y = 16/15 (issu de l’équation (4/3)=y(5/4)). La dif- férence de ces deux rapports est un comma syntonique (81/80). Pour éviter ce 1 Les travaux de Stevin ont été édités par A. Fokker. S. Stevin, Van de Spiegheling der Singconst, dans Principal Works, ed. by Ernst Crone et al, Amsterdam : Swets & Zeitlinger, 1985, vol. 5, 1966. Figure 1. 29/2 (2009) 67 comma disgracieux en harmonie tonale (1/8 de ton environ), les musiciens sont contraints de chanter « faux » et ajustent naturellement à l’égal. Au demeurant, Benedetti est favorable au tempérament égal. Euler, qui est donc né avec le tempérament égal, n’a que 24 ans, en 1731, lorsqu’il écrit le Tentamen novae theoriae musicae ex certissimis harmoniae principiis dilucide expositae (Essai d’une nouvelle théorie de la musique exposée en toute clarté selon les principes de l’harmonie les mieux fondés). L’œuvre écrite en latin ne sera publiée qu’en 1739. Euler y expose un mode de génération de systèmes acoustiques qu’il appelle genus musicum (Euler 1739, ch. 8 : De gene- ribus musicis) et qui est traduit selon l’usage « genres d’Euler » ou « genres mu- sicaux ». Rien ne prédisposait ce mathématicien à revenir sur les questions de l’accord des instruments, si ce n’est que ce fameux tempérament égal ne satis- faisait pas complètement les théoriciens et les compositeurs, et qu’il y avait une complicité naturelle entre les nombres et les fréquences du tempérament qui le fascinait. On reprochait au tempérament égal son caractère artificiel, qu’on opposait souvent au caractère naturel des fréquences en intonation juste. Mais pour Euler la perception des intervalles musicaux ne pouvait se faire qu’au tra- vers de la perception des rapports numériques que les fréquences entretenaient entre elles. Leibniz le dit explicitement dans sa lettre du 17 avril 1712 à Christian Goldbach. Il voit dans la musique et les questions de consonance une pratique occulte de l’arithmétique. Mais la raison des consonances doit être cherchée à partir de la congruen- ce des chocs. La musique est un exercice occulte d’arithmétique de l’âme qui ignore qu’elle compte, car elle fait beaucoup de choses dans les per- ceptions confuses ou insensibles qu’elle ne peut remarquer par une aper- ception distincte. Car ceux qui croient qu’il ne peut rien y avoir en l’âme dont elle ne soit consciente se trompent. Donc, même si l’âme ne sent pas qu’elle compte, elle sent cependant l’effet de ce décompte insensible, c’est- à-dire dans le plaisir qui en résulte dans les consonances et dans le déplai- sir des dissonances. (Leibniz 1988, p. 11) C’est donc, pour Leibniz, la congruence des chocs qui détermine la conso- nance. Selon ce principe, l’oreille ne compte, dans une superposition de ryth- mes, que les frappes non simultanées. Dans la superposition d’un triolet et d’un duolet, le premier temps sera compté pour un coup et les suivants pour trois, formant ainsi quatre frappes (irrégulières) pour cette superposition. Ce principe s’étend à la perception des sons qui est considérée comme le résultat d’une série de chocs produite par l’onde acoustique sur le tympan. Cette idée est reprise par Euler dans le Tentamen (voir figure 2) et appliquée aux rapports acoustiques. Une note unique représente la pulsation élémentaire. C’est le ni- veau le plus simple de la perception. L’octave — de rapport (2/1) — se justifie par la perception d’un choc tous les deux événements. Mais ce choc n’est pas nécessairement entendu : il reste dans le rapport du clair — confus de ce dé- compte insensible (i.e. qui se situe au-delà du sensible). L’octave représente le deuxième degré d’agrément de la perception des sons. Tous les autres interval- les fonctionnent de la même façon, mais à des degrés divers. Les congruences 68 Intersections sont de plus en plus complexes à mesure que les rapports des sons sont repré- sentés par des nombres de plus en plus compliqués. La définition même de la congruence qu’en donne Leibniz justifie cette arithmétique occulte : « Sont congrues les choses qui, si elles sont différentes, ne peuvent être distinguées sans relation à quelque chose d’extérieur. » (Leibniz 1863, p. 29) Non seulement le rapport acoustique se manifeste dans un son unique, mais même dans un accord, on retrouve toutes les composantes numériques des sons qui le composent. C’est le cas de la dernière ligne de l’exemple que nous of- fre Euler. L’accord parfait majeur composé d’une fondamentale (1), d’une tierce majeure (5/4) et d’une quinte juste (3/2) nous livre la succession des nombres 4:5:6 et la congruence des coups fournit une simultanéité de ces chocs tous les six événements. Plus cette simultanéité tardera à se produire, plus le son Figure 2 : L. Euler, La congruence des chocs, Tentamen, 37. 29/2 (2009) 69 paraîtra dissonant. Ainsi, notre perception du son est liée à un principe virtuel de perception des nombres que la congruence des chocs explique en partie. Ce n’est pas du tout (comme on l’analysait au XIXe siècle2), une analogie visuelle ou un phénomène de la vue que l’on pourrait transposer à l’ouïe, mais bien une intellection auditive qui se fonde sur la correspondance d’un phénomène auditif et d’une relation numérique, quand bien même cette relation ne nous est pas explicitement donnée. Euler donne de cette congruence des chocs une représentation numérique à travers le degré de suavité, en comptant d’abord la frappe simultanée du premier choc et en l’ôtant ensuite à chaque superposition d’événements non simultanés. Euler aurait pu proposer une autre fonction. Mais il aurait sans doute raté cette conjonction qu’il avait trouvée dans le degré de suavité reliant de manière profonde la théorie des nombres, la perception brute et son inter- prétation musicale. Pour mesurer la consonance ou la dissonance des sons, il part de son expression numérique. En termes modernes, Euler prend la décom- position en facteurs premiers du rapport acoustique u=p/q d’un son que nous écrivons sous la forme u=p₁α₁...pnαn où les entiers p₁,...,pn sont des nombres premiers et les exposants α₁,...,αn des entiers relatifs, pour construire le degré de suavité (gradus suavitatis) qui est donné par la formule Pour deux rapports, on établit facilement que le degré du produit est la som- me des degrés diminuée d’une unité S(uv) = S(u) + S(v) - 1. Dans la table qui suit, Euler donne les rapports des principaux intervalles, ainsi uploads/Litterature/ euler-et-les-reseaux-harmoniques.pdf

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