Ecrire comme Edgar Allan Poe (extraits) par David Sicé, tous droits réservés 20

Ecrire comme Edgar Allan Poe (extraits) par David Sicé, tous droits réservés 2006 Ecrire comme... est une série d'articles dans laquelle nous vous proposons de découvrir les outils de l'inspiration jusqu'à la rédaction finale. Nous partirons à chaque fois d'un récit existant, pour arriver à un nouveau récit créé à partir des mêmes outils. Bonne lecture et bonne écriture. ECRIRE COMME EDGAR ALLAN POE DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE ou comment construire un récit policier horrifique. Attention, le texte qui suit est un extrait de l’article à paraître en intégralité dans le fanzine AOC 4 de l’association Présence d’Esprits. par David Sicé. L'écrivain américain Edgar Allan Poe est un auteur mythique : c’est l’un des trois pères fondateurs de la Science-fiction avec Herbert G. Wells et Jules Verne. Son détective amateur Auguste Dupin sert de modèle à Arthur Conan Doyle pour son Sherlock Holmes – autrement dit, Poe a également fondé le genre policier (Detective story). Les poèmes de Poe inspirent Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire. Quant à ses récits d’aventures horrifiques, ils fondent la Fantasy et l’Horror en remplissant les colonnes des magazines du début du 20ème siècle — marquant définitivement l’imagination enfiévrée de Howard P. Lovecraft, qui écrira même une suite aux Aventures d’Arthur Gordon Pym. Ecrite en 1841, la nouvelle Double Assassinat dans la Rue Morgue est la première des trois enquêtes du chevalier Dupin. Il s’agit d’un récit policier exceptionnel par le foisonnement de ses idées, la rigueur de son intrigue, et la portée des techniques d’écriture utilisées. Notez que dans Le Meurtre de Marie Roget, le deuxième épisode de la série, Poe osera lancer Dupin sur la piste d’un assassinat, bien réel. Et, au contraire de la police de l’époque, Dupin, le détective imaginaire, trouvera le véritable meurtrier ! PREMIER OUTIL : S’INVESTIR DANS UN RECIT Les premiers récits que nous écrivons comptent énormément pour nous, et nous nous sommes tous un jour épuisés à écrire la nouvelle ou le roman du siècle, pour ensuite exploser de rage à la moindre critique — ou sombrer dans le plus noir des désespoirs parce que le résultat n’était pas à la hauteur de nos attentes. Hé bien cette attitude n’a rien à voir avec le fait de s’investir personnellement dans un récit. Il faut un certain courage pour oser s’investir dans un récit, car nous avons souvent appris à avoir peur d’exprimer ce qui nous bouleverse. Il nous faut alors rechercher dans nos coeurs des gens que nous aimons ou détestons plus fort ; des sensations ou des émotions qui nous submergent ; des pensées indicibles pas forcément Ecrire comme Edgar Allan Poe (extraits) par David Sicé, tous droits réservés 2006 honteuses ; des rêves et des fantasmes pas forcément sexuels ; des croyances profondes, enfantines, ou bien secrètes, voire fanatiques — ou encore des réflexions si vertigineuses qu’elles nous feraient prendre pour des fous... Ainsi, au lieu d’écrire ce qu’il est convenu d’écrire, et qui, parait-il, plaira à tout le monde (genre : « Le clonage, c’est maaal ! »), puisez dans les images et les idées qui vous passionnent. Et utilisez ces images et ces idées comme héros, décors et actions de votre prochain récit sans craindre de choquer, d’être ridicule ou encore d’être traité de fou (« Et si cloner devenait le seul moyen de se reproduire sans mutation monstrueuse ? »). Bien sûr, votre récit pourra ne pas convenir à tous les publics — ou à vos proches ! A vous de prendre une fois le texte achevé les précautions nécessaires. Comment Edgar Poe s’est-il investi personnellement dans son récit ? D’abord il cite en ouverture de son récit un auteur qui compte énormément pour lui : Sir Thomas Brown, un étudiant en médecine des années 1620, à la lucidité remarquable pour son époque — l’auteur de Pseudodoxia Epidemica, un recueil de toutes les choses que l’on prétend vraies sans et qui sont sans doute fausses. Par ailleurs, Poe est fasciné par le raisonnement déductif : il a un avis, il le partage. Plus fort, Poe se met en scène lui-même et il fantasme (dans le sens « rêver éveillé » !) sur l’idée d’habiter Paris, de faire les bouquineries pour retrouver des éditions rares qu’il rêve de posséder, et de rencontrer une version idéale de lui-même, le Chevalier Dupin, avec lequel il pourra discuter sans fin, de jour comme de nuit. (…) DEUXIEME OUTIL : SAVOIR DISSERTER La technique de la dissertation est un outil redoutablement efficace pour lever l’écran de fumée de nos réflexions aléatoires et possiblement délirantes. Oubliez vos traumatismes scolaires : disserter est l’une des techniques d’écriture les plus simples à utiliser. C’est mécanique, vous n’avez pas besoin d’inventer ou de vous fatiguer. (…) TROISIEME OUTIL : EXPLOITER UN FAIT DIVERS « Tous les matins il allait uriner devant la porte de la boutique de son rival », « Rien ne va plus entre Britney et son mari : il est obligé de dormir dans la cave », « Elle saute du sixième étage pour sauver son enfant des flammes », « II perd son emploi pour avoir rapporté un crime car son nom figurait désormais dans le fichier de la police. » Le fait divers est une source infinie de décors, de personnages et de situations. A l’époque de Poe, tout cela était rapporté dans des journaux, des magazines, des correspondances. Aujourd’hui vous pouvez aussi vous contenter de surfer sur l’Internet et d’écumer les news, les forums et les blogs. Quelques soient vos sources, voici comment procéder. (…) QUATRIEME OUTIL : TRANSPOSER UN FAIT DIVERS (…) Ecrire comme Edgar Allan Poe (extraits) par David Sicé, tous droits réservés 2006 ACCOUCHER DU GROTESQUE : CARICATURE ET ULTRAVIOLENCE Ecrire un récit policier c’est bien beau, mais comment lui donner une dimension particulière, qui frappera l’imagination du lecteur au-delà de la banale chronique d’un sempiternel fait divers ? Depuis la nuit des temps, les artistes ont utilisés la technique du Grotesque pour frapper l’imagination de leur spectateur, que ce soit pour décorer une grotte rupestre, une cathédrale ou captiver le public d’une salle de cinéma. Le Grotesque est en fait la combinaison de deux techniques (en fait deux « jeux délirants ») : Caricature et Ultraviolence. Caricaturer consiste à déformer en exagérant ou en minimisant les traits d’un personnage, d’un lieu ou d’une action. La caricature est censée faire rire, car l’exagération installe une distance salutaire entre le lecteur et l’objet de la caricature. Le rire provoque un changement brutal de la respiration, qui libère le spectateur de son stress éventuel. Combiné avec Dépréciation (rabaisser quelqu’un ou quelque chose), Caricature devient Insulte. Par exemple : dessiner quelqu’un qui a de grandes oreilles avec des oreilles énormes est une Caricature, le dessiner avec des oreilles d’âne est une Insulte. Pour écrire Double Assassinat…, Poe s’inspire d’un conte pour enfants, qui caricature un singe qui rase un chat après l’avoir barbouillé d’encre. (…) TROIS OUTILS DE CONSTRUCTION D’INTRIGUES Assez cherché d’idées, bâtissons à présent notre intrigue policière. Rappelons qu’une intrigue est une histoire très courte en trois étapes : début / milieu / fin. Il en faut souvent plusieurs assez solides pour qu’un récit tienne debout. Nous avons déjà rédigé quelques intrigues à partir de faits divers. Il faut cependant aller plus loin. LANCER UNE SERIE Poe ne se contente pas de raconter un crime et l’enquête qui s’en suit, il monte un tandem de détectives : Dupin et lui-même, liés par une amitié et des centres d’intérêts communs, qui perdureront au-delà de la fin du récit. Double Assassinat n’est rien d’autre que le pilote d’une série policière Steam Punk. (…) L’ENIGME POLICIERE ET LE DEVELOPPEMENT EN ACCORDEON (…) CINQ OUTILS DE NARRATION Il s’agit à présent de raconter l’histoire de telle manière à ce que le lecteur comprenne ce qui arrive au moment où l’auteur le veut. Au-delà de la simple information, l’auteur se doit aussi de faire travailler l’imagination du lecteur. IMPLANTS ET DRAPEAUX Ecrire comme Edgar Allan Poe (extraits) par David Sicé, tous droits réservés 2006 Un implant est un élément du récit qui explique un évènement dans le récit, placé à n’importe quel point du texte final. Par exemple : s’il y avait un grand singe dans la chambre close en train de massacrer deux femmes, les voisins ont dû entendre les cris de frayeurs des femmes, le bruit de la lutte et les grognements du singe. Pour créer des implants dans votre récit, vous devez partir de chaque élément de vos intrigues, et en tirer toutes les conséquences et les causes logiques. (…) MARQUEURS ET BROUILLEURS Un marqueur est un implant que l’auteur a placé spécialement pour que le lecteur le remarque. Il sert à frapper l’imagination du lecteur, et le mettre dans la peau du héros. Par exemple : Poe reproduit intégralement les témoignages et les rapports des policiers, que le lecteur va pouvoir découvrir en même temps que les héros. (…) UN OUTIL DE STYLISTIQUE : L’INSERT L’insert est une technique très simple uploads/Litterature/ exercice-ecrire-comme-edgard-allan-poe.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager