1 Gargantua 1re. La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du

1 Gargantua 1re. La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours RABELAIS Gargantua Édition bilingue avec dossier de Myriam Marrache-Gouraud no 9782081257092 ● 4,90 € I. Pourquoi étudier Gargantua en classe de première ? ans sa Présentation du Gargantua de Rabelais, Myriam Marrache-Gouraud souligne que cet ouvrage peut être considéré comme fondateur du roman moderne, par sa dimension de « jeu avec les traditions narratives » et par le « goût pour la langue française » qu’il manifeste et qui se combine à « ses connaissances et son érudition » (Présenta­ tion, p. 3). Autant dire que ce récit du XVIe siècle offre dès l’abord de multiples perspectives d’étude en classe de pre­ mière. Cette indéniable richesse conduit également à une forme de vertige de la perception et de la lecture. Faut-il choisir de laisser de côté l’aspect carnavalesque et ludique du récit ? Faut-il au contraire éliminer les considérations liées au « plus haut sens » (p. 41) ? Il est évident qu’une telle dichotomie conduirait à manquer l’enjeu global de cette œuvre que l’auteur se vante d’avoir écrite « beuvant et man­ geant », activités qu’il considère correspondre particulière­ ment à « la juste heure, d’escrire ces haultes matieres et D 2 sciences profundes » (p. 44). Tout concourt, par conséquent, à mettre en place une lecture approfondie de ce texte, sans se scandaliser (p. 36) des rapprochements apparemment incongrus entre des matières à première vue incompatibles. Les particularités de Gargantua invitent en effet à une lecture centripète qui va de la surface ludique du texte à son cœur signifiant : « Rabelais appelle de ses vœux un lec­ teur en éveil, disposé à construire un sens à partir de ce qu’il aura lu » (Présentation, p. 23). En cela, il est utile de proposer aux élèves de première l’étude de Gargantua non pas dans le cadre de l’objet d’étude sur le roman, mais dans celui concernant « la question de l’Homme dans les genres de l’argumentation ». En effet, après Pantagruel, les aven­ tures du géant Gargantua renferment des interrogations propres au XVIe siècle mais non moins universelles : par exemple, les pérégrinations de Gargantua et de sa jument, les listes des jeux de l’enfant ou même les très illustres pro­ pos « torcheculatifs » révèlent en creux les absurdités des guerres de conquête, qu’on les contextualise en référence à la figure de Charles Quint ou que l’on considère que Picro­ chole représente un type. Ils mettent aussi en évidence le parcours – dans une certaine mesure initiatique – d’un per­ sonnage et de ses proches, leur recherche d’une manière de vivre utilement réglée « selon leur vouloir et franc arbitre » (p. 400). Les différents registres employés dans l’ouvrage (comique, satirique, polémique, etc.), tout comme ses différents niveaux de lecture, sont – à l’image des silènes mentionnés dans le prologue – autant de manières d’appréhender le texte et ses enjeux, grâce, notamment, à l’invitation à réfléchir sur l’humaine condition qu’il adresse au lecteur et qui a contribué à donner « sens et substance à une véritable for­ mation humaniste », ainsi que le rappellent les programmes de la classe de première. D’ailleurs, la situation même de l’ouvrage, au cœur d’un XVIe siècle tiraillé entre avancées (invention de l’imprimerie, découverte des Amériques) et instabilité (montée en puissance des guerres de Religion), offre au lecteur une période d’étude d’une grande complexité et d’une très grande richesse. C’est pourquoi, ce roman pourra être étudié plus spécifiquement en classe de pre­ mière L dans le cadre de l’objet d’étude « Espace culturel européen : Renaissance et humanisme », puisqu’il reflète 3 Gargantua « la valorisation de l’homme, […] la redéfinition de sa place dans le monde, […] la célébration de sa beauté et de ses pouvoirs » qui contribuent à la constitution de cet espace. Se dessine alors un parcours de lecture qui permettra d’examiner en quoi le récit fictionnel des aventures d’un jeune géant en formation, souvent amusantes et parfois absurdes, conduit progressivement à l’élaboration d’une utopie pacifique – humaniste par essence – par les moyens d’une argumentation protéiforme et souvent implicite. Le professeur pourra aussi ouvrir le parcours à d’autres textes ou œuvres, tant la matière de Gargantua est riche et diverse. Remarque au sujet du texte Dans un souci de précision et de proximité entre le lecteur et le texte, toutes les références proposées dans cette fiche correspondent à la langue du XVIe siècle, c’est-à-dire aux pages paires de l’édition proposée. Il est en revanche très intéressant pour le professeur de circuler entre les deux ver­ sions : la translation proposée par Myriam Marrache-Gouraud, accompagnée d’un appareil de notes, permettra en effet aux élèves peu familiers des états antérieurs de la langue d’entrer plus facilement dans l’étude du texte. Le professeur peut éventuellement inciter ses classes à poursuivre leur travail d’exploration littéraire en réfléchissant à la façon dont la littérature s’empare d’un patrimoine linguistique extrême­ ment riche pour se l’approprier et l’enrichir à son tour. Il sera par exemple possible de travailler sur la dernière partie de la Présentation, « De l’hippodrome au saucisson, le bon génie du dictionnaire » (p. 30-32), en proposant aux élèves des extraits de la Défense et illustration de la langue fran­ çaise de Joachim Du Bellay, texte « manifeste » publié en 1549 qui développe les réflexions des humanistes quant à l’impératif d’enrichissement de la langue. 4 II. Tableau synoptique de la séquence Séance Supports Objectifs Activités Séance 1 Page de titre (p. 35). « Avis aux lecteurs » (p. 36). Aborder l’apparente étrangeté du texte et sa richesse. Définir le rôle du lecteur. Formulation d’hypothèses de lecture. Séance 2 « Prologe de l’auteur » : de « À quel propos, en voustre advis » à « et vie oeconomicque » (p. 40-42). Appréhender l’existence et la recherche de « la sustantificque mouelle ». Mettre en évidence la visée de l’ouvrage. Lecture analytique. Séance 3 Chapitre XXVI (p. 220-224). Examiner la dénonciation des guerres absurdes. Lecture analytique. Séance 4 Chapitre XXVII (p. 224-236). Dénoncer les guerres à travers le portrait d’un personnage. Lecture d’un texte long. Séance 5 Chapitres XXIII et XXIV (p. 190-214). Envisager l’éducation comme victoire contre les guerres. Lecture d’un texte long. Séance 6 Chapitre XXIX : de « Car ainsi comme debiles » à la fin (p. 242-244). Étudier la construction d’un discours humaniste. Préparation au commentaire. Séance 7 Chapitre LVII (p. 400-402). Étudier une argumentation par l’exemple. Lecture analytique. Séance 8 « Fay ce que vouldras » (chapitre LVII, p. 400). Rédiger une synthèse utile aux commentaires et aux dissertations. Évaluation finale : travail de synthèse et de rédaction. 5 Gargantua III. Déroulement de la séquence SÉANCE 1 Ouverture : « Aux lecteurs » Supports : • Page de titre (p. 35). • « Avis au lecteur » (p. 36). Objectifs : • Aborder l’apparente étrangeté du texte et sa richesse. • Définir le rôle du lecteur. • Une page de titre stimulante La première approche de Gargantua pourra se fonder sur l’observation de la page de titre. Les élèves, familiers des pages de titre sobres du XXIe siècle, pourront comparer leurs habitudes de lecture avec le procédé que Rabelais utilise. Conformément aux usages de l’époque, l’écrivain choisit d’ouvrir son livre 1 sur une page « apéritive ». Les élèves pourront dès l’abord observer que le titre de l’ouvrage et le pseudonyme choisis par l’auteur sont étroitement imbri­ qués, ouvrant plusieurs pistes d’interprétation avant même le début de la fiction. Tout d’abord, le titre inscrit l’ouvrage dans une tradition repérable : il s’agit d’un récit de vie, et le « Gargantua » dont il est question apparaît comme le père de « Panta­ gruel », qui a donné son nom au premier livre de Rabelais – le lecteur est ainsi informé de la continuité entre les deux ouvrages de l’auteur. La présentation de Gargantua relève quant à elle de l’effet d’annonce de foire, aussi orale qu’hyperbolique : on pourra faire relever aux élèves l’adjec­ tif « grand » qui, outre sa parenté phonique avec le nom « Gargantua », est ici polysémique : il qualifie autant la taille du géant que la puissance du prince. L’intensif « très » ren­ 1. Pour désigner ses œuvres, Rabelais n’utilise pas le terme « roman » mais le terme « livre », qui invite le lecteur à une approche plus globale du texte. En raison des usages quelque peu modifiés de la langue actuelle, nous choisissons dans cette fiche d’utiliser aussi bien le mot « livre » que le mot « roman », en particulier pour rappeler la dimension fictionnelle de Gargantua. 6 force cet effet d’appel à l’attention du lecteur (a fortiori dans la langue du XVIe siècle où il est directement accolé à l’adjec­ tif), et l’adjectif « treshorrificque » – dont la note 1 (p. 35) rappelle les significations et la fortune dans l’œuvre – désigne aussi bien « l’effroi » que le « frisson de frayeur » (horrificus uploads/Litterature/ fiche-pedago-gf-gargantua.pdf

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