Le trajet de Jonathan l’amène à ne plus vouloir penser – et presque à y parveni

Le trajet de Jonathan l’amène à ne plus vouloir penser – et presque à y parvenir : « simplement, il ne va pas » (p. 119). Il se retrouve à laver de petits avions en Allemagne, coupé alors des autres par le barrage de la langue, et progresse encore dans l’abandon de toute pensée : « Tout se passait comme si le seau et le chiffon occupaient à présent la dimension absolue de son être, de l’être ouvert pour le seau. » (p. 125). Nouvel épis od e convenu, plaqué ou complaisant, il y côtoie Mathias Rust avant son périple en Cessna et son atterrissage inattendu sur la Place Rouge. (À l’époque, j’avais appris le mot Cessna ; aussi ai-je tout de suite compris que le jeune Allemand dont J. fait la connaissance était cet énigmatique pilote amateur dont on n’a jamais bien compris les motivations pour avoir pris tant de risques.) C’est convenu, parce que Tabarovsky n’en fait rien, ne prend pas de parti esthétique, s’en tient à l’écume de l’événement. Si son objectif était d’écrire un roman sur l’importance grandissante de pensées superficielles, pourquoi ne pas l’avoir situé tout de go dans un salon de coiffure ? (Je sais : on exagère.) Footnotes, endnotes, bank notes "Pour un lecteur les notes en bas de page, ou pire encore en fin de volume, c'est comme un coup de sonnette à la porte, quand on est en train de faire l'amour." (L'Amour l'automne, P.O.L., 2007, p. 101) Cette remarque sur les notes de bas de page, si elle n'est pas une citation (et aussi si c'en est une), vaut son pesant d'ironie chez un auteur qui a su écrire des livres, sinon entièrement composés de notes, du moins qui reposent largement sur le principe de l'efflorescence du texte, de l'interruption, de la démultiplication par le moyen des notes de bas de page. C'est le cas de P.A. (Petite Annonce), par quoi je le découvris et qui me le fit chérir, mais aussi, auparavant et depuis, des Eglogues, dont L'Amour l'Automne est la cinquième. L'image sexuelle est d'ailleurs intéressante aussi pour sa représentation négative de l'interruption. Dans les Eglogues comme dans les hyperlivres de Renaud Camus, le foisonnement n'agit qu'à condition d'interrompre sans cesse chaque fil (éclatement, rhizome). Oui, ce dès la première phrase de Vaisseaux brûlés : ne lisez pas ce livre ! Je vous interromps, je vous arrête, pour mieux vous retenir. Captatio benevolentiae, ou capture du lecteur dans les rets de l'hyperlivre ? Lier, c'est rompre ; lire, c'est être rompu, se rompre comme un cheval, s'exercer. Alors, les notes deviennent le texte, et tout le texte n'est que notes, codicilles, creusements. L'églogue, ex-logos, est ce qui dérive de la parole, commentaire ou après-texte. 07:30 Publié dans Fall in Love | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature dimanche, 15 avril 2007 Le Génie du lien L'Amour l'automne, églogue à seize mains : trop de connivences, trop de liens à chaque ligne. Il faudrait ne plus écrire, et ne plus lire. C'est dire s'il faut continuer de lire et d'écrire. L'une des anagrammes les plus fertiles du volume, Tristan/Transit, me renforce encore dans l'idée que les textes les plus complexes de Renaud Camus sont cousins du Génie du lieu de Butor (dont le tome 4 s'intitule justement Transit). -------------- ----------------------- ------------------ Matthieu avait décidé de lire d'abord les six premiers mois du Journal de Travers, histoire de parvenir à l'orée de l'automne, au troisième tiers de septembre 1976. Mais, une fois acheté l'épais volume blanc dont l'odeur (boisée, printanière, fugace, charnue) lui rappela aussitôt celle de son exemplaire (oublié, remisé (depuis belle lurette) dans la buanderie) des Géorgiques de Claude Simon, quand il l'avait acheté à Bordeaux en 1993, il ne put ni ne sut ni ne voulut résister, et en commença la lecture sur le champ (et en classe). uploads/Litterature/ footnotes.pdf

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