ROLAND GAUCHER LE RESEAU CURIEL ou La subversion humanitaire dossiers ( JEAN PI
ROLAND GAUCHER LE RESEAU CURIEL ou La subversion humanitaire dossiers ( JEAN PICOLLEC) Le Réseau Curiel ou La Subversion Humanitaire Dossiers Ouvrages déja parus Dassault, Douglas, Boeing et les autres, de Bernard Marck. u Défi soviétique, de Claude Durand-Berger. Une enquête de Police sur le Canard Enchatné, de Christian Plume et Xavier Pasquini. LA Guerre des Truands, de Claude Picant. Complots en France, de Jean Rcnaud-Groison. L'affaire de Broglie, de Jacques Bacelon. © Bditions Jean Picoflcc, 1981 ISBN n• 2-86477-018-0 ROLAND GAUCHER Le Réseau Curiel ou La Subversion Humanitaire Editions Jean Picollec 48, rue de Laborde - 75008 Paris Tél. : 387-02-53 DU MEME AUTEUR Les Terroristes, Albin-Michel, 1965. L'Opposition en URSS, Albin-Michel, 1967. Histoire secrète du PCF, Albin-Michel, 1974. I ASCENSEUR POUR UNE EXECUTION Dans chaque cabine d'ascenseur figure un avis en interdisant l'usage aux enfants non accompagnés par des adultes. D'autres indications précisent la charge maxi mum ou limitent le nombre de personnes qui peuvent utiliser cet engin, et prescrivent la marche à suivre en cas de panne. Rien n'est toutefois prévu pour dissuader les personnes ayant des activités illégales, travaillant pour des services de renseignements, ou menacées de mort violente en raison de leurs activités ou, même, de leurs opinions politiques, d'emprunter cet appareil pour gagner ou pour quitter leur appartement. Elles sont censées savoir qu'en pareil cas la mort est quasiment imparable. C'est pour avoir négligé ce risque qu'un homme pourtant avisé, expert, rompu à toutes les ruses des opérations clandestines, rencontra la mort, le 4 mai 1978, deux ou trois minutes après 14 heures, sur le palier de son immeuble, 4, rue Rollin, dans le 5• arrondissement de Paris. Empruntant l'escalier, il lui restait une faible chance de survie, à vrai dire infime. Il aurait pu, eri aperce vant ceux qui le guettaient, tenter, en dépit de son âge (soixante-deux ans), de regrimper les étages quatre à quatre ou, jouant le tout pour le tout, foncer à 7 travers le rideau de balles, gagner la cour et la rue. Mais, enfermé dans l'étroit espace de la cage de l'ascenseur, la longue et maigre silhouette offrait aux tueurs une cible idéale. Déjà Laïd Sebaï, gardien de l'Amicale des Algériens en Europe, rue Louis-Le-Grand, à Paris, avait été pris au même piège. Et quelques années plus tôt - épisode bien oublié - un certain Wael Zwaiter, employé de bureau à l'ambassade de Libye à Rome, en fait représentant d'El Fatah, avait été abattu par deux hommes embusqués à l'entrée de l'ascenseur · conduisant à son appartement. Modeste employé lui aussi, il se peut que Laïd Sebaï ait été confondu avec un autre Algérien beaucoup plus important, avec qui il off rait une certaine ressem blance. Mais, pour Henri Curiel, le doute n'était pas possible. Il était difficile de confondre avec quiconque cet homme maigre, au visage émacié, au nez mince chaussé de fines lunettes, qui évoquait quelque pasteur britannique, tel qu'on les voit, du moins, dans les films. Et puis, les meurtriers étaient là seulement depuis quelques minutes. Ils devaient donc connaître l'horaire de Curiel, savoir· à quelle heure il avait l'habitude de quitter son appartement, pour gagner son lieu de travail, une maison d'édition (la Société européenne des arts graphiques), 5, rue de Pontoise à Paris. Au dire des témoins, c'étaient deux garçons âgés d'environ vingt-cinq ans, vêtus de blousons de cuir et gantés. Ili, entrèrent sous le porche, et se dirigèrent vers l'escalier, situé au fond de la cour à gauche, qui menait vers l'appartement de Curiel. Quand ils virent la cabine de l'ascenseur quitter le rez-de-chaussée, vide, ils durent s☭ pencher vers la cage et suivre sa progression des yeux. Et, quand l'ascenseur s'arrêta au septième étage, ils surent que Curiel s'offrirait à eux dans quelques secondes. 8 Ils tirèrent trois balles. L'expertise révéla que c'était du 11,43 - le même calibre, la même arme qui avait déjà servi pour l'attentat contre Sebaï. Aussitôt après, ils s'enfuirent. On crut les voir descendre en courant des escaliers qui menaient à la rue Monge. Au fond de la cabine, Curiel n'était plus qu'un pantin disloqué, une sorte de faucheux, aux pattes repliées sous lui. Dans sa main, il serrait encore un calepin, dont de nombreuses pages étaient tachées de sang. Libération assura qu'il avait voulu écrire, avant d'expirer, un ultime message. La police démentit cette rumeur. On ne retrouva, en effet, dans l'ascenseur ou dans sa main, ni crayon ni stylo. Très vraisemblablement, il n'avait tiré ce calepin de sa poche, en quittant son domicile, que pour vérifier une adresse ou se remémorer un emploi du temps. Ainsi absorbé par cette tâche pendant la descen te, il ne vit peut-être même pas les deux hommes postés, calibre au poing, de chaque côté de la cage, ou devant elle. Il passa directement des coups de feu à la nuit. Quand les secours arrivèrent, il respirait encore. Mais il succomba peu après, toutes les tentatives de réanima tion faites par les médecins du SAMU ayant échoué. Une heure plus tard, un correspondant anonyme appela l' AFP au téléphone et dicta ce message : « Aujourd'hui, à 14 heures, l'agent du K.G.B. Henri Curiel, militant de la cause arabe, traître à la France qui l'a adopté, a cessé définitivement ses activités. Il a été exécuté en souvenir de tous nos morts. Lors de notre dernière opération, nous avions averti. » La voix souffla dans l'écouteur un dernier mot, celui de la signature : Delta. Delta, c'était le nom adopté par le lieutenant Roger Degueldre pour les commandos de l'O.A.S. Ces groupes avaient cessé toute activité après la fin de la guerre d'Algérie, mais leur nom était réapparu pour l'attentat de Sébaï. 9 Henri Curiel a-t-il été victime d'une opération montée par d'anciens partisans de l'Algérie française, qui, pour des raisons peu claires d'ailleurs, auraient décidé, seize années après les accords d'Evian, de reprendre leurs activités? Nous examinerons à la fin de cet ouvrage cette hypothèse, une parmi d'autres. En attendant, il faut aller à la découverte de ce personnage mystérieux: Henri Curiel. Espion? Agita teur? Terroriste? Pacifiste? Non-violent? Charitable? Un destin, en tout cas, hors série. 10 II PREMIERES ARMES EN EGYPTE « Curiel? Il ressemble davantage à un retraité des contributions qu'à un cerveau international de la révo lution. » C'est la réflexion qui vient sous la plume d'un rédacteur anonyme de France-Soir• après l'enquête fracassante du Point 2, dont Georges Suffert assumera plus tard la responsabilité. Réflexion niaise. Ni les espions, ni les terroristes, ni les chefs révolutionnaires n'ont, a priori, la tête de l'emploi. Lénine avait l'air d'un petit bourgeois. Brejnev évoque le portrait-charge des gros capitalistes, crayonné par Tim ou par Wolinski, dessinateurs respectivement de L'Ex pres et de L'Humanité. Staline, avec ses bacchantes, aurait très bien pu être bougnat rue Mouffetard. L'air d'un clergyman Alors, Curiel, qu'est-ce que sa silhouette nous suggè re? Elle se découpe dans un autre numéro de France Soir : visage émacié, col blanc, légère voussure des épaules, démarche raide. On croirait voir s'avancer quelque clergyman, un peu inquiet, un peu inquiétant, 1. Numéro du 22 juin 1976. 2. Numéro 196 du 21 juin 1976. 11 surgi de façon furtive à l'heure du crépuscule, dans une séquence du Puritain, film d'avant-guerre qui révéla Jean-Louis Barrault. Un prédicateur - ainsi le définit un homme I qui l'a reçu peu après la fameuse enquête du Point:« Quand il est entré dam, mon bureau, il avait l'air timide, emprun té, gauche. Et puis, il s'est mis à parler, à prêcher plutôt. Véhément. Convaincu d'être dans le vrai, tout en m'assenant des contre-vérités énormes. Une sorte de scout prolongé du marxisme-léninisme. J'ai été sensible à cette impression. Mais quelques jours plus tard j'ai appris qu'il avait dit à un autre le contraire de ce qu'il m'avait raconté. Cela m'a laissé perplexe ... » Curiel, une autre image le montre sensiblement plus jeune, le col cette fois mollement noué dans une cravate. Il rit aux éclats, avec beaucoup de fraîcheur. Et, là, on pense à un jeune prof, savourant quelques moments de détente, avant de se replonger dans une grosse thèse pour Oxford. A vrai dire, les seules thèses qu'Henri Curiel a dû potasser ne concernaient pas les universités bourgeoises, mais l'école marxiste. Encore est-il hasardeux de lui donner,. comme nous l'avons lu, après sa mort, du « théoricien marxiste». Où sont ses théories? Il n'était certainement pas incapable d'en concevoir. Mais il est bien davantage un praticien, un homme de recettes et d'expériences. Ce qui ne va pas - nous le verrons - sans une très grande agilité dialectique, ne serait-ce que pour séduire et persuader des interlocuteurs combien divers. Le paradoxe, c'est que cet homme qui va se montrer remarquablement efficace à l'échelon planétaire, glis sant son regard, ses conseils ou son soutien dans toutes sortes d·'entreprises révolutionnaires éparpillées au Moyen-Orient, en Afrique Noire, au Maghreb, en 1. Qui tient à garder l'anonymat. 12 Amérique latine, aux Carai'bes et, à une certaine période de sa vie, en France même, débute par la vaine, uploads/Litterature/ gaucher-roland-le-re-seau-curiel.pdf
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- Publié le Fev 14, 2022
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