Florence WEBER BRÈVE HISTOIRE DE L'ANTHROPOLOGIE Champs essais © Flammarion, 20

Florence WEBER BRÈVE HISTOIRE DE L'ANTHROPOLOGIE Champs essais © Flammarion, 2015. Tous droits réservés. Dépôt légal : avril 2015 ISBN Epub : 9782081361188 ISBN PDF Web : 9782081361195 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782081239227 Ouvrage composé et converti par Meta-systems (59100 Roubaix) Présentation de l'éditeur L’histoire qui sera relatée ici, c’est celle des rencontres entre un témoin qui observe et cherche à comprendre et les hommes auxquels il s’intéresse, celle d’une science née des contacts culturels, celle d’une méthode d’investigation qui permet de connaître les peuples éloignés et le grand large, mais aussi l’humanité la plus proche de soi. Cette synthèse à la fois plaisante, exigeante et complète retrace l’histoire de l’anthropologie sociale, aborde les concepts, les enjeux, les éléments historiques incontournables. Si l’histoire de leur discipline est importante pour les anthropologues eux-mêmes parce qu’ils y puisent leur documentation, leurs références et leurs modèles – tout ce qui soude une communauté scientifique au-delà des querelles et des controverses –, elle peut également permettre à un plus large public de comprendre la lente reconnaissance scientifique de l’ethnographie, pratiquée depuis l’Antiquité, mais dépendante des contextes dans lesquels se produisaient les contacts entre les cultures, si souvent marqués, depuis le xvie siècle, par la violence et la destruction. Sociologue et anthropologue, Florence Weber est à la tête du département de sciences sociales de l’ENS. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages portant notamment sur l’histoire des sciences sociales, l’enquête ethnographique, l’économie domestique et les politiques sociales. Du même auteur Le Salaire de la confiance. L'aide à domicile aujourd'hui (avec Loïc Trabut et Solène Billaud, dir.), Rue d'Ulm, 2014. Penser la parenté aujourd'hui. La force du quotidien, Rue d'Ulm, 2013. Handicap et dépendance. Drames humains, enjeux politiques, Rue d'Ulm, 2011. Les Paradoxes de l'économie informelle. À qui profitent les règles ? (avec Laurence Fontaine, dir.), Karthala, 2010. Manuel de l'ethnographe, PUF, 2009. Le Travail au noir. Une fraude parfois vitale ?, Rue d'Ulm, 2008. L'Ethnographie économique (avec Caroline Dufy), La Découverte, 2007. Écrire, compter, mesurer. Vers une histoire des rationalités pratiques (avec Natacha Coquery et François Menant, dir.), Rue d'Ulm, 2006. Le Sang, le nom, le quotidien. Une sociologie de la parenté pratique, Aux lieux d'être, 2005. La Fortune de Karol. Marché de la terre et liens personnels dans les Abruzzes au haut Moyen Âge (avec Laurent Feller et Agnès Gramain), École française de Rome, 2005. Charges de famille. Dépendance et parenté dans la France contemporaine (avec Séverine Gojard et Agnès Gramain, dir.), La Découverte, 2003. Guide de l'enquête de terrain (avec Stéphane Beaud), La Découverte, 1998. L'Honneur des jardiniers. Les potagers dans la France du XXe siècle, Belin, 1998. Les Campagnes à livre ouvert. Regards sur la France rurale des années trente (avec Tiphaine Barthélémy, éd.), Presses de l'ENS/EHESS, 1989. Le Travail à-côté. Étude d'ethnographie ouvrière, INRA/EHESS, 1989. BRÈVE HISTOIRE DE L'ANTHROPOLOGIE « Rarement deux voyageurs auront vu le même objet de la même façon mais chacun en fit, selon sa sensibilité et selon son intelligence, une interprétation particulière. Il fallait donc connaître d'abord l'observateur avant de pouvoir faire usage de ses observations. » Georg Forster, A Voyage Round the World, 1777 NOTE PRÉLIMINAIRE Selon l'usage, cet ouvrage utilise le terme « anthropologie » pour traiter de l'anthropologie sociale, c'est-à-dire des travaux de recherche portant sur l'homme en société et fondés sur l'ethnographie (ou enquête de terrain). Cette terminologie s'est imposée depuis la Seconde Guerre mondiale en français et en anglais. Le terme « ethnologie » pour désigner ce même champ de recherches a gardé des partisans, mais ne sera pas utilisé ici. D'autres sciences de l'homme appartiennent à l'anthropologie au sens le plus large, notamment la préhistoire, l'anthropologie physique et la linguistique. Il en sera question seulement lorsque leur histoire croise celle de l'anthropologie sociale. INTRODUCTION L'expérience du dépaysement L'anthropologie sociale apparaît au début du XXe siècle aux États-Unis et en Europe. C'est donc l'une des sciences de l'homme les plus récentes si l'on s'en tient à la naissance d'une activité professionnelle et à la codification d'une méthode d'investigation. Si on la définit plus largement comme l'aller et retour d'un témoin entre deux cultures avec ses effets de connaissance, elle est l'une des plus anciennes. On pourrait alors la dater des Lumières européennes, au XVIIIe siècle, et des grandes explorations scientifiques mues par le désir de connaissance et de découverte de la nature et de l'homme à l'échelle planétaire – pensons au voyage de Bougainville autour du monde et à la découverte du Pacifique par des voyageurs européens. Plus convaincant encore, elle remonterait à la Renaissance et au XVIe siècle, lorsque la découverte de l'Amérique ouvrit la voie en Europe à une interrogation sur la diversité de l'homme qui mit à mal la thèse chrétienne de la création de l'homme par Dieu et « à son image ». On a fait le choix ici de remonter plus loin encore, à la Grèce classique du Ve siècle avant Jésus-Christ, car l'anthropologie sociale est née avec les premiers ethnographes dont s'est inspiré l'historien Hérodote pour rédiger son œuvre en prose intitulée L'Enquête. L'ethnographie qui consiste à observer « en direct » des comportements et à écouter des récits n'avait pas encore été isolée des autres méthodes d'enquête, dont la critique des documents écrits privilégiée par l'historien ou l'analyse des objets matériels propre à l'archéologie. Il est néanmoins facile de la reconnaître dans les récits de rencontres entre un témoin qui observe et cherche à comprendre, et les hommes auxquels il s'intéresse. C'est l'histoire de ces rencontres qui sera relatée ici, l'histoire d'une science née des contacts culturels, l'histoire d'une méthode d'investigation qui permet de connaître les peuples éloignés et le grand large, mais aussi l'humanité la plus proche de soi. Car le changement de point de vue sur le monde, né de l'expérience du dépaysement et que les spécialistes nomment le « décentrement », à la fois rapproche ce qui était lointain et éloigne ce qui était familier. De sorte que le regard éloigné de l'ethnographe, rendu célèbre par le titre d'un ouvrage de Claude Lévi- Strauss paru en 19831, enclenche d'un même mouvement la connaissance des autres cultures et celle de la sienne propre. L'unité de l'anthropologie sociale repose aujourd'hui sur la méthode ethnographique, c'est-à-dire sur l'enquête directe menée par le savant lui- même, par opposition aux enquêtes déléguées à des personnels subalternes, utilisées notamment en sociologie, en science politique et en science économique. En anthropologie, c'est le chercheur qui rencontre les membres des groupes qu'il étudie. Il commence par apprendre leur langue pour communiquer avec eux. Puis il les observe, il les écoute et il partage leur vie pour des périodes allant de plusieurs mois à plusieurs années. Il rédige ensuite son analyse à partir du journal de terrain qu'il a tenu tout au long de son enquête. L'ethnographe est quelqu'un qui écrit, pendant et après l'enquête, comme le souligne l'étymologie grecque du mot qui le désigne dans toutes les langues européennes depuis le début du XIXe siècle : graphein, écrire, ethnos, un peuple parmi d'autres, d'où est venu également, à la fin du XIXe siècle, le mot « ethnie », groupe d'hommes défini par une culture. Le mot « anthropologie » est bien plus ancien. Il est notamment attesté en français dans un poème de 1516, comme une branche de la connaissance, au côté de l'histoire naturelle et de l'histoire morale, de la philosophie, de la géographie et de la linguistique. Il vient de deux autres mots grecs, logos, le discours scientifique (par opposition au récit mythique et à l'opinion, doxa), et anthropos, l'homme sans distinction de race, de langue ni de sexe (par opposition à l'animal et au divin). Il désigne depuis le XVIe siècle l'étude de l'homme en général, considéré comme un tout physiologique et social, depuis ses origines jusqu'à nos jours et dans toutes les régions du globe. Cette étude s'est divisée dès le XVIIIe siècle en Allemagne, à la fin du XIXe siècle en Angleterre et en France, en plusieurs spécialités : la dimension physiologique de l'homme devint l'objet propre de l'anthropologie physique, les origines de l'homme furent l'objet de la préhistoire, la dimension psychologique et sociale de l'homme « moderne » par opposition à l'homme « préhistorique » devint enfin l'objet de l'anthropologie sociale, proche de la sociologie dès la naissance de celle-ci à la fin du XIXe siècle. L'histoire de l'anthropologie avant sa professionnalisation fut celle des contacts culturels. Ces moments de rencontre entre deux groupes humains inconnus l'un à l'autre, qui ne parlent pas la même langue et qui ne vivent pas de la même façon, furent rarement dus au hasard. Ils s'inscrivaient dans des relations intermittentes, marquées par la longue distance et la longue durée, lors desquelles des objets et des informations circulaient, ainsi que des images, des stéréotypes et des représentations. Le commerce, l'échange de cadeaux, les tributs réclamés en échange d'une protection, étaient des occasions de brefs contacts chargés de significations et d'émotions. Certains d'entre eux ont pu dégénérer en violence armée. Mais on trouvait dans uploads/Litterature/ breve-histoire-de-lanthropologie-by-weber-florence-z-lib-org.pdf

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