Introduction à la littérature fantastique Tzvetan Todorov. 1- les genres littér
Introduction à la littérature fantastique Tzvetan Todorov. 1- les genres littéraires projet de cet ouvrage : étudier un genre littéraire, cad "découvrir une règle qui fonctionne à travers plusieurs textes et nous fait appliquer le nom "d'œuvres fantastiques" "les genres existent à des niveaux de généralité différents et le contenu de cette notion se définit par le point de vue qu'on a choisi." Peut-on parler de genre dans la mesure où tout l'intérêt de l'œuvre réside dans sa singularité d'avec les autres œuvres ? Toute œuvre modifie le champ des possibles, chaque nouvel exemple change l'espèce. Et même, nous ne reconnaissons à une œuvre le droit d'entrer dans l'histoire de la littérature que dans la mesure où elle apporte un changement à l'idée que l'on se faisait de l'espèce à laquelle appartient cette œuvre. Sinon ce sont des textes "de masse", populaires. Seuls ces ouvrages (science-fiction, roman policier, etc.) peuvent appeler la notion de genre. Tout texte littéraire doit être abordé dans une double perspective : - ce qu'il a de commun avec l'ensemble de la littérature ou l'un de ses sous-ensemble (genre littéraire) - ce en quoi il en diffère. "L'individuel ne peut pas exister dans le langage et notre formulation de la spécificité d'un texte devient automatiquement la description d'un genre, dont la seule particularité est que l'œuvre en question en serait le premier et l'unique exemple." Maurice Blanchot : "Seul importe le livre, tel qu'il est, loin des genres, en dehors des rubriques, prose, poésie, roman, témoignage, sous lesquelles il refuse de se ranger et auxquelles il dénie le pouvoir de lui fixer sa place et de déterminer sa forme. Un livre n'appartient plus à un genre, tout livre relève de la seule littérature, comme si celle-ci détenait par avance, dans leur généralité, les secrets et les formules qui permettent seules de donner à ce qui s'écrit la réalité de livre" (Le Livre à venir, p 243-244) Ne pas reconnaître l'existence de genres équivaut à prétendre que l'œuvre littéraire n'entretient pas de relation avec les œuvres déjà existantes. Les genres sont précisément ce relais par lesquels l'œuvre se met en rapport avec l'univers de la littérature. Toute théorie de genre se fonde sur une représentation de l'œuvre littéraire. Il y a trois aspects de l'œuvre : verbal, syntaxique, sémantique. L'aspect verbal réside dans les phrases concrètes qui constituent le texte. L'aspect syntaxique traite des relations des parties de l'œuvre entre elles, elles peuvent être logiques, temporelles ou spatiales. L'aspect sémantique concerne les thèmes littéraires. Il faut distinguer genre historique qui relatent d'une observation des faits et genres théoriques qui sont déduits d'une théorie de la littérature. Les genres que nous rencontrons dans l'histoire littéraire doivent être soumis à l'explication d'une théorie littéraire cohérente. Le définition du genre littéraire est un va-et-vient entre description des faits et abstraction. Les genres se situent à un niveau abstrait, décalé de celui des œuvres existantes. Il n'y a aucune nécessité qu'une œuvre incarne fidèlement son genre. 2- définition du fantastique. Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel entre l'illusion et l'existence d'une autre réalité. Le concept de fantastique se définit donc par rapport à ceux de réel et d'imaginaire. Dans le fantastique, il y a un phénomène étrange que l'on peut expliquer de deux manières différentes : cause naturelle ou surnaturelle. La possibilité d'hésiter entre les deux crée l'effet fantastique. "L'hésitation du lecteur est la première condition du fantastique." Dans Vera de Viliers de l'Isles Adam, le lecteur s'interroge sur la résurrection de la femme du comte, mais aucun personnage de l'œuvre ne partage cette opinion. Le fantastique exige que 3 conditions soient remplies : 1- il faut que le texte oblige le lecteur à considérer le monde des personnages comme un monde de personnes vivantes et à hésiter entre une explication naturelle et une explication surnaturelle des évènements évoqué. 2- Cette hésitation peut être ressentie par l'un des personnages. 3- Le lecteur doit adopter une certaine attitude à l'égard du texte, cad qu'il doit refuser une lecture allégorique aussi bien qu'une interprétation poétique. Le présence du surnaturel ne suffit pas à caractériser une œuvre de "fantastique". Il est aussi courant d'expliquer le "fantastique" par la réaction émotionnelle du lecteur : "un conte est fantastique tout simplement si le lecteur ressent profondément un sentiment de crainte de et de terreur."LOVECRAFT. faut-il alors en déduire que le genre d'une œuvre dépend du sang-froid de son lecteur ? La peur est souvent liée au fantastique mais elle n'en est pas une condition nécessaire. La clé du fantastique, c'est l'ambiguïté. Prenons l'exemple d'Aurélia de Nerval :ce livre fait le récit des visions qu'a eu un personnage pendant une période de folie. Le récit est mené à la première personne; mais le "je" recouvre deux personnes distinctes : celles du personnage qui perçoit des mondes inconnus et celle du narrateur qui transcrit les impressions du premier. A première vue le fantastique n'existe pas ici : le personnage considère ses visions comme une vision plus lucide du monde (il est donc dans le merveilleux) ni pour le narrateur qui sait qu'elles relèvent de la folie ou du rêve, non de la réalité (de son point de vue le récit se rattache simplement à l'étrange). Mais Naerval recrée l'ambiguïté là où on ne l'attendait pas. D'abord le personnage n'est pas tout à fait décidé quant à l'interprétation à donner aux faits. Il n'accepte jamais la solution de la folie avec certitude. De même le narrateur n'est pas sûr que les faits rapportés relèvent de l'illusion. L'ambiguïté tient aussi aux procédés d'écriture qu'emploi Nerval : l'imparfait et la modalisation. La modalisation est une locution introductive d'une phrase qui modifie la relation entre le sujet de l'énonciation et l'énoncé : il pleut dehors peut-être qu'il pleut dehors : les deux phrases réfèrent au même fait mais la modalisation dans la seconde introduit une nuance d'incertitude. L'imparfait a un sens d'ambiguïté semblable : si je dis : "j'aimais Aurélia" je ne précise pas si je l'aime encore, c'est une possibilité. Exemple dans le texte : "il me semblait que je rentrais dans… et j'avais l'idée que l'âme de mon aïeule … je crus tomber dans…. Il devenait clair pour moi …." Si ces locutions étaient absentes nous serions dans le domaine du merveilleux. Par elles le locuteur maintient une distance par rapport à ce qu'il raconte. Nerval crée aussi un effet fantastique en prenant distance par rapport aux autres hommes et notamment par rapport à leur langage : "Mes actions, insensées en apparence étaient soumises à ce que l'on appelle illusion, selon la raison humaine." 3 – l'étrange et le merveilleux "le fantastique ne dure que le temps d'une hésitation : hésitation commune au lecteur et au personnage, qui doivent décider si ce qu'il perçoivent relève ou non de la réalité commune. A la fin de l'histoire le lecteur, sinon le personnage, prend une décision et par là même sort du genre fantastique." S'il décide que la réalité demeure intacte et qu'elle permet d'expliquer les phénomènes l'œuvre relève du genre de l'étrange. S'il décide d'admettre de nouvelles lois de la nature, par lesquels le phénomène peut être expliqué, nous entrons dans le genre du merveilleux.. Mais pour certaines œuvres l'ambiguïté demeure jusqu'à la fin comme dans The Turn of the screw de James : en refermant le livre, on ne sait pas s'il y a véritablement des fantômes ou si l'institutrice est en proie à des hallucinations. Le genre fantastique est donc très délicat car il peut disparaître à tout instant pour laisser la place à l'un ou l'autre des genre étrange et merveilleux. Le vraisemblable ne s'oppose nullement au fantastique. Le premier à trait à la cohérence interne du récit, le second à la perception ambiguë du lecteur et du personnage. A l'intérieur du genre fantastique il est vraisemblable qu'aient lieu des réactions fantastiques. Il est souvent difficile de faire la distinction entre étrange, fantastique et merveilleux. Ex. : La chute de la maison Usher de Poe : le narrateur vient chez son ami Roderick Usher sur sa demande. Celui-ci est très nerveux parce sa sœur qu'il adore est gravement malade. Elle meurt quelques jours plus tard. Ils décident de l'enterrer dans le caveau familial. Mais à la suite d'événement étranges, Roderick s'écrit : "nous l'avons enterrée vivante!" et en effet, la sœur apparaît sur le seuil du caveau. Frère et sœur se jettent dans les bras l'un de l'autre et meurent. Peu après leur maison s'écroule. La resurrection de la sœur, ainsi que la chute de la maison sont pleinement étrange. Cependant Poe a glissé dans le texte d'infimes éléments qui laisse la voie ouverte à un explication réaliste : tout d'abord la description d'une fissure sur la maison, mais surtout la description des crises passagères de la sœur qui la jetait dans un état proche de la mort. L'ambiguïté demeure : il y a fantastique. Du merveilleux est né au XIX uploads/Litterature/ intro-lit-fantastique.pdf
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- Publié le Apv 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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