Revue germanique internationale 17 (2013) L’herméneutique littéraire et son his

Revue germanique internationale 17 (2013) L’herméneutique littéraire et son histoire. Peter Szondi ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Pedro Süssekind L ’Historicité de l’œuvre d’art. Essai sur l’affinité entre Peter Szondi et Antonio Candido ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Pedro Süssekind, « L’Historicité de l’œuvre d’art. Essai sur l’affinité entre Peter Szondi et Antonio Candido », Revue germanique internationale [En ligne], 17 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 02 juin 2016. URL : http:// rgi.revues.org/1380 ; DOI : 10.4000/rgi.1380 Éditeur : CNRS Éditions http://rgi.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://rgi.revues.org/1380 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés L’Historicité de l’œuvre d’art. Essai sur l’affinité entre Peter Szondi et Antonio Candido Pedro Süssekind (Département de Philosophie, Université Fédérale Fluminense) 1. Considérations sur la réception brésilienne Au Brésil, avec la traduction récente de quelques livres, l’œuvre de Peter Szondi devient peu à peu une référence dans les domaines de l’esthétique philo- sophique, de la critique littéraire et de la théorie du théâtre. Les trois ouvrages traduits – Teoria do drama moderno (Cosacnaify, 2001), Ensaio sobre o trágico (Zahar, 2004), et Teoria do drama burguês (Cosacnaify, 2004) – sont devenus des contributions fondamentales pour les discussions autour de la philosophie du tragique, de l’évolution du théâtre moderne et de la poétique philosophique. Cependant, eu égard à l’importance de l’œuvre et à son orientation herméneutique, il paraît clair que cette réception est encore assez partielle. En fonction peut-être de l’influence du premier livre traduit, elle a privilégié surtout ses réflexions sur le théâtre. Le recours à l’apport de Szondi dans Teatro pós-dramático de Hans-Thies Lehmann, ouvrage traduit récemment (Cosacnaify, 2008) et qui est rapidement devenu une citation obligée dans les études sur la production théâtrale contemporaine dans les universités brésiliennes, ne vient que confirmer cette tendance. Pourtant, une lecture orientée vers l’esthétique philoso- phique est présente dans la thèse Modernidade e tragédia, soutenue en 2009 par Raquel Imanishi Rodrigues à l’Université de São Paulo (USP), un des rares travaux universitaires consacrés à Szondi au Brésil. Dans le domaine de la philosophie encore, il est important de souligner aussi l’ouvrage de Roberto Machado1, O 1. Ancien élève de Deleuze et spécialiste de la pensée de Nietzsche, Roberto Machado, professeur à la UFRJ (Université fédérale de Rio de Janeiro), est l’auteur d’une œuvre considérable qui se réfère beaucoup à la philosophie française contemporaine et porte notamment sur des questions d’esthétique (N.d.T). Nascimento do trágico (2006), qui s’intéresse à la thèse centrale de Szondi sur les débuts de la philosophie du tragique dans le contexte de la pensée allemande du XIXe siècle. Cependant, comme l’intérêt de l’auteur porte surtout sur Nietzsche, cette reprise de la thèse de Szondi a un but très différent de celui qui oriente l’Essai sur le tragique, à savoir une reconstruction des développements de la philo- sophie du tragique selon un parcours historique qui aboutit à La Naissance de la tragédie. Ainsi, malgré l’intérêt de certains chercheurs, les contributions plus générales de Peter Szondi à la philosophie de l’art, l’herméneutique et la critique de la littérature sont encore très peu connues au Brésil. Il est possible que cette partialité de la réception brésilienne soit progressivement corrigée, notamment avec la publi- cation de nouvelles traductions, en particulier ses études sur Hölderlin et Celan, Introduction à l’herméneutique littéraire et Poétique et philosophie de l’histoire. En ce qui concerne la pratique et les propositions méthodologiques de Szondi dans le champ de la théorie littéraire, la réception brésilienne croissante pourrait toutefois rencontrer une affinité entre sa pensée et les présupposés de la production critique de Antonio Candido, considéré comme l’un des plus importants théori- ciens de la littérature du Brésil. Comme Szondi, qui a dirigé l’Institut de Littérature Comparée à l’Université Libre de Berlin à partir de 1965, Candido a fait une carrière universitaire très rapide, en ayant installé et consolidé, dans les années 1970, les recherches en théorie littéraire et en littérature comparée à l’Université de São Paulo. Néanmoins, il me semble que l’affinité entre les deux auteurs va bien au-delà de la ressemblance entre leurs trajectoires académiques : elle porte sur les évaluations postérieures de leurs travaux et sur les débats auxquels ils ont participé, ce qui inclut notamment des critiques adressées à leur approche histo- rique ou sociologique de la littérature. La critique de Gadamer visant un essai de Szondi sur un poème de Paul Celan, publiée en 1972 dans un journal de Zurich, est un exemple de ces débats. Gadamer, qui considérait que pour interpréter un poème il n’est pas nécessaire de connaître sur lui des données particulières et contingentes, y critique l’attitude interprétative de Szondi, qui se réfère à une série de détails biographiques. Dans un article sur ce débat, Alfred Zimmerlin affirme que, si Szondi était en vie et pouvait répondre à cette critique, il aurait sans doute soutenu que la référence aux éléments biogra- phiques était une nécessité définie par l’analyse même du poème de Celan. En effet, la méthode de Szondi a toujours privilégié une lecture proche de l’objet de l’interprétation, où chaque œuvre, dans son autonomie, fournit les prémisses de son interprétation. Il ne renvoie à des données extérieures, contextuelles ou biogra- phiques que quand ces éléments sont mentionnés ou élaborés en quelque manière dans le texte même. Depuis le premier cours donné par Szondi en 1955 qui portait sur Rilke2, la méthode adoptée implique ce minutieux travail d’interprétation. La richesse des détails fournis par Szondi sur les poèmes de Rilke, qui incluent des informations biographiques et des références contextuelles, servent à chaque moment, et sans 2. Cf. Peter Szondi, Das lyrische Drama des Fin de siècle, Francfort-sur-M., Suhrkamp, 1975, p. 379. 104 L’Herméneutique littéraire et son histoire : Peter Szondi concessions, la compréhension des poèmes. Le recours à des commentaires tirés de lettres ou à des explications sur l’auteur et sur l’époque ne devient nécessaire qu’à partir de la lecture minutieuse, comme si le critique voulait examiner les poèmes au microscope. Or, cette manière de procéder est semblable à celle du critique littéraire brésilien, Antonio Candido, qui était son contemporain. Dans l’introduction de son ouvrage intitulé Formation de la littérature brésilienne de 1959, Candido affirme concentrer tout son travail dans la lecture du texte, « en utilisant les autres données comme auxiliaires de l’interprétation »3. Il y soutient un type d’approche marquée par la « conviction que le point de vue historique est une des manières légitimes d’étudier la littérature, en présupposant que les œuvres s’articulent dans le temps »4. Il cherchait un équilibre entre le formalisme, qu’il critiquait en raison de sa limitation aux éléments textuels, et les interprétations non littéraires, qui expliquent les œuvres par les données sociales, biographiques ou psychologiques. Son intention déclarée était « d’étudier chaque auteur dans son intégrité esthétique », mais aussi de chercher à « saisir le phénomène littéraire de la manière la plus significative et complète possible », ce qui impliquerait de comprendre chaque œuvre d’art comme « une réalité autonome ». Ainsi, son importance n’est pas due « au fait d’exprimer un aspect de la réalité, sociale ou individuelle, mais à la manière dont elle l’exprime »5. 2. Formation de la critique brésilienne Antonio Candido a été l’un des principaux représentants, au Brésil, d’un changement dans la configuration des champs de la théorie et de la critique de la littérature à partir de la fin des années 1950. D’une manière générale, les discussions de l’époque font apparaître le processus par lequel la critique journalistique, ou « critique de feuilleton », qui prédominait encore dans les années 1940 et 1950, cède la place aux travaux universitaires d’une génération formée dans les facultés de philosophie de Rio de Janeiro et de São Paulo (les deux créées dans les années 1930). Un exemple particulièrement illustratif de cette transformation est la querelle qui a opposé Candido à Oswald de Andrade, un des principaux tenants de ce mouvement littéraire. En réponse à la critique que Candido avait adressée, dans une série d’articles de 1943, au caractère personnaliste de ses évaluations de la littérature et à l’allure esthétisante d’un de ses livres, Oswald s’est contenté d’ironiser sur le langage académique. Avec l’expression « chato-boys » [« garçons- rasoirs »], qui désignait le groupe de son adversaire, Oswald a condamné ce qu’il considérait comme une confusion entre uploads/Litterature/ l-historicite-de-l-oeuvre-d-art-essai-su 1 .pdf

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