ÉRIC BLONDEL NIETZSCHE L’art ANALYSE À PARTIR DE TEXTES PREMIÈRE PARTIE : GAI S
ÉRIC BLONDEL NIETZSCHE L’art ANALYSE À PARTIR DE TEXTES PREMIÈRE PARTIE : GAI SAVOIR, § 370 DEUXIÈME PARTIE : L’« ÉPILOGUE » DU CAS WAGNER TROISIÈME PARTIE : « LE VOYAGEUR ET SON OMBRE » ; PAR-DELÀ BIEN ET MAL QUATRIÈME PARTIE : 2ND PRÉFACE, NAISSANCE DE LA TRAGÉDIE, ESSAI D’AUTOCRITIQUE ANNEXES AVERTISSEMENT Cours professé par Monsieur Éric BLONDEL Professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne (UFR de philosophie) Agrégation 2007 DOCUMENT RÉALISÉ AVEC LA GRACIEUSE PARTICIPATION DE JEAN-MARIE BRUN ET AGNÈS CONVERT Philopsis éditions numériques http://www.philopsis.fr Les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur. Toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. © Éric Blondel - Philopsis 2008 AVANT-PROPOS : CORPUS DES TEXTES Cette étude portant sur Nietzsche et l’art s’appuie sur les écrits nietzschéens suivants (par ordre chronologique) : Humain trop humain, deuxième partie : « Le voyageur et son ombre » [§§ 149 à 169, tome II] Gai savoir [§§ 115 ; 347 ; 368 ; 370 ; 372] Par-delà Bien et Mal [§§ 7 ; 186 ; 187 ; 208 ; 229 ; 245 ; 255 ; 252] La Naissance de la Tragédie, Préface, « Essai d’autocritique » [§§ 4 et 5] Généalogie de la morale, Préface [§ 8] Cas Wagner [§ 7 et Épilogue] Antéchrist [§ 9] Nietzsche contre Wagner : « – Là où j’objecte » [on y retrouve le § 368 du Gai savoir] Posthume 14 [134] © Éric Blondel - Philopsis 2008 www.philopsis.fr 3 NIETZSCHE - L'ART - NOTES DE COURS PREMIÈRE PARTIE L’ART À PARTIR DE L’ÉTUDE DU GAI SAVOIR, § 370 Ce paragraphe est intitulé « Qu’est-ce que le romantisme ? ». Nous nous appuyons sur la traduction de Patrick Wotling, GF-Flammarion, Paris 1997, pp. 332 à 336. 1. LE TEXTE Nous renvoyons ici le lecteur au texte original qui devra être lu intégralement pour une bonne comprehension du cours : Gai savoir § 370 depuis : « Qu’est-ce que le romantisme ? On se souvient peut-être, du moins parmi mes amis, que j’ai commencé par me jeter sur ce monde moderne avec quelques lourdes erreurs et surestimations, en tout cas en homme qui a une espérance. Je compris – qui sait à la suite de quelles expériences personnelles ? – le pessimisme philosophique du dix-neuvième siècle comme s’il était le symptôme d’une force de pensée plus élevée, d’une audace plus courageuse, d’une plénitude de vie plus victorieuse que celles qui ont caractérisé le dix-huitième siècle, l’époque de Hume, de Kant, de Condillac et des sensualistes : de sorte que la connaissance tragique m’apparut comme le luxe propre de notre culture, comme sa forme de prodigalité la plus somptueuse, la plus noble, la plus dangereuse, mais toutefois, en raison de sa richesse surabondante, comme un luxe qui lui était permis. À : Cette dernière attitude constitue le pessimisme romantique sous sa forme la plus expressive, que ce soit comme philosophie de la volonté de Schopenhauer, que ce soit comme musique wagnérienne : – le pessimisme romantique, le dernier grand événement de notre culture. (Qu’il puisse encore y avoir un tout autre pessimisme, un pessimisme classique – Ce pressentiment et cette vision m’appartiennent, comme mon proprium et ipsissimum à ceci près que le terme de « classique » répugne à mon oreille, il est bien trop usé, il est devenu bien trop rond et méconnaissable. J’appelle ce pessimisme de l’avenir – car il vient ! je le vois venir – le pessimisme dionysiaque.) » 2. COMMENTAIRE Ce § 370 fait suite à un texte apparenté qui est le § 368, lequel se retrouve dans l’ouvrage Nietzsche contre Wagner, le chapitre intitulé « là où j’objecte ». [Gai savoir, § 368, p. 330] « […] Qu’est-ce que mon corps tout entier attend au juste de la musique ? Son allègement, me semble-t-il : comme si toutes les fonctions animales devaient être activées par des rythmes légers, audacieux, exubérants, sûrs d’eux ; comme si la vie d’airain, de plomb devait être dorée par des harmonies en or, bonnes et tendres. Ma mélancolie veut se reposer dans les cachettes et les abîmes de la perfection : c’est pour cela que j’ai besoin de musique. Que m’importe le drame ! Et les spasmes de ses extases morales où le « peuple » trouve sa satisfaction ? Et tout le charlatanisme gestuel du comédien !… On devine que je suis d’une nature essentiellement antithéâtrale, – mais Wagner était au contraire essentiellement homme de théâtre et comédien, le mimomane le plus déchaîné qui ait jamais existé, même en tant que musicien !… Et au passage : si la théorie de Wagner fut que « le drame est le but, la musique n’en est jamais que le moyen », – sa praxis fut au contraire, du début à la fin, « l’attitude est le but, le drame, comme la musique n’en sont jamais que les moyens ». La musique comme moyen de souligner, de renforcer, d’intérioriser la gestuelle dramatique et l’expressivité © Éric Blondel - Philopsis 2008 www.philopsis.fr 4 NIETZSCHE - L'ART - NOTES DE COURS extérieure du comédien ; et le drame wagnérien, une simple occasion de multiplier les attitudes dramatiques ! En absolument toute chose, il avait à côté d’autres instincts, les instincts qui, chez un grand acteur, commandent : et en tant que musicien également comme on l’a dit. » Nietzsche écrit dans un Texte posthume de 1888 : « Qu’est-ce qui caractérise la nature d’artiste de Wagner ? L’histrionisme, la mise en scène, l’art de l’étalage, la volonté de faire de l’effet par amour de l’effet, le génie de la déclamation, de la représentation, de l’insinuation, de l’apparence […] » [Fragment posthume XIV, 15 [6], § 8] On retrouve aussi un texte analogue dans la deuxième partie de Nietzsche contre Wagner. [trad. Éric Blondel, GF-Flammarion, Paris 1992, pp. 184 à 186] : « […] Que veut donc de la musique mon corps tout entier ? Car il n’y a pas d’âme… C’est, je crois, son allègement : comme si toutes les fonctions animales devraient être accélérées par des rythmes légers, hardis, turbulents, sûrs d’eux-mêmes ; comme si l’airain et le plomb de la vie devaient oublier leur pesanteur grâce à l’or, la tendresse et l’onctuosité des mélodies. Ma mélancolie veut se reposer dans les cachettes et les abîmes de la perfection : voilà pourquoi j’ai besoin de la musique. Mais Wagner rend malade. – Que m’importe à moi le théâtre ? Que m’importent les crampes de ses « extases » morales où le peuple – et qui n’est pas le « peuple » ! – trouve son compte ? Que m’importent les tours de passe-passe et poses du comédien ! – On le voit, je suis foncièrement anti- théâtral, j’ai au fond de l’âme contre le théâtre, cet art de masse par excellence, le mépris profond qu’éprouve aujourd’hui tout artiste à son endroit. […] Mais Wagner au contraire, à côté du Wagner qui a composé la musique la plus solitaire qu’il y ait, était encore foncièrement homme de théâtre et comédien, le mimomane le plus exalté qu’il y ait peut-être jamais eu, même comme musicien… Et, soit dit en passant, si le théâtre de Wagner était que « le drame est la fin, la musique n’en est jamais que le moyen » –, sa pratique n’a été, au contraire, du début à la fin, que « l’attitude est la fin, le drame ainsi que la musique, n’est jamais que son moyen ». La musique comme moyen d’explicitation, de renforcement, d’intériorisation des poses dramatiques et de la soumission aux sens de l’acteur ; et le drame wagnérien qu’une occasion de mainte attitude intéressante ! » Nietzsche, par ailleurs, réduit l’esthétique à la « physiologie ». Dans un Fragment posthume, par exemple, il écrit : « Ce principe général qui fournit pour moi le fondement de toute esthétique : à savoir que les valeurs esthétiques reposent sur des valeurs biologiques, que les sentiments de bien-être esthétique sont des sentiments de bien-être physiologique. » [Fragment posthume, XIV, 16 [75]]. Ce paragraphe : « Qu’est-ce que le romantisme ? » ne constitue pas un petit traité sur le romantisme. Nietzsche étudie précisément un phénomène qui est typique d’un des aspects de la civilisation. Le phénomène du romantisme est considéré du point de vue du psychologue ou du généalogiste. En effet, Nietzsche cherche à déterminer quels sont les affects et les typologies qui se cachent derrière le romantisme. Avec le romantisme, il s’agit de définir une des caractéristiques du XIXe siècle. Nietzsche réfléchit toujours au cœur d’une problématique de la civilisation. Que vaut une civilisation où il y a un mouvement romantique ? © Éric Blondel - Philopsis 2008 www.philopsis.fr 5 NIETZSCHE - L'ART - NOTES DE COURS 2.1 LE ROMANTISME ALLEMAND Le romantisme allemand de la première moitié du XIXe siècle s’est exprimé sous diverses formes : musique, théâtre, roman, poésie… Ce romantisme n’est pas contemporain de uploads/Litterature/ eric-blondel-nietzsche-l-x27-art.pdf
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- Publié le Oct 09, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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