Méthodes et problèmes L'œuvre dramatique Danielle Chaperon, © 2003-2004 Dpt de

Méthodes et problèmes L'œuvre dramatique Danielle Chaperon, © 2003-2004 Dpt de Français moderne – Université de Lausanne Sommaire 1. La dramaturgie 1. Définitions 2. Double origine des instruments d'analyse 3. Utilité de la référence classique 4. Dramaturgie et narratologie 2. L'Action 1. La construction de l'action 1. L'inventio 2. Renversement ou conflit 2. Les moteurs de l'action 1. Les six fonctions de la structure actantielle 2. Exposition, nœud, dénouement 3. Le fil principal et les fils secondaires 4. L'intrigue 5. Les caractères 6. Les rôles: les personnages dans l'action 7. Utilité générale des structures actantielles 3. Le Drame 1. La dispositio 2. Montré et raconté 3. Le Mode 1. Showing et telling 2. Le point de vue 4. Le Temps: 1. La durée 2. L'ordre 3. La fréquence 5. L'Espace 1. Les omissions latérales 2. Le choix du lieu 3. La visibilité 4. L'étendue 5. La mobilité 6. Les personnages et le lieu 6. Le tableau de présence 1. Continuité dramatique et discontinuité scénique 2. Présences et absences 3. Distribution des scènes 4. Le tableau de présence et les structures actantielles 7. Espace/temps diégétique 4. L'acte de Présentation 1. L'elocutio 2. La voix des personnages 3. La voix du présentateur 4. Le lecteur réel et le spectateur fictif 5. 5. Esthétique et évolution des formes 1. Mode dramatique et genre théâtral 2. Histoire du genre  Bibliographie I. La dramaturgie I.1. Définitions Le mot dramaturgie est un terme dont l'extension est plurielle. Les dictionnaires autorisés distinguent le plus souvent deux définitions concentriques et en quelque sorte emboîtées. Le mot dramaturgie peut s'appliquer en effet: 1° à l'étude de la construction du texte de théâtre, de son écriture et de sa poétique et 2° à l'étude du texte et de sa ou ses mise(s) en scène tels qu'ils sont liés par le processus de la représentation. Le présent cours (ainsi que celui qui est consacré parallèlement au mode dramatique [Le mode dramatique]) s'intéressera exclusivement au premier de ces deux domaines d'étude. Nous renvoyons pour ce qui concerne la dramaturgie articulant le texte et la mise en scène à un cours spécifique [La mise en scène]. Ce premier domaine correspond à la définition classique. Patrice Pavis rappelle dans son Dictionnaire du théâtre que l'étymologie grecque renvoie à l'acte de composer un drame. Conformément à cette origine antique, le Littré affecte au mot dramaturgie le sens d'art de la composition des pièces de théâtre. Longtemps le terme a ainsi désigné l'ensemble des techniques concrètes que les auteurs mettaient en œuvre dans leur création, mais aussi le système de principes abstraits – la poétique – qu'il était possible d'induire à partir de ces recettes. Dans le contexte des études littéraires, on continuera de se servir du terme dramaturgie pour désigner l'art de la composition dramatique tel qu'il se manifeste dans les textes. On distinguera de plus l'analyse dramaturgique, c'est-à-dire la pratique critique qui consiste à décrire et à évaluer les effets de cet art, de la théorie dramaturgique qui élabore les instruments nécessaires à cette pratique. I.2. Double origine des instruments d'analyse Les instruments d'analyse dont nous disposons aujourd'hui sont issus de deux sources principales. D'abord de la dramaturgie des auteurs et des philosophes telle que l'histoire nous l'a transmise, depuis Aristote jusqu'à Vinaver par exemple, en passant par Corneille, Voltaire, Diderot, Hegel, Lessing, Hugo, Zola, Maeterlinck, Brecht, Sartre, Sarraute... Le lexique descriptif que l'on peut extraire de cette histoire de la dramaturgie, malgré les tempêtes esthétiques qu'elle a traversées, reste remarquablement stable. Pour utiliser une expression de Gérard Genette, la théorie indigène semble en la matière plus constante, plus unifiée et plus exploitable que dans le cas du roman. La Pratique du théâtre de l'abbé d'Aubignac, éditée en 1659, est par exemple une ressource infinie pour décrire tous les aspects de la dramaturgie puisque l'ouvrage s'adresse explicitement à la fois aux auteurs, aux comédiens et aux spectateurs. L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert reste aussi une mine en matière de définitions scrupuleuses. Dans la littérature secondaire, l'ouvrage de Jacques Scherer consacré à la Dramaturgie classique en France demeure une référence. Il en est de même des recherches de Georges Forestier consacrées, entre autres, à l'aspect génétique des dramaturgies cornélienne et racinienne, et des travaux de Jean-Pierre Sarrazac consacrés à l'esthétique du drame moderne et contemporain. À cette constellation historique et historiographique, il faut ajouter l'apport des recherches menées dans l'orbite du brechtisme français (la revue Théâtre Populaire et Roland Barthes) puis surtout du structuralisme. Les travaux d'Anne Ubersfeld, de Patrice Pavis et de Tadeusz Kowzan – pour ne retenir que les auteurs les plus utilisés – se situent dans la suite immédiate de cet héritage. Ils bénéficièrent des propositions théoriques de l'analyse structurale du récit, de la sémiologie, de la narratologie, de la linguistique de l'énonciation (la pragmatique). Cette double origine de la terminologie et de la méthodologie est une richesse, mais elle exige une rigueur particulière. En effet, il est indispensable d'articuler la dramaturgie historique et la dramaturgie formaliste, c'est-à-dire de mettre au point une véritable stratégie de transposition. C'est une telle conjonction que nous tenterons de suggérer dans ce qui suit. I.3. Utilité de la référence classique D'après Aristote la forme dramatique (comme la forme épique qui est l'ancêtre lointain de notre roman [Les genres littéraires]) est un instrument permettant de représenter les actions humaines, de les mettre à distance et d'en avoir une expérience fictive et épurée (c'est l'un des sens de la fameuse catharsis [La fiction]). L'œuvre dramatique (comme l'œuvre épique) fournit un modèle d'intelligibilité de ce qui, dans la vie de chacun, échappe à la maîtrise et au sens, parce que les événements réels suscitent des affects trop puissants – la pitié et la crainte, par exemple – et exigent des réactions trop immédiates. Pour Aristote toujours, elle a sur l'épopée les avantages de la densité et de la concision, et elle fait saisir d'un seul coup d'oeil la totalité et la cohérence d'une aventure humaine. La forme dramatique, telle que le philosophe la préconise, propose donc des actions complètes et compréhensibles. L'auteur dramatique agence les faits de telle manière qu'ils semblent logiquement liés entre eux (la nécessité) et qu'ils paraissent obéir aux lois régissant ordinairement la réalité (la vraisemblance). Au cours de l'histoire du genre, ce bel instrument de rationalité et de maîtrise a subi toutes sortes de métamorphoses. Car la forme dramatique peut aussi être un instrument de déstabilisation. Elle a pu renverser les valeurs, bouleverser les certitudes, semer le trouble – et pour cela, elle a souvent inversé, dépassé ou perverti les normes imposées par la poétique aristotélicienne et par la doctrine classique qui s'en réclamait. Si la modernité a progressivement renoncé aux formes de l'intelligibilité classique (l'unité, la logique, la vraisemblance...), on pourrait croire que la référence à Aristote et au XVIIe siècle français est devenue facultative sinon inutile. Il n'en est rien. D'abord parce que les formes classiques continuent de nous séduire (elles n'ont donc rien perdu de leur efficacité première). Ensuite parce que la doctrine classique, à force de prévoir les infractions aux normes esthétiques qu'elle voulait imposer, a dessiné la carte de (presque) tous les possibles dramatiques. (Il faut avouer que le théâtre baroque, le théâtre espagnol, le théâtre italien et le théâtre anglais sont pour beaucoup dans le développement quasi paranoïaque de cette casuistique dont l'ouvrage de D'Aubignac est un bel exemple.) Bref, la dramaturgie classique est une très utile nomenclature des phénomènes dramatiques en général. Cette pensée obsédée par l'unité imagine et décrit sans peine l'embarras et la confusion; obnubilée par la continuité, elle distingue la bizarrerie et la rupture; économe elle nomme l'excès; rationnelle elle énumère les formes de l'obscurité... I.4. Dramaturgie et narratologie Fig.2 - Dramaturgie et narratologie. Les emprunts que la dramaturgie peut se permettre envers la narratologie ont un double profit. D'abord celui, économique, de ne pas augmenter sans nécessité la terminologie. Ensuite de faire ressortir les ressemblances mais aussi les différences qui règnent entre les deux modes de représentation, narratif et dramatique. Nul doute en effet que le système général des possibles dramatiques recoupe en partie le système général des possibles narratifs. Ne serait- ce que parce que les deux modes de représentation prennent en charge le même type de contenus: des histoires. Parmi les différentes approches possibles de l'art romanesque, la narratologie de G. Genette est l'étude de l'articulation entre une Histoire (l'histoire que l'on veut raconter), une Narration (l'acte de narrer) et un Récit (le discours, le texte) [La perspective narrative]. Nous pouvons dire par analogie que la dramaturgie est l'étude de l'articulation entre une Action (l'histoire que l'on veut montrer), une Présentation (l'acte de présenter, ou de montrer) et ce que nous appellerons faute de mieux – et faute d'accord, en nous autorisant de l'usage que font du terme P. Szondi, P. Pavis et J.-P. Sarrazac – un Drame. Certaines approches critiques seront forcément similaires dans les deux domaines de la narratologie et de la dramaturgie, mais elles divergeront néanmoins en raison du fait que dans le mode dramatique (c'est à nouveau uploads/Litterature/ l-x27-oeuvre-dramatique-danielle-chaperon-c-2003-2004-dpt-de-francais-moderne-universite-de-lausanne 1 .pdf

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