CHAPITRE 12. LA GRANDE DISTRIBUTION FACE AUX MOUVEMENTS ANTI-CONSUMÉRISTES Ahme
CHAPITRE 12. LA GRANDE DISTRIBUTION FACE AUX MOUVEMENTS ANTI-CONSUMÉRISTES Ahmed Benmecheddal, Nil Özçağlar-Toulouse in Isabelle Collin-Lachaud, Repenser le commerce EMS Editions | « Societing » 2014 | pages 263 à 283 ISBN 9782847696295 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/repenser-le-commerce---page-263.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour EMS Editions. © EMS Editions. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) IV Repenser les modèles et les missions du distributeur © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) chapitre 12 IV La grande distribution face aux mouvements anti-consuméristes Ahmed Benmecheddal et Nil Özçaglar-Toulouse © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) 266 Repenser le commerce « Je vais chez Ed qui est une affreuse filiale de Carrefour. » Tom, 28 ans, souligné par les auteurs. D e nombreux articles, tant dans la presse professionnelle que dans la presse grand public, évoquent de nouvelles postures critiques face à la grande distribution. Émergent ainsi des mouvements (anti-marque ou anti-publicité, décroissance…) dont les ac- tions soutiennent une critique anti-consumériste. Acteurs économiques et politiques s’interrogent sur cette tendance, qui en rappelle d’autres (blocus du sommet de l’OMC à Seattle en 1999, par exemple). Leur questionnement vient sans doute de l’imprévisibilité et de l’innovation constamment à l’œuvre dans les actions de ces mouvements. Ces der- niers juxtaposent les oppositions : ils sont potentiellement partout et difficilement identifiables, ils exportent l’acte de consommation de la sphère privée vers la place publique où il entre en débat, ils critiquent la consommation tout en restant des consommateurs. Plus concrète- ment, ils utilisent des chemins détournés pour mieux attirer l’attention sur la distribution : peinturlurer des affiches publicitaires, abandonner des montagnes d’emballages dans les supermarchés, organiser des fêtes expérientielles et non marchandes du type « flash mob » ou « journée sans achat ». Ces actions peuvent être perçues comme « ex- travagantes », mais elles ne peuvent plus être considérées comme ponctuelles. Malgré leurs retombées médiatiques, la relation entre ces mouvements anti-consuméristes et la grande distribution reste cepen- dant très peu étudiée en marketing. © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) 267 Repenser les modèles et les missions du distributeur Ce chapitre se concentre donc sur les mouvements anti-consu- méristes qui ont pour objectif de « transformer divers éléments de l’ordre social entourant la consommation et le marketing » (Kozinets et Handelman, 2004, p.691), et plus particulièrement ceux ayant pour vocation de modifier le fonctionnement de la grande distribution. En sciences humaines et sociales, les mouvements anti-consuméristes sont généralement liés à différents concepts tels que domination du marché, résistance du consommateur, consommateur déviant, consommateur post-moderne, etc. Le sens commun associe au mou- vement anti-consumériste un ensemble de formes de protestation de la culture dominante (Duchastel, 1979) et un projet idéologique visant une alternative globale ou partielle à la société de consommation (Touraine, 1978). À la différence des mouvements consuméristes dont l’ambition est de protéger les consommateurs et leurs droits, les mou- vements étudiés dans cette recherche ont pour objectif de transformer l’idéologie consumériste. Ceux-ci cherchent moins à renforcer le pou- voir économique des consommateurs qu’à faire évoluer les institutions du marché, en dotant les consommateurs de capacités critiques et col- lectives. Ainsi, les mouvements étudiés ici se rapprochent davantage des mouvements sociaux des siècles derniers (le mouvement des anti- esclavagistes anglais boycottant le sucre des Antilles, par exemple) qui cherchaient à apporter des transformations sociétales à travers la consommation, ce que nous allons voir dans une première section. Dans la seconde section, une analyse de la relation conflictuelle entre les mouvements anti-consuméristes et la grande distribution est pro- posée. 1. Une histoire des mouvements anti-consuméristes Cette première section a pour objectif de tracer rapidement une histoire des mouvements anti-consuméristes, en mettant l’accent tout d’abord sur le boycott, comme une des premières actions collectives « anti-consuméristes » (1.1.). Nous nous intéresserons ensuite au mou- vement ouvrier, puisque les mouvements anti-consuméristes appa- raissent à la suite des acquis de ce premier (1.2.). Enfin, nous nous focaliserons sur les particularités des mouvements anti-consuméristes que nous ne pouvons comprendre qu’au regard de la théorie des nou- veaux mouvements sociaux (1.3.). © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) 268 Repenser le commerce 1.1. Aux sources de l’action collective : le boycott Si les anti-esclavagistes anglais sont cités parmi les premiers boy- cotteurs – puisqu’ils ont tenté en 1790 de persuader leurs concitoyens de ne pas acheter du sucre en provenance des Antilles –, c’est en Irlande que l’étymologie du mot boycott a vu le jour au moment de la grande famine de 1879. Alors que la ligue agraire menait une poli- tique en faveur d’une baisse des loyers pour les fermiers, le régisseur Charles C. Boycott refusa et augmenta les loyers. Pour communiquer son mécontentement, le mouvement de la ligue agraire décida de ce fait d’expérimenter une nouvelle forme de protestation, à la place des violences et diverses répressions dominantes à cette époque. Les fer- miers décidèrent alors de sacrifier leur récolte pour un « boycott ». Les différents partenaires économiques, tels que notables et commer- çants, décidèrent de rompre leur lien avec Charles C. Boycott afin de ne pas être associés à cette protestation qui, sous la pression, décida de quitter l’Irlande. Cette nouveauté dans les formes de contestation entraina une médiatisation du conflit, transformant cette confrontation en un événement historique. La reprise par d’autres fermiers de cette nouvelle forme de contestation popularisa et transforma le « boycott » en un nom générique. Le boycott correspond donc à un refus d’entretenir des relations économiques et sociales avec un individu, une entreprise ou un pays afin de lui infliger un dommage financier et moral. Il s’agit d’une action collective, mais individualisée. Kozinets et Handelman (1998) soulignent deux aspects liés au boycott. C’est un comportement d’une part d’« in- dividualisation », permettant au boycotteur d’exprimer son « unicité » et son manque de conformité (processus extrinsèque), et d’autre part de « transformation morale » (processus intrinsèque). En effet, d’un point de vue individuel, le consommateur s’engage dans un boycott afin d’être en accord avec sa conception morale. Autrement dit, en fonction de sa perception du bien et du mal, mais aussi de l’image d’une entre- prise, il va décider de consommer ou de boycotter celle-ci. Par la suite, ce processus individuel de réflexion va amener certains boycotteurs à s’engager dans des mouvements anti-consuméristes, afin de défendre leurs causes. Ajoutons que le boycott est l’une des formes d’action collective utilisées par les mouvements anti-consuméristes pour attirer l’attention du grand public. © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) © EMS Editions | Téléchargé le 26/04/2021 sur www.cairn.info via Université de Tours (IP: 193.52.209.134) 269 Repenser les modèles et les missions du distributeur 1.2. Le mouvement ouvrier comme mouvement social dominant au début du XXe siècle Depuis le premier boycott des fermiers irlandais, de nombreux mou- vements sociaux ont façonné l’histoire. L’une des contestations la plus importante correspond peut être à celle engagée entre les ouvriers et le patronat à partir de la fin du XIXe siècle. S’il ne s’agit pas d’un mouve- ment anti-consumériste, le mouvement ouvrier permet néanmoins de comprendre l’avènement des mouvements anti-consuméristes contem- porains. Le mouvement ouvrier voit le jour au XIXe siècle, alors que la population ouvrière augmente, et que les conditions de travail sont de plus en plus difficiles. Les années 1878 à 1882 sont marquées par une augmentation des grèves ou ce qu’on pourrait qualifier de « boycott du travail ». Même si ces mouvements sont assez éphémères et inorgani- sés, ils conduisent néanmoins à l’adoption d’une loi légalisant les syndi- cats en mars 1884. La crise financière de 1931 et ses conséquences désastreuses sur la production et l’emploi donnent un second souffle au mouvement ouvrier. L’augmentation du chômage et la uploads/Litterature/ la-grande-distribution.pdf
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