Tous droits réservés © Association pour l'Étude des Littératures africaines (AP
Tous droits réservés © Association pour l'Étude des Littératures africaines (APELA), 2006 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 03/17/2021 10:42 a.m. Études littéraires africaines La langue de la littérature écrite berbère : dynamiques et contrastes Salem Chaker Littérature berbère Number 21, 2006 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1041301ar DOI: https://doi.org/10.7202/1041301ar See table of contents Publisher(s) Association pour l'Étude des Littératures africaines (APELA) ISSN 0769-4563 (print) 2270-0374 (digital) Explore this journal Cite this article Chaker, S. (2006). La langue de la littérature écrite berbère : dynamiques et contrastes. Études littéraires africaines, (21), 10–19. https://doi.org/10.7202/1041301ar 10) lA LANGUE DE LA LITTÉRATURE ÉCRITE BERBÈRE DYNAMIQUES ET CONTRASTES Du contexte traditionnel à l'écrit moderne Langue minorée et marginalisée depuis des siècles, le berbère ne possè- de pas- et ne semble jamais avoir possédé- de norme linguistique insti- tuée. Et bien sûr, pas de norme graphique unifiée non plus, bien que les Berbères possèdent depuis l'Antiquité un système d'écriture qui leur est propre. Par ailleurs, les Berbères ont (et ont toujours eu) une tradition littérai- re orale vigoureuse et diversifiée : poésie, contes, légendes, devinettes et énigmes ... Au moyen âge déjà, les auteurs arabes s'émerveillaient de la prolixité de cette littérature. Mais avant l'irruption de l'Occident avec la colonisation de l'Afrique du Nord, tout ce patrimoine n'a été que rare- ment fixé à l'écrit. La seule exception notable encore vivante est la tradi- tion littéraire écrite en caractères arabes des Chleuhs du sud marocain (voir infra). Une langue et une culture non codifiées, variables à l'infini parce que sans le support d'un Etat ou d'institutions communes et stables; il n'exis- tait pas non plus de langue unifiée de la littérature. Les productions litté- raires se coulaient dans le cadre des réalisaüons linguistiques locales : on peut ainsi collecter autant de variantes d'un conte ou d'un poème qu'il y a de variétés linguistiques. Même pour un grand auteur, parfaitement identifié comme Si Mohand en Kabylie (deuxième moitié du XIX'), la forme linguistique - notamment phonétique - du poème sera toujours conforme à celle du lieu de collecte et non à celle de l'auteur. Au niveau lexical et stylistique cependant, on constate partout une ten- dance à une certaine convergence, à l'émergence de koinès littéraires régionales. La plus constituée et la mieux connue est celle des poètes iti- nérants chleuhs du Maroc. Ceci s'explique de manière immédiate par les conditions de diffusion de la littérature traditionnelle, notamment la poé- sie : véhiculée par des bardes semi professionnels, parcourant souvent de vastes régions, le poème devait être compris de tous, indépendamment de la variation linguistique et donc éviter tout risque d'ambiguïté ou de contresens ; pour cela il devait nécessairement bannir toute forme lexica- le trop locale ou susceptible de nuire à la bonne réception et puiser dans un stock de formules er figures connues de tous. Souvent aussi éviter les termes fâcheux, de mauvais augure, ou qui pouvaient prendre localement un sens équivoque, voire obscène. Nécessité d'être bien et immédiate- ment compris partout donc, qui a généré un registre de langue élaborée, souvent perçu comme la langue par excellence, awal amazigh (= "la langue berbère"). Ces "langues poétiques" éraient aussi souvent caractéri- DOSSIER LITTÉRAIRE - LITTÉRATURE BERBÈRE ( 11 sées par une recherche lexicale marquée - archaïsmes et/ou emprunts à l'arabe classique-, signe d'élaboration et de mise "hors du commun" du produit esthétique. Mais ces langues poétiques restaient toujours régionales: il n'y a pas, du moins à l'époque moderne, de langue poétique ou littéraire pan-berbère. Il n'est certes pas exclu qu'elle ait pu exister avant la dislocation du conti- nuum linguistique berbère (donc avant le XII-XIII' siècles) : c'est ce que semble indiquer certains témoignages des sources arabes médiévales qui font état, par exemple, de prêches en langue berbère tenus à Bejaïa (Kabylie) par des prédicateurs originaires du Sud marocain; ou le fait que tous les écrits en langue berbère (traductions du Coran, ouvrages histo- riques ou scientifiques divers) sont toujours dits "avoir été écrits en langue berbère'; sans jamais aucune précision régionale. Il faut attendre la période coloniale, avec la très forte influence de l'Ecole et de la culture françaises et, plus tard, l'émigration de masse vers l'Europe, pour que naisse un écrit berbère significatif, puis une activité lit- téraire écrite en langue berbère. Elle est encore largement expérimentale et très inégalement développée selon les régions. Comme en bien d'autres matières, la Kabylie (Algérie) a une solide avance ; elle est suivie par le domaine chleuh (sud marocain) qui connaît aussi des expériences litté- raires écrites significative, et le Rif (nord du Maroc) ; de beaucoup plus loin, par le monde touareg nigéro-malien et, timidement, par le Mzab (Sahara algérien). Ce "palmarès" des régions est bien entendu le reflet direct du degré de prise de conscience identitaire et d'engagement dans la défense de la langue et de la culture berbères (cf. Chaker, 1998). C'est dans le cadre de ces dynamiques régionales, souvent très récentes, que se constituent depuis quelques décennies des "langues littéraires ber- bères". On y retrouve par voie de conséquence la trace de tous les pro- blèmes et débats du "passage à l'écrit". La naissance de l'écrit littéraire contemporain Valoriser, "anoblir" la langue par sa fixation à l'écrit est sans doute la tendance la plus anciennement repérable et la plus permanente chez les créateurs et militants autochtones. Dès le début du XX' siècle, la volonté de sortir la langue de la stricte oralité se traduit par la publication d'im- portants corpus littéraires ou de textes sur la vie quotidienne. L'impulsion pour le passage à l'écrit en Kabylie commence avec l'action des institu- teurs comme Boulifa (voir bibl.). Dans le domaine littéraire, surtout, le support écrit imprimé vient suppléer significativement la transmission orale et la mémoire collective. Vers 1945-50, la diffusion de l'écrit à base latine - en-dehors de tout enseignement formalisé du berbère - est suffi- 12) samment avancée pour que de nombreux membres des élites instruites kabyles soient capables de composer et écrire le texte de chansons, de noter des pièces de poésie traditionnelle. Belaïd Ait-Ali rédige à la même époque (avant 1950) ce qui doit être considéré comme la première œuvre littéraire écrite kabyle : Les cahiers de Belaïd, recueil de textes, de nota- tions, descriptions et réflexions sur la Kabylie (une sorte d'anticipation, en kabyle, de jours de Kabylie de Feraoun). Le mouvement de production s'est poursuivi, avec une nette accéléra- tion depuis 1970, et une forte implication des milieux militants culturels émigrés en Europe, kabyles d'abord, puis rifains, si bien qu'il existe actuellement : • de nombreuses traductions-adaptations en berbère d'œuvres littéraires internationales ou maghrébines (Brecht, Molière, Beckett, Gide, Lu Xun, Khalil Gibran, Kateb, Feraoun, Mammeri, Chraïbi ... ) ; • des œ uvres littéraires originales : pièces de théâtre (kabyle et chleuh), des recueils poétiques (Maroc, Mzab, Kabylie) et des romans et nouvelles (kabyle, chleuh, rifain) ; • des essais historiques en berbère (kabyle, touareg) ... On peut donc désormais parler d'un usage littéraire écrit du berbère. Il reste bien sûr encore modeste, mais on n'oubliera pas pour l'évaluer qu'il est né et s'est développé dans des conditions extrêmement défavorables, en-dehors de tout appui institutionnel, sur la base des seules motivations d'individus isolés ou de petits groupes associatifs. Surtout, on peut désormais considérer le processus comme irréversible, du moins dans les domaines kabyle, chleuh et rifain. Il ne s'agit plus d'ex- périences isolées de militants sans impact social : la production littéraire écrite se multiplie et circule assez largement. La question de la notation usuelle (à base latine) Le souci de définir er de diffuser une graphie usuelle a été partagé par tous les berbérisants et producteurs autochtones depuis le début du XX< siècle. Du principe phonologique Après de longs tâtonnements, les notations courantes du berbère ren- dent à se stabiliser et à s'homogénéiser, sous l'influence déterminante des travaux et usages scientifiques. L'influence des travaux d'A. Basset (dans les années 1940 et 1950), celle du Fichier de Documentation Berbère en Kabylie (de 1947 à 1977), de l'œuvre et de l'enseignement de Mouloud Mammeri, et enfin, depuis 1990, celle de l'INALCO, auront été décisives. L'introduction et l'interprétation supra-régionale du principe phonolo- gique a permis de réduire sensiblement les divergences dans la représen- DOSSIER LITTÉRAIRE - LITTÉRATURE BERBËRE ( 13 ration graphique des dialectes berbères. Les particularités phonétiques dialectales à caractère systématique sont considérées comme réalisations régionales du phonème "berbère" et ne sont donc plus notées, ou seule- ment par de discrètes diacrités. Concrètement, cela permet d'écrire la langue de la même façon, quel que soit le dialecte. On écrira ainsi : tamy art, "la vieille" ; abrid, "chemin", akal "terre", que 1' on soit en touareg, en chleuh ... qui prononceront uploads/Litterature/ la-langue-de-la-litterature-ecrite-berbere-dynamiques-et-contrastes.pdf
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- Publié le Jui 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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