Tous droits réservés © Département des littératures de l'Université Laval, 1985
Tous droits réservés © Département des littératures de l'Université Laval, 1985 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 04/13/2021 3:54 p.m. Études littéraires La mise en scène actuelle : mise en perspective Gilbert David Théâtre québécois : tendances actuelles Volume 18, Number 3, hiver 1985 URI: https://id.erudit.org/iderudit/500718ar DOI: https://doi.org/10.7202/500718ar See table of contents Publisher(s) Département des littératures de l'Université Laval ISSN 0014-214X (print) 1708-9069 (digital) Explore this journal Cite this article David, G. (1985). La mise en scène actuelle : mise en perspective. Études littéraires, 18(3), 53–71. https://doi.org/10.7202/500718ar ÉTUDES LITTÉRAIRES, VOL. 18 — N° 3, HIVER 1985, pp. 53-71 LA MISE EN SCÈNE ACTUELLE: MISE EN PERSPECTIVE1 gilbert david Nos metteurs en scène produisent beaucoup, mais ils écrivent peu. Le « Mot du metteur en scène» que l'on trouve d'ordinaire, mais pas toujours, dans le programme d'un spec- tacle à l'affiche, est, règle générale, court et assez évasif. On s'en remet donc, le plus souvent, à un rapport non médiatisé entre le spectateur et l'objet spectaculaire, et le public reçoit directement, ou peu s'en faut, les choix de la mise en scène, les articulations que celle-ci a établies entre la proposition dramaturgique de telle pièce et la théâtralité. Mais ce silence scriptural dit à sa façon le statut qu'occupe encore le plus souvent la mise en scène dans notre pratique théâtrale : elle n'y est qu'instrumentale, c'est-à-dire mise-en-place, et non lecture avouée, et personne ou presque ne semble préoccupé par le fait que la représentation théâtrale n'aille pas de soi. Ce qu'on a appelé ailleurs, avec raison, — en Europe occidentale, notamment — le « règne du metteur en scène», n'en est au Québec qu'à ses premiers balbutiements. Certes, on trouvera aisément quatre ou cinq noms — J.-P. Ronfard, A. Brassard, O. Reichenbach, P. Buissonneau, G. de Andréa... — qui se distinguent du tout-venant, mais quand on considère l'ensemble de la production théâtrale québécoise, avec plus 54 ÉTUDES LITTÉRAIRES — HIVER 1985 de deux cents productions par année, cela paraît très marginal, et pour cause. 1. Une modernité tronquée Il faut remonter aux origines de notre théâtre actuel pour comprendre le statut marginal qu'y occupe aujourd'hui la mise en scène. Ce n'est qu'à partir de 1973 environ, avec les Compagnons de Saint-Laurent et le père Legault, que la mise en scène se fraie un chemin dans la pratique théâtrale jusque- là dominée par l'acteur, à cause des effets conjugués d'une influence romantique tardive2 et de la «façon» bourgeoise installée au Stella (1930-1936). La mise en scène n'a pas eu, dans ce contexte, le sens moderne qu'Antoine, au Théâtre- Libre, et Stanislavski-Datchenko, au Théâtre Artistique de Moscou, lui avaient donné au tournant du siècle; en fait, le naturalisme scénique qui réclamait, par exemple, que le «milieu» détermine les mouvements des personnages, avec ce que cela entraînait, entre autres, pour les rapports de l'acteur à son personnage, n'a pas alors exercé d'influence sur les praticiens québécois — en a-t-il eu davantage depuis ? La mise en scène fut, ici, d'abord et avant tout une régie au sens technique : le régisseur voyait au recrutement des acteurs, à la bonne marche des répétitions — il disposait à cette fin d'un cahier où étaient consignés les déplacements des acteurs —et à la réalisation du matériel scénique; un tel régisseur fut un organisateur plus qu'un concepteur qui aurait élaboré les éléments de la représentation selon une visée interprétative. C'est, quoi qu'en dise l'emploi universel du terme « metteur en scène» de nos jours, ce qui se passe encore dans la prépa- ration de la plupart de nos spectacles théâtraux actuels... Un début de réflexion sur la fonction de la mise en scène est cependant apparu dans les années trente et quarante, avec la publication en 1934 de l'essai de Jean Béraud intitulé Initiation à l'Art dramatique, puis avec celle des Cahiers des Compagnons (1944-1947); ce sont là des traces d'une pré- occupation nouvelle que des voyages en France allaient préciser et formaliser, après la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi, après le père Legault qui s'était frotté, dès 1938, aux rudiments de la réalisation scénique au contact de Michel Saint-Denis et des disciples spiritualistes de Jacques Copeau, LA MISE EN SCÈNE ACTUELLE 55 Henri Ghéon et Léon Chancerel, ce fut au tour de Jean-Louis Roux et de Jean Gascon, à la fin des années quarante, de tirer profit de leur fréquentation de membres du Cartel : Jouvet, Dullin et Ludmilla Pitoëff — à l'exception, notable, de Baty, trop audacieux pour d'ex-Compagnons? De retour au pays, Gascon et Roux fondent le Théâtre du Nouveau Monde en 1951 et, par leurs soins, la mise en scène va connaître ici une espèce de cristallisation des principales positions de ces grands rénovateurs de la scène française. Parmi celles-ci, retenons d'abord que la mise en scène doit être soumise à l'œuvre écrite: la formule de Jouvet, qui qualifiait le metteur en scène d'«exécuteur testamentaire de l'auteur», affiche clairement la fonction de «serviteur du texte» qui doit lui incomber; ensuite, il faut mentionner le rejet de toute théorie surplombante, perçue comme artificielle et comme pouvant menacer l'authenticité de l'acte théâtral — ce qui revenait à afficher une méfiance à l'égard de tout questionnement, suspecté par avance d'intellectualisme; cette attitude fera long feu en France, mais sera l'apanage de notre milieu théâtral jusqu'à tout récemment — ; en troisième lieu, nous trouvons le recours à un réalisme stylisé qui, à travers la suggestion et l'évocation, se devait d'être porteur de la théma- tique de l'œuvre; et enfin, nous pouvons retenir la volonté d'attribuer au metteur en scène le statut d'«animateur», capable d'instaurer sur scène un art fait de mesure et d'équi- libre. En résumé, par ce savoir d'emprunt qui s'inscrivait déjà dans une certaine tradition théâtrale, nos pionniers de l'après- guerre ont pris le relais d'une conception parfaitement datée de la mise en scène, laquelle lui attribuait une fonction nécessaire, mais secondaire par rapport au texte — un texte qu'on aura volontiers sacralisé, sous prétexte de fidélité... Cette approche a donc fait école : outre Jean Gascon et Jean- Louis Roux, Georges Groulx, Albert Millaire, André Page et, à sa manière, Paul Buissonneau en ont été, chacun avec leurs couleurs spécifiques, les représentants les plus convaincants. Si l'importation des idées du Cartel au Québec a bel et bien constitué un apport positif en ce qui concerne et la facture artistique d'ensemble des spectacles — non sans parfois tomber dans un décorativisme tape-à-l'œil —, et le jeu, en assurant une meilleure cohésion de la part des interprètes, il n'en reste pas moins que cet effort de rattrapage, bien typique 56 ÉTUDES LITTÉRAIRES - HIVER 1985 d'une génération qui préparait, puis vivait la Révolution Tran- quille, laissait pour compte des orientations qui avaient aussi marqué la scène occidentale depuis cinquante ans : qu'étaient devenus, en effet, dans cette consécration empressée du Cartel, les travaux d'Appia, de Craig, de Meyerhold, sans oublier les expériences dissonnantes des dadaïstes et des futuristes? Certes, la France elle-même ne s'est ouverte que tardivement aux recherches théâtrales étrangères; or, en choisissant la France comme modèle, les gens de théâtre d'ici ont hérité du même chauvinisme, avec le désavantage supplé- mentaire d'un éloignement géographique qui nous couperait d'expériences contemporaines multiples — Brecht en tête. Aussi, cette référence exclusive à quelques metteurs en scène français de l'entre-deux guerres allait entraîner une rapide pétrification du travail théâtral au Québec. C'est dans le contexte d'une telle modernité tronquée qu'est pourtant apparu, vers la fin des années soixante, un mouvement de contestation qui, pour être favorable à une expression drama- tique sans précédent, n'en a pas moins relégué une fois de plus au second plan la question de la mise en représentation. 2. Le nouveau règne de l'auteur À partir de 1965, année de fondation du Centre d'essai des auteurs dramatiques, commence un important processus d'affirmation de l'imaginaire collectif à travers le théâtre, phénomène aujourd'hui assez connu pour qu'on n'y insiste pas. Dans la foulée du néo-nationalisme, fort des voix d'une jeunesse nombreuse et mobilisée, va naître une nouvelle dramaturgie, faite autant par des individus que par des collec- tifs de création. Les années soixante-dix seront marquées par ce régime soutenu de créations, véritable «âge de la parole» dramatique, aux fruits parfois trop verts, mais dont l'abon- dance à elle seule créa un dynamisme régénérateur. Dans ce contexte, la mise en scène, placée devant l'urgence de la transmission d'un matériau dramaturgique envahissant, n'a eu d'autre alternative que de se prêter, non sans succès, à une productivité qui défiait toutes les possibilités d'un appro- fondissement ; aussi avons-nous eu droit, durant cette pé- riode, plus à des présentations qu'à des représentations... sauf au Théâtre d'Aujourd'hui qui fut, uploads/Litterature/ la-mise-en-scene.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/4ePj5GZhTsYioygLdGSPeUbQqR7SaWDvouGqtPYRoHi26ObuT5OYW9M2nRd606UzKFmM8HYCoMNUbxlJzrFqYMTq.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/Ny2evhaNtrwX1ev8TIJL2zQkzeaIURhYPr74RhwsVhNYtbZzIFEVf89WtPu9x0cuYfkLxzdvIttLp4YpAhC7CSg9.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/p7odfGy1yAoxwFAe89We7IaWvVkJzLGAXyAMSRqC7NtPHqUSZYlGjxJQbMUJfSKdbnFmKaKBmCYkdvdvKZbvvzLn.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/a3bm2Qd5lwHtH86CFIUTEDfyZq6v3fAuAM5jvOy4IMtS5COhpdWQ7CKXbcLJE2TaG2LxWnKaFMZzWHmjXGt5wKDz.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/37K81rsjGxR8eFv3GqR87TdvFRlU4b4fo7P6VZ5lNpz8m0NU0zFYW1DaHzUNX03SMX0Wear1h9VCOdIlSW0LWpph.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/eQABD2eeK8NRnQj4POXEPMBmYFk9JUDKTPKeHj4wXGlyb2aEqJFqlDvEcuARk2v8jzXoJGhONkJ7X03Cjo9Nsu27.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/njza6LysRaqPfuuqhH4GpJqpdmyWIfk1rbm79ZjSfjvewxG1F9IzbJDLqbHUiuygX5i9yj8yEseGEJaY2EpQioSn.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/eygUYX5gB6FZItB9XfbHteSxTnuV95kCcgKWRbr7YIh4ORAPZsxkVpmd05px3hWeHeOKN4nCnnQLTfuMu2mYbcuT.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/72NDcU7SyvQm94veJdeRVVgZOIHYRRGLY3pbA0MPBbZNzrfqwA2DruN4KFUfQ8Wa39Aev5zrctPKHYfkZCq6EPgB.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/sIyhIqr9poMB5CSZWrJNpWdueGTavFsb0YHTWg7PFlNI3WoZ4v0E1Nrx0X9KTmclAZZEPgvtJtC4dXNxUEMXIUFT.png)
-
24
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 07, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 2.1650MB