MARJORIE M. LIU LE CHANT DE L’ÂME Kitala Bell est une musicienne hors pair, les

MARJORIE M. LIU LE CHANT DE L’ÂME Kitala Bell est une musicienne hors pair, les cordes de son violon peuvent envoûter n’importe qui. Et ce n’est pas sa seule particularité : Kit pressent la mort, et uniquement quand elle frappe de manière violente et inattendue. Aujourd’hui, c’est elle que l’on cherche à éliminer. Mais quand la menace se cache derrière une mélodie et un homme aussi attirants que dangereux, qui est encore capable de prédire quoi que ce soit ? Une nouvelle enquête pour l’équipe très spéciale des Dirk & Steele. MARJORIE M. LIU Elle vit dans l’Indiana. Ses séries, mêlant fantastique et intrigue, sont de véritables best-sellers. Elle est l’auteur de L’œil du tigre, Mémoire volée, La malédiction du cœur de Jade, L’œil des deux, et de la saga Démoniaque, également aux Éditions J’ai lu. www.jailu.com Du même auteur aux Editions J’ai lu L’œil du tigre № 7894 Mémoire volée № 8690 La malédiction du cœur de Jade № 8849 L’œil des cieux № 9505 DÉMONIAQUE 1 – Chasseurs d’ombres №9721 2 – L’appel des ombres № 9992 MARJORIE M. LIU Le chant de l’âme Traduit de l’anglais (États-Unis) par TIPHAINE SCHEUER Titre original SOUL SONG : A DIRK & STEELE NOVEL Published by Leisure books, a trademark of Dorchester Publishing Co., Inc. © Marjorie M. Liu, 2007 Pour la traduction française © Éditions J’ai lu, 2012 Remerciements J’aimerais remercier, comme toujours, mon agent Lucienne Diver, pour son soutien perpétuel et ses encouragements pleins d’enthousiasme ; Chris Keeslar, pour son merveilleux travail d’éditeur (et sa patience) ; et Brianna Yamashita, Brooke Borneman et Diane Stacy, trois des plus grandes dames des éditions Dorchester, qui travaillent dur pour leurs auteurs et font preuve d’une grande générosité. Enfin, merci du fond du cœur à mes lecteurs, qui sont pour mes mots de véritables amis. En espérant encore en partager beaucoup d’autres avec eux. À cinq brasses sous les eaux ton père est gisant, Ses os sont changés en corail ; Ses yeux sont devenus deux perles ; Rien de lui ne s’est flétri. Mais tout a subi dans la mer un changement En quelque chose de riche et de rare. William Shakespeare, La Tempête Chapitre 1 Elle avait dit s’appeler Elsie et avoir un pistolet dans sa voiture. Une confession stupide, proférée sans menace ni fanfaronnade par une femme trop effrayée pour faire dans l’artifice ou pour mentir. Pendant qu’ils négociaient le tarif et la durée, M’cal avait ressenti la peur dans chaque mot qu’elle avait prononcé. Il avait compris, sans le moindre doute, que, pour elle, c’était une première. Elle n’avait jamais abordé un prostitué, ni ramassé un inconnu dans la rue. Et même si elle faisait passer ses désirs avant sa sécurité, il restait un homme grand et fort qui pouvait lui faire du mal. M’cal, lui, ne se sentait pas menacé. S’il le fallait, il pouvait facilement s’emparer de l’arme de l’humaine. Toutefois, il ne pensait pas en arriver là. Il était assis sur le siège passager de la petite Golf rouge d’Elsie, raide, les jambes à l’étroit, une épaule contre la vitre froide et éclaboussée par la pluie. Trop grand pour cette voiture, il devait se tordre pour ne pas effleurer le corps de la jeune femme, même par accident. M’cal ne voulait pas la toucher. Pas question. Pas sans y être obligé. Il s’attendait à ce qu’Elsie lui parle, car c’était ce que faisaient la plupart des femmes dans sa situation. Il s’était habitué à ce qu’on le regarde ainsi, comme un objet de désir. Il avait appris à l’accepter comme une punition de plus. Mais elle restait silencieuse, et son silence attisa la curiosité de M’cal plus que de raison. Il lui jeta un regard en biais pour examiner son visage doux et sa bouche pleine, éclairés par intermittence par les lampadaires qui défilaient dans la rue. Jolie, robuste, pâle. Certainement pas le genre de femme à devoir payer pour du sexe, et encore moins à s’y résoudre. Pas non plus le genre de femme qui aurait dû mourir aussi jeune. M’cal avait mal au poignet. Il frotta le bracelet en argent qui lui irritait la peau. Le métal était chaud. De légers picotements se répandirent dans ses doigts, jusque dans ses os, s’intensifiant à mesure qu’il caressait les gravures rugueuses. Elsie émit un petit son qui ressemblait davantage à un halètement qu’à un hoquet, mais qui était tout aussi involontaire. Elle se couvrit la bouche, jeta un regard à M’cal et dit : — Je ne vous ai même pas demandé votre nom. — Non, répondit-il calmement. La plupart des gens ne le font pas. Elle reporta son regard sur la route. — Comment vous appelez-vous ? M’cal hésita. — Michael. — Michael, répéta-t-elle, la voix toujours tremblante de peur. Vous faites ça depuis longtemps ? Bien assez, pensa-t-il. Elsie roulait sur Georgia Street. Coal Harbor, le littoral bordé de gratte-ciel, se trouvait sur la droite. Entre les immeubles, M’cal entrevoyait des bouts de la rive opposée, la ligne d’horizon de Vancouver qui scintillait sur les eaux agitées. C’était une nuit humide et venteuse, avec une mauvaise visibilité. — Un peu plus d’un an, mentit-il, le regard braqué sur la mer. Les articulations d’Elsie blanchirent sur le volant. — Vous êtes plus vieux que les autres types. C’est pour ça que je vous ai choisi. M’cal regardait toujours l’eau. — La plupart des garçons du quartier sont des adolescents. Le plus jeune a treize ans. Elsie ne répondit pas. La voiture continua à la même allure sur Georgia Street, vers Stanley Park. Pendant qu’ils longeaient les quais et le bâtiment de style Tudor du club d’aviron de Vancouver, M’cal observait les joggeurs et les cyclistes nocturnes qui bravaient la pluie sur la piste piétonne entre la route et la digue en pierre brute. Au-delà, de l’autre côté du port, s’étendait le centre-ville, comme un diamant posé au bord de l’eau, dont les lumières se reflétaient sur les vagues. Elsie dépassa le premier parking et s’engagea dans le second, près d’un jardin bordé de huit totems. Leurs ombres semblaient danser dans l’obscurité du soir. À 22 heures, le parking était presque vide ; M’cal distingua tout de même quelques vitres embuées. Tandis qu’Elsie garait la voiture sur la place la plus isolée, près des totems, il resta tranquillement assis, patient, le regard dirigé vers l’océan. Le moteur tournait au ralenti. La pluie crépitait sur le pare-brise. — Je ne sais pas si j’en suis capable, finalement, dit Elsie. — Pas de souci, répondit M’cal qui se moquait bien de ses états d’âme. Elle lâcha le volant pour l’observer. Il l’imita. Incapable de soutenir son regard, elle baissa la tête en repoussant ses longs cheveux de son visage. — Je suis désolée, marmonna-t-elle. (Puis elle ajouta, plus doucement :) Pourquoi… vous faites ça ? Et vous ? se demanda M’cal, mais il garda le silence. Il ne voulait pas connaître cette femme. Il ne voulait pas être son ami. Il ne voulait pas comprendre quel genre de souffrance pouvait conduire quelqu’un comme elle à risquer sa vie ainsi, à ramasser un étranger dans la rue, à payer pour du sexe. Une attitude suicidaire, un lent processus d’autodestruction. — Michael ? murmura Elsie, hésitante. Il ferma les yeux. Le bracelet lui brûlait la peau. La sensation remonta jusque dans sa gorge, attisant le monstre enfoui en lui, le ramenant à la vie. M’cal ressentit une vague de haine si profonde qu’il faillit s’étrangler et dut lutter contre lui- même pour calmer son cœur à l’aide de souvenirs de son ancienne vie. Il repoussa cette pression implacable qui lui remontait dans la gorge de toutes ses forces. Au loin, quelque part dans son esprit, il entendit le rire d’une femme – un tintement d’allégresse, brillant et délicat – et il retint un cri. Fuyez, pensa-t-il à l’attention d’Elsie, en appuyant sa tête contre la vitre froide. Fuyez sur-le-champ. Je vous en prie. Malheureusement, elle n’était pas télépathe. Il sentit son corps remuer, entendit le froissement de ses vêtements. Il retint son souffle. Un instant plus tard, Elsie lui toucha l’épaule : elle l’avait à peine effleuré du bout des doigts, pourtant M’cal avait ressenti comme une explosion dans son cœur, l’impact d’un poing humain et maladroit. La douleur intense nourrie par ce pouvoir qui tentait de le contrôler le força à ouvrir la bouche et le souffle s’échappa de ses poumons. Elsie haleta. M’cal l’attrapa par le poignet. Sa main le brûlait mais il ne la lâcha pas – même s’il l’avait voulu, il en aurait été incapable. Il plongea son regard dans ses yeux sombres et effarés, et se pencha si près d’elle qu’il put sentir la lisière floue de son âme au bord de ses lèvres. Un chant lui suffit pour s’emparer de son âme. Plus tard, s’il avait trouvé un couteau à portée de main, il aurait de nouveau essayé de s’ouvrir le poignet, en s’entaillant sévèrement juste au-dessus du bracelet. Le geste aurait été uploads/Litterature/ le-chant-de-l-x27-ame.pdf

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