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universaar Universitätsverlag des Saarlandes Saarland University Press Presses Universitaires de la Sarre UNIVERSITÄTSREDEN 108 Droit et littérature, un éclairage franco-allemand Recht und Literatur – deutsch-französische Streiflichter Prof. Dr. Dr. h.c. Heike Jung: Heinrich von Kleist „Michael Kohlhaas“ Prof. Dr. Dr. h.c. Claude Witz: Jean Racine „Les Plaideurs“ Soirée in der Villa Europa am 28. Mai 2015 Droit et littérature, un éclairage franco-allemand Recht und Literatur – deutsch-französische Streiflichter Prof. Dr. Dr. h.c. Heike Jung: Heinrich von Kleist „Michael Kohlhaas“ Prof. Dr. Dr. h.c. Claude Witz: Jean Racine „Les Plaideurs“ Soirée in der Villa Europa am 28. Mai 2015 © 2015 universaar Universitätsverlag des Saarlandes Saarland University Press Presses Universitaires de la Sarre Postfach 151150, 66041 Saarbrücken Herausgeber Der Universitätspräsident Redaktion Universitätsarchiv Vertrieb Presse und Kommunikation der Universität des Saarlandes 66123 Saarbrücken ISBN 978-3-86223-212-3 URN urn:nbn:de:bsz:291-universaar-1525 Satztechnik: Julian Wichert Fotos: Jörg Pütz (Umschlag) Druck: Universitätsdruckerei Avant-Propos Claude Witz 7 Michael Kohlhaas ou les Allemands et leur droit Heike Jung, Professeur émérite de l’Université de la Sarre 9 Les Plaideurs de Jean Racine Claude Witz, Professeur à l’Université de la Sarre Codirecteur du Centre juridique Franco-Allemand 21 Bisher veröffentlichte Universitätsreden 33 Sommaire L’Institut français de Sarrebruck a eu l’heureuse initiative d’organiser en mai 2015 une soirée « Droit et littérature », apportant ainsi sa contribution à un champ d’études actuellement florissant. La présente publication regroupe les deux conférences prononcées à cette occasion par le professeur Heike Jung et le signataire de ces lignes. Deux célèbres pièces des répertoires français et allemand, présentées dans une perspective transculturelle, ont été au cœur de la manifestation. L’Institut français de Sarrebruck ainsi que les conférenciers adressent leurs vifs remerciements à l’Université de la Sarre d’avoir bien voulu accueillir la publication dans la collection « Universitätsreden ». Claude Witz Directeur par intérim de l’Institut français de Sarrebruck 7 Claude Witz Avant-propos 8 I – Prologue Ce soir, nous nous engageons dans une aventure : un projet « droit et littératu- re » fondé sur la juxtaposition de deux ouvrages, l’un français et l’autre alle- mand. Certes, le domaine « droit et littérature » n’est plus une terra incogni- ta. L’éminent spécialiste en la matière, mon collègue pénaliste, Heinz Müller- Dietz1, a retracé sa découverte jusqu’au commencement du 19ème siècle2. Or, à cette époque, les juristes ont toujours cultivé la tradition de Cicéron. Ils ont été connaisseurs des belles-lettres et s’y sont référés de façon naturelle3. En 1900, lorsque John Wigmore a publié sa liste de « Legal Novels », la situation avait changé avec la spécialisation des juristes et de leur langage de plus en plus technique4. Les projets sont dès lors plutôt des projets d’échanges inter- disciplinaires. Bien sûr, les ouvrages littéraires ont porté dès l’Antiquité sur des conflits que les juristes ont considéré des leurs. Par contre, l’intérêt des juristes dans le 11 Heike Jung Michael Kohlhaas ou les Allemands et leur droit* * Une version voisine anglaise « Kohlhaas or the Germans and Their Law » a paru dans le cadre du colloque « Justice in Literature : New Perspectives on European Legal Culture », Oñati Socio-legal Series (online), 4 (6), 1124-1132 http ://ssrn.com/abs- tract=2523819. 1 Cf. Müller-Dietz, Grenzüberschreitungen, Nomos, Baden-Baden 1990. Idem Recht und Kriminalität im literarischen Widerschein, Nomos, Baden-Baden 1999; adde Jung (dir.), Das Recht und die schönen Künste. Heinz-Müller-Dietz zum 65. Geburtstag, Nomos, Baden-Baden 1998. 2 Müller-Dietz, Die Kreise der Dichter und der Juristen. Zur historischen Beziehung zwi- schen literarischem und juristischem Diskurs, in: Müller-Dietz, Grenzüberschreitungen (note 1), p. 15, 16. 3 Pour le style de l’éminent juriste Feuerbach, v. Jung, Les traces françaises dans l’œuvre de Johann Paul Anselm Feuerbach, L’IRASCible n° 3, 2012, p. 91, 100. 4 Cf. Weisberg, Droit et littérature aux États-Unis et en France, une première approche, in : Garapon/Salas (dir.), Imaginer la loi. Le droit dans la littérature, Éditions Michalon, Paris 2008, p. 19. domaine des belles-lettres n’a pas été systématique mais plutôt anecdotique, une citation ici ou là. Pendant les cinquante dernières années, cet intérêt a explosé. Nous sommes aujourd’hui submergés par une vague de publications qui n’est pas facile à canaliser. On traite tous les genres de littérature. Les for- mules poétiques, des titres tels « Poetic Justice »5, « Raconter la loi »6 ou « Imaginer la loi »7, suggèrent parfois l’idée que les juristes se veulent eux- mêmes dotés d’une touche de poésie. Notre sujet « droit et littérature » échappe à une catégorisation simple. J’hésite à parler d’une sous-discipline juridique. Je ne veux pas commettre l’erreur classique des juristes, à savoir celle de tout décliner et de sous-décli- ner selon les règles juridiques. Je préfère une terminologie plus souple en pro- posant le terme de « partenariat ». Ce propos n’est pas évident, parce que « droit et littérature » paraît comme une étrange association, deux positions qui semblent aujourd’hui irréconciliables. Force est de constater que le droit et la littérature sont fondés sur une base commune : les mots et la langue, même s’ils s’en servent à des fins différentes, l’une pour figer le réel, l’autre pour ouvrir les portes de la fiction8. Certes, le droit règle des conflits réels entre les hommes, tandis que la littérature nous emporte dans un monde virtuel ou alter- natif. Mais la justice ne constitue-t-elle pas aussi un monde à part avec sa dra- maturgie théâtrale qui risque toujours de transformer la vie en une scène arti- ficielle9 ? Drames réels ou drames fictifs, la littérature a toujours puisé dans le réservoir « juridique » de la vie sociale. Paradoxalement, la transposition litté- raire permet souvent de mieux comprendre la complexité de ces conflits, mieux que la version juridique pressée dans le cadre strict des normes. Par contre, malgré la critique acerbe de Montaigne10, le potentiel créateur du style juridique pour les « hommes de lettres » est notoire. Nous connaissons tous la confidence faite par Stendhal d’avoir formé son style par la lecture régulière du Code civil11. Ajoutons la gratitude exprimée par Peter Handke 12 Heike Jung 5 Nussbaum, Poetic Justice, Beacon Press, Boston 1995. 6 Ost, Raconter la loi. Aux sources imaginaires du droit, Éditions Odile Jacob, Paris 2004. 7 Garapon/Salas (note 4). 8 Suivant la formule de Garapon/Salas, Introduction, in : Garapon/Salas (note 4), p. 7. 9 Observation faite par Maigret dans Simenon, Maigret aux assises, éd. « Le Livre de Poche », Presses de la Cité, Paris 2009, p. 7-8 : « Quelques couloirs à franchir, quelques escaliers, et c’était un décor différent, un autre monde, où les mots n’avaient plus le même sens, un univers abstrait, hiérarchique, à la fois solennel et saugrenu ». Adde Garapon, Le droit mis à l’épreuve, Esprit, n° 337 (2007), p. 208, 211. 10 « Pourquoi est-ce que notre langage commun, si aisé à tout autre usage devient obscur et non intelligible en contrat et testament », Montaigne, Les essais, éd. établie et pré- sentée par C. Pinganaud, Arléa 1992, p. 815. 11 V. Bouglé-Le Roux, La littérature française et le droit, LexisNexis Paris 2013, p. 205. pour avoir été conduit à son langage par le biais du langage juridique12, un constat quelque peu surprenant pour un styliste poétique avant la lettre. Il existe donc une certaine complémentarité entre la littérature et le droit, l’une profitant de l’autre. Mais les relations dans ce curieux ménage sont par- fois tendues. Le droit veille sur la littérature et vice versa. D’une part, la loi gou- verne les actions de l’écrivain, ce qui veut dire que l’écrivain est, malgré toute liberté littéraire, soumis à la loi, même si la poursuite des écrivains n’a pas été, dans la plupart des cas, à l’honneur de la justice. D’autre part, la « littérature engagée » a milité, dès Voltaire, pour une amélioration de la justice13. Au lieu de continuer de théoriser sur notre sujet, je préfère l’aborder de manière concrète. Cette démarche exige l’explication de la sélection de l’ou- vrage que je vais présenter. Évidemment, notre soirée joue sur la juxtaposition d’une pièce française et d’une pièce allemande. Nous supposons donc que cette juxtaposition nous permet d’en tirer des conclusions concernant la cultu- re juridique, voire la culture tout court, la littérature et le droit reflétant la cul- ture d’un pays. Cela dit, je n’ai pas eu la réelle possibilité de choisir. Ce choix était contraint: « Michael Kohlhaas » de Heinrich von Kleist s’imposait. L’ouvrage datant, dans sa version intégrale, de 1810 fait partie de l’hérita- ge culturel allemand. Il s’agit même d’un sujet quelque peu usé au sein de la communauté des juristes allemands. J’aurais préféré pouvoir échapper à Michael Kohlhaas car il s’agit d´ un ouvrage sombre. Mais je me suis enthou- siasmé pour notre orchestration quelque peu unique qui repose sur la polarisa- tion selon la devise que les contrastes s’attirent. Aussi, Kleist s’avère - avec « La cruche cassée », « Le prince Fréderic de Hombourg », un rôle phare de Gérard Philipe, et « Michael Kohlhaas » - l’auteur allemand qui s’est enfoncé le plus dans les questions de nature juridique. Enfin, je uploads/Litterature/ unirede-108-final.pdf

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