« FRONT POPULAIRE », l’expression n’est pas nouvelle. Dès le XVIIIe siècle, Séb

« FRONT POPULAIRE », l’expression n’est pas nouvelle. Dès le XVIIIe siècle, Sébastien Mercier, en son Tableau de Paris, l’appliquait à la monarchie française. Front populaire célébré par Bonald en son recueil de « Pensées » : « Quelle haute idée nos pères ne devaient-ils pas avoir de la royauté puisqu’ils respectaient des rois qui marchaient au milieu d’eux, dépouillés de l’éclat qui les environne aujourd’hui ! » Dès la fin du XIe siècle, Guibert de Nogent oppose la bonhomie paternelle des rois de France à la hauteur des souverains étrangers. Le palais des premiers Capétiens, ouvert à tout venant, offre le spectacle d’une intimité coutumière entre monarque et sujets. A la pointe de la Cité, le jardin du roi en est devenu « le jardin de Paris ». Le souverain, sa femme, ses enfants, sa famille s’y mêlent à la foule des bonnes gens. Le comte Thibaut de Champagne s’arrête dans le bois au pied d’un arbre où un individu s’est endormi. Il s’approche : « Le roi ! » Celui-ci se réveille : « Je dors en toute sécurité, lui dit Louis VII ; personne ne m’en veut. » Dans les rues de Paris, le monarque se promène à pied ; le premier venu vient lui parler. Les chroniqueurs ont conservé un dialogue qui se serait engagé entre un pauvre jongleur et .Philippe Auguste. L’histrion réclamait du vainqueur de Bouvines un don en argent : « Ne suis-je pas, seigneur, votre parent ? - Comment cela ? - Je suis votre frère par Adam ; mais son héritage a été mal partagé et je n’en ai pas eu ma part. - Reviens demain et je te la donnerai.» Le lendemain. Dans son palais. Philippe Auguste aperçoit le jongleur parmi la foule. Il le fait approcher et, lui remettant un denier : « Voilà ce que je te dois ; quand j’en aurai donné autant à chacun de nos frères descendus d’Adam, c’est à peine si de tout mon royaume, il me restera un denier. » Le Florentin Francesco Barberino vient en France sous le règne de Philippe le Bel. Il est étonné de voir le grand prince – de qui la puissance faisait trembler jusqu’au fond de l’Italie où le trône pontifical en chancelait sur ses bases – se promener familièrement par la ville, rendant avec simplicité leur salut aux bonnes gens qui passent. Le roi est arrêté au coin d’un carrefour par trois ribauds qui ne payaient pas de mine ; il demeurait les pieds dans la boue, coiffé d’un chapel de plumes blanches. A écouter patiemment les doléances des compagnons ; et l’Italien ne manque pas de noter le contraste de ces façons royales, toutes populaires, avec la morgue des riches bourgeois florentins.  Charles V, au témoignage de Juvénal des Ursins, «voulait tout ouïr et savoir et, quelque déplaisance qu’il en dût avoir, il se montrait patient, il s’enquérait du nom de ceux qui étaient venus, de la manière de les reconnaître ; il se les faisait montrer, les appelait par leurs noms comme s’il les eût connus de tout temps, s’informant de leur état, de leur ville. De leur pays. Et leur donnait toujours quelque confort ». En 1389, le repas du sacre de Charles VI et d’Isabeau de Bavière est organisé dans la grand salle du Palais, sur la fameuse table de marbre. Recouverte, pour la circonstance d’épaisses planches de chêne. Tout le monde est admis, sinon à table, laquelle n’eût pas été assez grande, du moins, dans la salle. La joie commune se traduit en tumulte et bousculades, cris et chansons. Une table où étaient assises des dames de la Cour en est renversée. Quelques-unes d'entre elles sont piétinées ; elles poussent de grands cris. La chaleur était étouffante, il fallut défoncer une verrière. La reine s'évanouit. Chastellain raconte que Charles VII « mettait jour et heure à besogner à toutes conditions d'hommes et besognait de personne en personne, une heure avec ducs, une autre avec nobles, une autre avec gens mécaniques (artisans), armuriers, voletiers, bombardiers et autres semblables ». Il laissait sa porte ouverte, pénétrait qui voulait pour lui parler. « Vous savez que chacun a loi d'entrer qui veut », disait à Chabannes Louis XI. Et La Roche-Flavin: « On a licence de par1er au roi en tous lieux, au pourmenoir, à l'issue de son cabinet, allant à la messe ou en revenant, et en tous lieux publics ... Son accès est libre et facile ». Au cours de leurs célèbres dépêches, les ambassadeurs – « orateurs » comme on disait- vénitiens constatent que « personne » n'est exclu de la présence du roi. Suriano, en 1561 : « Les gens de la plus basse condition pénètrent hardiment dans son cabinet secret pour voir ce qui s'y passe, entendre ce dont on parle au point que, quand on veut traiter de chose importante, il faut parler à voix basse pour ne pas être entendu .... Les Français ne désirent pas d'autre gouvernement que leur roi ; d'où l'intimité qui règne entre le prince et ses sujets. Il les traite en compagnons. » actionroyaliste.com 2 Lippomano, en 1577 : « Pendant le dîner du roi de France, tout le monde peut s'approcher de lui et lui parler comme il le ferait à un simple particulier. » Montaigne en serait dégoûté de la dignité royale : «De vrai, à voir notre roi à table assiégé de tant de parleurs et regardans inconnus, j'en ai souvent plus de pitié que d'envie. » Ici un curieux intermède et bien caractéristique. Déjà avec la Renaissance, première atteinte à nos traditions séculaires, la Cour de France avait un peu perdu de ses populaires familiarités. Les Espagnols y avaient introduit le titre de « Majesté» ; alors que jusqu'au règne de François 1er on ne disait en France que simplement « le Roi ». De leur côté, les italiens nous avaient amené, avec leurs peintres et leurs architectes, l'usage de se tenir découvert devant le prince. Auparavant, on ne se découvrait devant lui qu'en entrant dans sa chambre, un simple salut ; puis à table -; et ce trait est bien français très charmant, quand il buvait. Or voici qu'après la mort de son frère Charles IX (30 mai 1574) le jeune duc d'Orléans, monté sur le trône de Pologne, revient en France ceindre la couronne de ses aïeux sous le nom de Henri III. Des régions lointaines il rapportait une conception d'une vie royale différente de celle qui s'était séculairement épanouie sur les rives de la Seine. Le 1er janvier 1575 paraissait une ordonnance destinée « à contenir chacun en l'honneur et révérence de Sa Majesté ». D'ores en avant les portes des appartements royaux ne seraient plus ouvertes à tout venant, le monarque ne prendrait plus ses repas en public ; l'étiquette devenait méticuleuse ; la Cour de France perdait son caractère populaire pour se modeler au style des Cours étrangères, en prendre la contrainte, la réserve, la pompeuse majesté. Nouveautés qui provoquèrent aussitôt des sentiments, nous ne disons pas seulement de surprise, mais d'indignation. « Qu'étaient-ce que ces idolâtries, singeries, coutumes barbares charroyées de l'ultime royaume des Sarmates (ab ultimis Sarmatis) ? » écrit le célèbre historien-jurisconsulte Claude Dupuy. Aussi ne s'y plia-t-on que de mauvais gré, de plus en plus négligemment à mesure que le temps s'écoulait. Le trône de Henri III n'était pas encore occupé par son successeur que ces «idolâtries, singeries et coutumes charroyées du pays des Sarmates » s'étaient pour la plus grande partie évaporées. En contradiction avec le caractère et les sentiments des Français à la Cour de leur roi, elles finissent par disparaître sous le règne de Henri IV. « Le roi de France - écrit, en 1603, l'ambassadeur vénitien Angelo Badoer, - quand il est en représentation, donne une plus haute idée de sa grandeur que ne le fait le roi d'Espagne ; mais, hors d'apparat, il est le monarque le plus affable du monde. » « Cette grande familiarité, note Michel Suriano, rend, il est vrai, les sujets insolents, mais aussi fidèles que dévoués .... » Opinion que confirme Robert Dallington, secrétaire de l'ambassadeur anglais auprès de Henri IV : «Les rois de France sont affables et familiers – plus qu'il ne convient, écrit le diplomate anglais ; mais c'est la coutume du pays. » Duchesne compare les rois de France à leurs voisins d'Espagne. Ceux-ci ne se montrent que rarement à leur peuple : «Si un roi de France traitait ses sujets comme cela, s'il se tenait caché quinze jours à Saint-Germain ou à Fontainebleau, on croirait qu'il ne serait plus.... Les Français veulent presser leur prince, aussi bien en la paix comme à la guerre ». Par la manière dont les rois vivent avec leurs sujets, observe Fontenay-Mareuil, ils paraissent plutôt leurs pères que leurs maîtres : les «familiarités » dont parle Choisy. Les diplomates étrangers sont étonnés de voir Henri IV ranger lui-même les sièges de la Grand Chambre ou il doit leur uploads/Litterature/ le-front-populaire-de-la-monarchie.pdf

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