THÉORIES ET PRATIQUES DE LA TRADUCTION LITTÉRAIRE EN FRANCE Inès Oseki-Dépré Ar

THÉORIES ET PRATIQUES DE LA TRADUCTION LITTÉRAIRE EN FRANCE Inès Oseki-Dépré Armand Colin | « Le français aujourd'hui » 2003/3 n° 142 | pages 5 à 17 ISSN 0184-7732 DOI 10.3917/lfa.142.0005 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2003-3-page-5.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Jean Verner © Armand Colin | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Armand Colin | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) THÉOHES ET PRATIOUES DE LA TRADUCTION LITTERAIRE EN FRANCE Par Inês OSEKI-DÉPRÉ u l,a traduction est la fois impossible et nécessairer. > Jacques Derrida Préliminaires Bien avant I'instauration du français comme langue officielle au XVI' siècle, la pratique de la traduction (à la fois activité et produit), s'esr vue osciller entre deux pôles, deux réalités, deux tendances er ce jusqu'au >oc siècle. Tout d'abord orale (interprétation), elle est devenue écrite vers 3000 1ls av. J.-C., date à laquelle on ûouve des traités signés entre Hittites et É,gyptiens, rédigés en dèux langues, faisant apparaitrè ses deux modalités : traduction (écrite) et inteqprétariat (orale). Plusieurs fois duelle, cette pratique comprend deux textes, celui du départ, celui de I'arrivée, deux langues, puis une opération traductive double, intralinguistique (qui consiste dans la traduction d'une langue dans les termes de la même langue) suivie d'une activité proprement tra- ductive, inter-linguistique' (R. Jakobson, 1963). Il est à remarquer qu'en France, bien des traducteurs connaissent bien mieux le français que la langue dite de départ. Cela proviendrait de I'an- cienne distinction scolaire entre ce qu on appelait le u thème > et la u version o. J.-R. Ladmiral (1979)3 rappelle, en efFer, la différence fon- damentale qui distinguait jadis le n fort en thème ), sorre de mathéma- ticien de la langue, du u doué pour la version r, l'élève sensible, littéraire, imaginatif;, capable de mettre en n bon français n riimporte quel auteur étranger. La traduction qui nous intéresse ici est la version, avec tout ce que cela comporte comme apprentissage et pratique sco- laires. Cette distinction, si elle a disparu de l'enseignemenr secondaire (oùr I'on ne traduit plus), est maintenue à l'université et est à l'origine d'une troisième oppositiona. l-. J. Drnruoe (1985), n Des tours de Babel ,, Diference andTianslztion, Cornwell Presse, Editions Joseph Graham. 2. R J,aronsoN (1972), * On translation , (n Aspects linguistiques de la traduction o), in Esais dz linguirtQue génhab, Paris, Éditions de Minuit, p. 78. 3. J.-R L,touner (1979), Tiaduire : Théorèmes pour la traàuction, Paris, Payot, p. I 5. 4. Enue les panisaru d'une uaductiorr source orienæd et ceux qui privilfuient la langue d'arrivée (urga orienteà1, © Armand Colin | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Armand Colin | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) Le Français aujourd'hui n" 142, rl La littérature en ûaduction r Pour en revenir à la dualité structurelle de la traduction, la plus impor- tante entre toutes est incontestablement celle, très ancienne, qui oppose les traductions tournées vers l'original (source orimtei) et celles tournées vers la langue d'arrMe (target orienteil, et elle demeurera tout au long des siècles penchant tântôt d'un côté, tantôt de I'autre, faisant I'objet de textes et paratextes nombreux. Cette situation ne changera en France qu'au >oc siècle, à la suite de quelques précurseurs, partisâns du u littéra- lisme , et de la théorisation de leurs travaux. Bref aperçu de la traduction en France Théories classiques ou < prescriptives > Dire de la traduction, comme le dit J.-R. Ladmiral, que sa finalité est n de nous dispenser de la lecture de l'originals >, ne dit pas, par ailleurs, qu elle correspond à une opération de mansformation (transfert, transpo- sition) d'un texte d'une langue dans une auffe ce qui a pour conséquence que pour comprendre son évolution à travers les siècles, force nous est de nous intéresser aux théories qui leur sont sous-jacentes selon un rapport de forces idéologique (religieux, politique), la dominance de I'un ou des deux pôles sur I'autre. Le présent article résume une petite partie d'un ouvrage6 (I. Oseki- Dépré, 1999) où il y a lieu de distinguer trois types de théories selon qu'elles se caractérisent par la dominance de I'un des trois aspects sui- van6, à savoî ltrescrilttion, dzsniption otJ pros?ection. Cette présentation offre I'avantage de suivre en synchronie et en diachronie l'évolution des pratiques de la traduction française. Il faudra ici souligner detx points : c'est la pratique traduisante qui engendre après coup la formulation de la théorie; ce sont les théories prescriptives qui témoignent le mieux de cette évolution. On peut considérer que font partie de ces théories, les théories que l'on appellera n classiques o. Ces théories permettent de bien com- prendre l'évolution de la pratique du traduire notamment en France et la référence est, bien sûr, Cicéron (106-43 av. J.-C.), car il reste incontesta- blement le premier théoricien de ce courant, chez qui l'on peut trouver, en préface à sa traduction des Discours de Démostbène et d'Eschine',les propos suivants : n Je ne les ai pas rendus en simple naducteur (at inter?res), mùs en émiaain (sed ut oranr) respectant leurs phrases, avec les figures de mots ou de pensées, usant toutefois de termes adaptés à nos habitudes latines. Je nai donc pas jugé nécessaire d'y rendre chaque mot par un mot (uerbo aerburn reddaà; pourtant, quant au génie de tous les mots et à leur valeur, je les ai conservés. . . J'ai cru, en efFet, que ce qui imporait au lecteur, iétait de 5. J.-R. Laovner, loc. cit. p. 17. 6. Voir I. Osrn-DÉpnÉ (1999), Tltéories et pratiques dz la naluction littéraire, Paris, Armand Colin, coll. < U >. 7. Orateurs de l'école attique dont la joute semble, atx yeux de Cicéron, I'oremple suprême de I'art oratoire grec et qu'il s'agit pour les Romains d'< imiter >. © Armand Colin | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Armand Colin | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) Théories et pratiques de la traduction littéraire en France lui en offrir non pas le même nombre, mais pour ainsi dire le même poids (Non mim adnumerare sed tanqaarn adpmdere)'. (Cicéron, 53 av.J.-C.) Si Cicéron est la référence des traducteurs français ultérieurs, depuis saint Jérôme, cinq siècles plus tard, jusqu à un courant (majoritaire) de ffaducteurs contemporains, il aura une influence marquante sur le xvII" siècle. Chez saint Jérôme (347-420 ap. J.-C.), le traducteur de la Vulgate, la question est plus ambivalente en raison de la dichotomie qui s'installe dès avant I'avènement du christianisme entre la traduction des textes reli- gieux et la traduction des textes profanes. Pour lui, en efFer, il y a lieu de distinguer le texte religieux u oir I'ordre des mots est aussi un mystère > des autres (non uerbum dr uerbo, sed sensam erprirnere dz sensu). la dualité se place ici entre le mot pour le mot de la traduction religieuse, ou le sens pour le sens, des autres traductions, dualité entre traduction o fidèle o pour le sacré, traduction n libre ), pour le texte profane. En réalité, la question est bien plus ardue et saint Jérôme se voit sou- vent partagé entre les deux positions, même lorsqu'il s'agit du texte religieux. u Il est malaisé quand on suit les lignes uacées par un aurre, de ne pas s'en écaner en quelque endroit ; il est difficile que ce qui a été bien dit dans une autre langue garde le même éclat dans une traduction. [...] Si je tra- duis mot à mot, cela rend un son absurde ; si, par nécessité, je modifie si peu que ce soit la construcdon ou le style, j'aurai l'air de déserter le devoir de traducteure r... (M.Ballard, 1991, p.61) Ces propos théoriques, tout en s'appuyant sur des confessions per- sonnelles, confirment leur caractère prescriptif à partir d'une argu- mentation qui prône l'élégance et/ou l'adaptation aux habitudes de la langue d'arrivée au détriment d'une exactitude qui serait en quelque sorte ( étriquéeto >. La position de saint Jérôme relative au texte religieux prévaut durant tout le Moyen Âge (du IX'au x\r uploads/Litterature/ lfa-142-0005 1 .pdf

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