Introduction Dénominations et définitions. La phonétique a pour objet l'étude d

Introduction Dénominations et définitions. La phonétique a pour objet l'étude des sons du langage ou phonèmes. Il s'agit essentiellement du langage humain, qui est le plus complexe, le plus riche, le plus varié, le plus perfectionné ; mais le langage des animaux n'est nullement exclus. Il y a lieu de distinguer la phonétique descriptive d'une part, et la phonétique évolutive d'autre part. La phonétique descriptive peut envisager les phonèmes en tant que possibilités articulatoires, indépendamment et en quelque sorte au-dessus des langues. Elle vise à les décrire au point de vue de leur constitution intime, de leur production physiologique, de leur effet acoustique, de leur impression psychique, sans rechercher dans quelle langue ils sont réalisés ni même à proprement parler s'ils le sont dans aucune. On lui donne alors, lorsqu'on veut préciser qu'il s'agit essentiellement de spéculations théoriques, le nom de phonologie. Ou bien elle s'applique à la description des phonèmes d'une langue donnée à une date donnée. Elle mérite alors proprement le nom de phonétique statique, soit qu'elle considère des phonèmes isolés, soit qu'elle embrasse tout le système phonique de la langue et cherche à le coordonner. Elle peut aussi être comparative, sans cesser d'être statique, soit qu'elle oppose les systèmes phoniques de deux langues différentes, soit même qu'elle compare ceux d'une même langue à deux dates différentes, sans toutefois se permettre aucune considération relative à l'évolution en suite de laquelle le système ancien a été finalement remplacé par le système nouveau. La phonétique évolutive, comme son nom l'indique, étudie l'évolution des phonèmes et des systèmes phoniques, c'est-à-dire les changements qu'ils éprouvent au cours du temps. Elle a pour point de départ la phonétique descriptive, car son office est essentiellement d'aller d'un état phonique attesté historiquement jusqu'à un autre état phonique attesté également, en passant par toutes les phases de la transformation. La 1marche est le plus souvent descendante, c'est-à-dire qu'elle consiste à partir d'un état ancien pour arriver à un état plus récent, qui peut être un état actuel et directement vérifiable. Elle peut aussi être ascendante et remonter d'un état récent à un état plus ancien, qui peut parfois ne pas être attesté historiquement. Elle fait alors de la reconstitution phonétique par induction et par comparaison. La phonétique évolutive est toujours comparative. Elle compare dans une même langue un état donné avec un autre état donné ; elle compare dans des langues de même famille des états différents qui supposent, à la suite de transformations diverses, un état antérieur unique. La phonétique générale comprend toute la phonétique descriptive en tant qu'elle n'est pas faite spécialement en vue d'une langue strictement déterminée, c'est-à-dire toutes les fois qu'elle ne sort pas du domaine de la phonologie. T oute comparaison de systèmes phoniques est aussi de la phonétique générale. La phonétique évolutive, lorsqu'elle est digne de son nom, c'est-à-dire lorsqu'elle rend compte des évolutions qu'elle envisage, est tout entière de la phonétique générale. Pour cela il est nécessaire qu'elle soit systématique, c'est-à-dire qu'elle considère les évolutions des phonèmes non pas comme des faits isolés et indépendants, mais comme les manifestations et les conséquences de l'évolution du système dont ils font partie et dont ils dépendent. Constater qu'un phonème pris isolément est devenu tel autre phonème n'est pas à proprement parler faire de la phonétique évolutive. La phonétique générale a aussi pour objet de rechercher les causes des évolutions phonétiques. Enfin elle a seule qualité pour comparer entre elles les évolutions des divers systèmes phoniques, qu'ils appartiennent à des langues de même famille ou de familles différentes. Économie de ce livre. Dans cet ouvrage la phonétique descriptive et la phonétique évolutive ne sont étudiées qu'en tant que phonétique générale. Les exemples qui y sont donnés sont souvent empruntés à des langues très particulières et très précisément déterminées, parce qu'il n'y a pas et qu'il ne peut pas y avoir, surtout au point de vue phonétique, de langue générale. Ces exemples pourraient être remplacés par d'autres ; ils ne sont que les illustrations de phénomènes généraux. On s'est efforcé de les choisir parmi les plus nets, les plus frappants et les plus instructifs. On les a tirés de langues très diverses, ne voyant aucune utilité à s'en tenir à un groupe 2ne soit nullement nécessaire de savoir la langue à laquelle ils appartiennent, pour pouvoir, avec un peu d'attention, comprendre dans le moindre détail tout ce qui en est dit. Dans la deuxième partie on a réservé beaucoup plus de place aux exemples qu'à l'exposition de la théorie. C'est que la théorie, dans son abstraction, a quelque chose de froid, d'incolore, et risque de ne pas faire impression sur l'esprit du lecteur. Les exemples c'est la théorie en action, vivante, saisissante, aux prises avec toutes les contingences de la réalité. L'évolution d'un assez grand nombre d'exemples a été exposée en détail, afin d'en faire voir la complexité. Le discrédit de la phonétique. Le nom de la phonétique est aujourd'hui connu de toutes les personnes un peu instruites, mais il est rare qu'il éveille en elles autre chose qu'un sentiment de dédain. C'est que, si chacun sait plus ou moins exactement ce que c'est que l'histoire, que la littérature, que les mathématiques, personne, à part les spécialistes, ne sait même approximativement ce que c'est que la phonétique. Ce qui en a passé dans l'enseignement courant ne mérite guère, il faut bien l'avouer, qu'une profonde commisération. Aussi nous dit-on souvent que la phonétique consiste à enseigner que pour parler il faut ouvrir la bouche, à faire d'autres constatations analogues, aussi instructives, aussi neuves et aussi rares, à développer des descriptions aussi ridicules que celles que l'on peut lire dans Le Bourgeois gentilhomme. Erreur complète. Les descriptions phonétiques du Bourgeois gentilhomme n'ont rien de ridicule ; elles sont parfaitement exactes, condition indispensable pour que l'auteur en puisse tirer un effet comique ; seulement elles sont hors de saison et c'est là ce qui les rend drôles. La phonétique comprend un certain nombre de notions qui sont banales et peuvent tomber sous le sens de chacun. La physique de même enseigne que les corps tombent ; et quelle est la science qui ne comporte pas des notions communes et courantes ? Mais le savant comprend dans ces notions autre chose que ce qu'y voit le vulgaire ; il en a déterminé les conditions, et il y joint des connaissances dont ceux qui n'y ont pas été initiés ne peuvent même pas se faire une idée. Le phonéticien analyse les qualités diverses des phonèmes, décrit les mouvements articulatoires qui les produisent, détermine et mesure l'effort des organes qui concourent à la phonation 1 note 1. 3Ces connaissances sont presque toutes inaccessibles au grand public, et échappent pour la plupart même aux observateurs les plus attentifs, si bien que certaines n'ont pu être obtenues qu'au moyen d'appareils d'investigation spéciaux. Quelle est l'utilité de tout ce travail ? C'est d'abord de savoir ; savoir pour le plaisir de ne pas ignorer et de comprendre, ce qui est le but idéal de l'homme en tant qu'être intelligent ; savoir pour des utilités possibles, car il n'est plus à démontrer que les recherches scientifiques les plus désintéressées sont souvent celles qui deviennent les plus fécondes en applications pratiques. Au surplus, la phonétique descriptive possède déjà des applications capables de satisfaire ceux qui se targuent d'être des hommes pratiques et qui font fi de tout ce qui reste dans le domaine de la spéculation pure. On sait quelle difficulté éprouvent ceux qui apprennent une langue étrangère pour arriver à la parler comme un indigène ; même les personnes qui ont longtemps vécu dans le pays où se parle la langue qu'elles ont voulu apprendre, gardent le plus souvent des particularités de prononciation qui dénotent bien vite un étranger ; c'est que malgré leur effort et leur persévérance, elles ne sont pas arrivées à se déprendre complètement des habitudes articulatoires qu'elles tenaient de leur langue maternelle, ni à saisir en quoi consistait au juste ce qu'il aurait fallu mettre à la place. Or la phonétique a démontré que chaque langue possède un système articulatoire qui lui est propre ; elle enseigne avec précision en quoi consiste ce système et ce qu'il faut faire pour se l'approprier. Faites avec vos organes phonateurs les mêmes mouvements, les mêmes efforts, le même travail exactement que l'étranger avec le sien, et vous obtenez le même résultat que lui. Grâce à la phonétique le but convoité est atteint sûrement, très rapidement, et sans que l'on ait besoin de sortir de chez soi. Par des procédés analogues elle permet de corriger très vite, parfois même instantanément, les défauts de prononciation, tels que le zézaiement, le clichement, le nasillement, et même la plupart des cas de bégaiement ; elle fournit les moyens de rééduquer certains aphasiques et de faire parler convenablement les sourds-muets. Enfin, car la phonétique s'étend non seulement à l'émission des phonèmes, mais aussi à leur réception, elle permet de déterminer les lacunes des oreilles incomplètes ou défectueuses et souvent même de les combler. D'autres nous disent, et uploads/Litterature/ ling-grammont-m-traite-de-phonetique 1 .pdf

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