JACQUES BERGIER, N'ÉTAIT PAS UNE LEGENDE. " Je ne suis pas une légende ", tel e
JACQUES BERGIER, N'ÉTAIT PAS UNE LEGENDE. " Je ne suis pas une légende ", tel est le titre de l'autobiographie que JB écrivit en 1977, peu de temps avant sa mort. On pourrait s'attendre à ce qu'une autobiographie soit la meilleure source de renseignements concernant le personnage. Malgré la masse d'anecdotes que l'on peut y découvrir, cette lecture laisse pourtant un curieux sentiment d'incomplétude. Au fur et à mesure que JB avance dans la description de sa vie, il semble s'égarer dans des considérations passablement subalternes pour le lecteur, et ce dernier désespère de trouver les détails qu'il aimerait surtout apprendre. Les derniers chapitres semblent comme précipités, jetés avec ennui et désintérêt. L'homme devait être fatigué, obligé au secret sur certains aspects de ses activités, et entravé par certaines contraintes éditoriales. Il est vrai que sa santé déclinait et que ce genre d'exercice n'était pas ce qu'il appréciait le plus. En refermant ce livre de 240 pages, on voudrait qu'il y en eût 1000 de plus, car l'on devine qu'il y a dans cette vie matière à de nombreux chapitres supplémentaires et fantastiques! Mais ce serait oublier que JB joua toute sa vie sur l'ambiguïté de son personnage: être surdoué, scientifique, espion, journaliste, écrivain, boulimique de lecture, " amateur d'insolite et scribe des miracles " (sa célèbre carte de visite),... Jacques Bergier, l'homme aux multiples vies parallèles, dont mêmes les proches ne percevaient que quelques facettes! Aussi n'est-il pas si étonnant que son autobiographie nous apparaisse de la même encre. " Mais il y aurait aussi le livre total à écrire sur JB. Peut-être d'ailleurs y aurait-il un livre total à écrire sur chaque surdoué; peut-être s'apercevrait-on que leurs dons étonnants ne sont qu'une face de leur personnalité, sont liés, s'expliquent et n'ont pu se révéler que grâce aux autres faces; et qui sont peut-être semblables chez tous ce genre d'hommes. " (François Richaudeau, in Question de n°29, 1979). En attendant, voici un modeste portrait: Jacques Bergier est né le 08 août 1912 à Odessa. Famille juive pittoresque, père épicier en gros, grand-père maternel rabbin miraculeux, cousin Anatole régicide, tante " quel malheur ", oncle Asraël (l'ange de la mort), un autre contrebandier et passeur,... C'est un enfant surdoué qui se signale très tôt par une capacité de lecture impressionnante: premier journal à 2 ans; à 4 ans il lit couramment le russe, le français et l'hébreu. Il ne va pas à l'école mais dispose de professeurs particuliers. En 1920, la Russie connaît la guerre civile et à l'automne la famille décide d'émigrer vers la France. La première étape sera toutefois la petite ville polonaise de Krzemeiniec où vit la branche maternelle de la famille. JB y restera jusqu'en 1925, il étudie dans les livres et un rabbin lui donne une instruction religieuse. Il apprend aussi les mathématiques, la physique, l'anglais, l'allemand,... Il lit de façon vorace, d'abord la presse puis tout ce qui lui tombe sous la main. La bibliothèque locale contient des collections complètes de revues de science-fiction russes et étrangères dont il se délecte (sauf durant la parenthèse concentrationnaire, il lira de 4 à 10 livres par jours tout au long de sa vie). Les affaires familiales périclitent et l'émigration vers la France est décidée. Ils s'installent à Paris en 1925. JB fréquente l'école communale de Boulogne-sur- Seine de 1926 à 1927 où il passe le certificat d'études primaires et fait une année de préparation au brevet élémentaire. Il entre en 1928 au Lycée Saint-Louis où il organise des canulars mémorables tout en étant un élève frondeur et intelligent. Il passe les baccalauréats section sciences et philo en 1930 et réussit le concours d'entrée à l'Institut de Chimie. Il s'inscrit en même temps à la Sorbonne pour divers certificats de mathématique et de chimie. Les grandes écoles, Normale, Polytechnique, Centrale, lui sont interdites, car ces parcours exigeaient des préparations coûteuses, sa famille connaissait toujours des difficultés financières, les bourses étaient pratiquement inexistantes, et il avoue lui même que ses " faiblesses " en mathématique lui interdisaient cette voie royale,... voilà pourquoi il envisage l'Institut de Chimie. Il peut alimenter sa boulimie de lecture en découvrant les collections des revues américaines " Argosy " et " All Story " (stock ayant appartenu à l'American Legion) à la librairie Joseph-Gibert. Il peut y lire les plus grands noms du fantastique et de la SF américaines. Il entretiendra une correspondance de 10 ans avec Lovecraft, jusqu'à la mort de ce dernier. Il fréquente aussi assidûment les quais et les bibliothèques publiques. Grâce à quelques travaux de traductions et des leçons, il peut assumer une partie de ses frais d'études et s'acheter quelques livres neufs. Fin 1933, il quitte l'Institut de chimie où il n'a pas réussi à obtenir de diplôme, ainsi que la Sorbonne, pour ne plus refaire d'études. Note: aussi bien les événements, que les conditions matérielles familiales, que les différents " pédagogues et maîtres ", se liguèrent pour décourager et désorienter le surdoué. Cet exemple est malheureusement loin d'être un cas isolé et ancien, du peu de cas que fait la société du potentiel intellectuel de certains de ses éléments. De 1933 à 1936, il exerce différents petits métiers (traducteur, analyste, fabricant de colle...). En 1936, son ami Alfred Eskenazi, ingénieur chimiste, finance la mise sur pied d'un laboratoire. En association avec le physicien Vladimir Gavreau ils travaillent d'abord sur des produits pour le tissage de la soie et de la rayonne, ainsi que sur les premières méthodes d'automation des procédés industriels. Parallèlement, Bergier s'intègre à l'équipe de chimie-physique d'Hellbronner pour des travaux de physique nucléaire. Il découvre l'utilisation de l'eau lourde pour le freinage des neutrons et réalise la première synthèse d'un élément radioactif naturel, le polonium. JB vit à cette époque un bouillonnement créatif intense, et il rêve de fonder un véritable empire industriel de l'atome par l'exploitation des brevets qu'il prend sur un certain nombre de découvertes. Ces laboratoires fonctionneront jusqu'à la débâcle en 1940. Depuis plusieurs années, JB s'était aussi investi dans la lutte antinazie. En 1935, avec le soutien du parti communiste allemand, il distribuait des tracs à la sortie des cinémas et des théâtres lors de voyages d'affaire en Allemagne. Il transmettait également des rapports sur l'utilisation de l'énergie atomique aux gouvernements américains et français, ce qui l'engagera progressivement au sein des services secrets alliés. En mai 1940, il choisit la lutte sur le terrain de la France. Il se rend d'abord à Toulouse, puis à Lyon où il restera de septembre 1940 à novembre 1943, date de son arrestation par la Gestapo. Ses activités de résistant sont multiples. Il met en place des laboratoires clandestins pour la fabrication de bombes explosives et incendiaires, d'émetteurs radio, de dispositifs d'écoute téléphonique, de fausses monnaies et faux papiers. Il organise des actions comme l'intimidation de collabos par l'envoi d'oreilles coupées, des attentats à la bombe, etc. Début 1942, il réalisera et fera éditer à Londres un " manuel du parfait saboteur ", traduit en 38 langues. Il est aussi le rédacteur du journal " Le soldat allemand en Méditerranée ", feuille clandestine en allemand servant à démoraliser l'ennemi. Il organise des réseaux de résistants et d'espions, c'est ainsi qu'il devient l'un des dirigeants du réseau " Marco Polo ", et qu'il parvient à obtenir la localisation de la base secrète de construction de V2 de Pennemünde, qui sera finalement bombardée par l'armée alliée. Il est arrêté à Lyon le 23 novembre 1943 par la Gestapo et soumis à la question. " Aucune torture n'a pu avoir raison de cet homme de fer ", dira Julius Mader, historien allemand. En mars 1944 il est envoyé au camp de Neue Bremme, en Sarre, section " retour indésirable ", où il restera trois semaines. Contre toute logique, il survit aux tortures que ses tortionnaires lui font subir. Il connaîtra plusieurs fois le coma et usera de stratagèmes mentaux afin de supporter les sévices. Il sera envoyé au camp de Mauthausen le 02 avril 1944 et y restera jusqu'à la chute du camp le 05 mai 1945. Là, il rejoindra et dirigera l'organisation clandestine de résistance. Il organise l'insurrection de la nuit du 2 au 3 février 1945. Après la chute du camp, il poursuivra et abattra personnellement le chef Ziereis (c'est du moins ce qu'il raconte dans son autobiographie où, pour des raisons qu'il ne nous appartient pas de juger ici, il prend certaines libertés avec la vérité historique !). Il quittera Mauthausen le 19 mai après avoir accompli divers devoirs de mémoire. C'est un mort-vivant (36kg) qui finalement rentre en France et réintègre la vie civile (il regrettera ce choix, jugeant bien vite qu'il aurait eu plus d'avenir en URSS). Il recevra les plus hautes distinctions militaires des russes, des anglais, des américains et des français. Les russes lui consacrèrent un film " L'homme qui arrêta la foudre " (autre titre " Et l'Angleterre sera détruite "), qui glorifie son action d'espionnage dans l'affaire de la destruction de la base de Pennemünde. Estimant qu'il va mourir uploads/Litterature/ ozn-diverse.pdf
Documents similaires
-
15
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 28, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 4.0193MB