Le Père Goriot Honoré de Balzac Édition de Delphine Paon Bien décidé à conquéri

Le Père Goriot Honoré de Balzac Édition de Delphine Paon Bien décidé à conquérir le monde, Eugène de Rastignac se rend à Paris. Des scènes misérables de la Maison- Vauquer aux bals de l’aristocratie du faubourg Saint-Germain, le jeune homme fait son éducation sentimentale et découvre les règles cruelles qui gouvernent la société parisienne. À travers ce roman, Balzac retrace l’itinéraire fulgurant de son ambitieux héros et pose un regard critique sur la nature humaine. ISBN 978-2-7011-6157-0 384 pages Classe de Seconde ☛ Le roman et la nouvelle au xixe siècle : réalisme et naturalisme © Éditions Belin/Éditions Gallimard. Le Père Goriot Arrêt sur lecture 1 3 2 Arrêt sur lecture 1 p. 109-114 Pour comprendre l’essentiel p. 109-111 Un roman réaliste ❶ Le début du roman (incipit) s’ouvre sur une description minutieuse de la Maison-Vauquer (p. 13‑21). En vous appuyant sur le vocabulaire et la syntaxe employés, montrez comment procède cette description et tentez, à partir des indications du texte, d’établir un plan de la pension. La description procède de l’extérieur vers l’intérieur et du bas vers le haut. Le narrateur commence par présenter la rue (« dans le bas de la rue Neuve-Sainte-Geneviève », p. 12-13) puis il évoque la façade et le « jardinet » de la pension, des pages 13 à 15. Il accom­ pagne ensuite le lecteur dans la Maison-Vauquer, dont il décrit le rez-de-chaussée pages 16 à 18, les trois étages page 20, le grenier et enfin les mansardes page 21. Il s’attarde particulièrement sur les pièces du rez-de-chaussée, le salon (p. 16) et la salle à manger (p. 17‑18), qui rassemblent quotidiennement les pensionnaires et condensent l’atmosphère de la pension. Comme l’attestent les nombreux adjec­ tifs, la maison est certes « pittoresque » (p. 14), mais c’est son « caractère ignoble » (p. 15) qui l’emporte. Le narrateur n’hésite pas à donner son jugement de goût pour déplorer la couleur jaune de la façade (p. 15) et l’ameublement des pièces communes : « Rien n’est plus triste à voir que ce salon de fauteuils et de chaises en étoffe de crin à raies alternativement mates et luisantes » (p. 16). Il trouve aussi la « pendule en marbre bleuâtre du plus mauvais goût » (p. 16) et les « gravures exécrables » (p. 17). L’ensemble de la pension constitue ainsi une agression pour la vue, mais aussi pour l’odorat : « elle pue le service, l’office, l’hospice » (p. 16). Les procédés d’intensification sont nombreux, notamment les accumulations d’adjectifs substantivés (« elle sent le renfermé, le moisi, le rance », p. 16) ou le recours à la négation absolue (« rien n’est plus triste », p. 16) : ces tournures accen­ tuent le caractère misérable et sordide de la pension. Cette longue description permet d’établir un plan précis du bâtiment. Le rez-de-chaussée est composé d’un salon, d’une salle à manger et d’une cuisine, ces deux dernières pièces étant séparées par une cage d’escalier. Au premier étage se trouvent la chambre de Mme Vauquer et celle que partagent Mme Couture et sa pupille Victorine Taillefer. Vautrin et M. Poiret occupent le deuxième étage, tandis qu’au troisième habitent Mlle Michonneau, le père Goriot et Rastignac, une chambre demeurant vide. Au-dessus se trouvent un grenier et deux mansardes pour les domestiques, Christophe et Sylvie. La pauvreté des personnages est donc croissante d’étage en étage : le plan de la pension correspond à la répartition des appartements en fonction de la richesse et du statut social, typique des immeubles haussmanniens. La gravure de Charles Bertall reproduite page 8, intitulée Coupe d’un immeuble parisien, permet de se représenter concrètement ces distinctions sociales, visibles dans la taille des appartements, mais aussi dans le confort du mobilier et l’élé­ gance des vêtements. ➋ Dès les premières pages le narrateur fait part au lecteur de cet aveu : « All is true » (p. 12). En vous aidant des notes de bas de page, relevez les éléments qui, tout au long de ce premier chapitre, ancrent le roman dans un contexte réel (dates et événements historiques, noms de lieux, allusions à des faits divers de l’époque…). L’histoire est ancrée dans un contexte historique précis, puisque le lec­ teur apprend, dès la première page, que l’intrigue s’ouvre en 1819 (« en 1819, époque à laquelle ce drame commence », p. 11), ce qui lui est rappelé page 46 : « Telle était la situation générale de la pension bourgeoise à la fin du mois de novembre 1819. » Le premier chapitre contient de nombreuses allusions aux différents régimes qui se sont succédé depuis la fin de l’Ancien Régime. Le « gouvernement révolution­ naire » évoqué page 75 rappelle que la Révolution constitue encore un événement récent (voir aussi page 93). Le Premier Empire (p. 93) et « Buonaparte » (p. 94) sont ensuite mentionnés par Mme de Langeais. Les personnages du roman ont donc vécu ces troubles politiques, et s’y sont engagés pour certains : la duchesse surnomme ainsi Goriot « ce vieux Quatre‑vingt‑treize » (p. 94). La période révolutionnaire est toutefois achevée quand commence le roman, puisque la Restauration a eu lieu en 1814 : elle est évoquée page 94 (« quand les Bourbons sont revenus »). Une allusion au roi de Pologne page 50 élargit enfin la perspective politique à une autre tête couronnée d’Europe. Les noms de lieux réels contri­ buent aussi à ancrer le roman dans un décor historique. Le narrateur évoque en effet Paris, le Quartier latin, la rue Neuve-Sainte-Geneviève et le faubourg Saint-Marceau, ainsi que les murs d’enceinte de la ville (« intra muros et extra », p. 11). D’autres quartiers de la capitale sont ensuite mentionnés, Montmartre et Montrouge (p. 12), le faubourg Saint-Marcel, la Bourbe et la Salpêtrière (p. 21), la Chaussée-d’Antin (p. 49), la rue Saint-Lazare et la rue de Grenelle (p. 96). Des bâtiments emblématiques sont également cités, le Val-de-Grâce et le Panthéon (p. 13), l’église Saint-Étienne-du-Mont (p. 53) ou encore des hauts lieux de la vie culturelle et mondaine comme le Collège de France (p. 44), l’Opéra-Comique et les Champs-Élysées (p. 45), le Prado, l’Odéon et le faubourg Saint-Germain (p. 47), le © Éditions Belin/Éditions Gallimard. Le Père Goriot Arrêt sur lecture 1 5 4 Bois et les Bouffons (p. 48). Les environs de Paris élargissent brièvement le cadre avec « Choisy, Soissy, Gentilly » (p. 33). La province constitue enfin une toile de fond avec Angoulême (p. 20), dont Rastignac est originaire et où réside sa famille. Les allusions aux théories et aux productions plus ou moins contemporaines sont enfin variées, qu’il s’agisse du drame romantique (p. 11), des vers déjà datés de Voltaire (p. 14), d’Ossian (p. 48), d’un air à la mode tiré de Joconde ou les Coureurs d’aventures (p. 55), d’un mélodrame (p. 58), ou encore de la théorie de Gall (p. 66), de l’opéra de Cimarosa (p. 78), ou de Lamartine (p. 92). Le fait divers trouve aussi sa place avec la mention de Georges et Pichegru (p. 19). ❸ Mme Vauquer, ses domestiques, ainsi que plusieurs pensionnaires, parlent un français populaire. Citez quelques-uns de ces mots et expressions, et dites en quoi ils contribuent à la visée réaliste et sociologique du roman de Balzac.  Les scènes de dialogue de ce premier chapitre, souvent rapportées au discours direct, sont l’occasion de découvrir le langage ou jargon propre à un personnage ou à un groupe social. Mme Vauquer, ses domestiques et certains de ses pension­ naires utilisent ainsi un vocabulaire populaire, comme en témoignent « grigou » (p. 52), « m’englauder », « c’te farce », « qué qui fait donc », « rapport au chat » (p. 53), « décanillé » (p. 54), « de la manique » (p. 55), « enfoncé » (p. 66). La scène de dîner entre les pensionnaires est aussi, pour le narrateur, l’occasion de brosser une satire de ces personnages qui s’amusent à ajouter le suffixe « -rama » à la fin de chaque mot (p. 65‑68), notamment pour se moquer du père Goriot. Depuis les pièces de Molière, par exemple Les Femmes savantes, et jusqu’aux contes de Guy de Maupassant, la restitution d’un langage socialement marqué est l’un des procédés privilégiés de la satire. Une galerie de personnages ❹ Les pensionnaires de la Maison-Vauquer sont décrits tour à tour dès les pre­ mières pages du roman (p. 20‑21 et 22‑28). Dressez-en la liste et mettez en évi­ dence les correspondances que l’on peut établir entre les caractéristiques de la salle à manger, lieu emblématique de la pension où se rassemblent tous les personnages (p. 16‑18), et celles des personnages eux-mêmes. La salle à man­ ger rassemble des objets dépareillés, de mauvais goût et pourris, comme le sug­ gère le commentaire du narrateur : « Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant » (p. 18). L’accumulation d’adjectifs mêle des attributs humains et non humains, ce qui annonce d’emblée le rapprochement entre les meubles et les pensionnaires, éga­ lement misérables et sordides. Les uploads/Litterature/ lp-pere-goriot.pdf

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