UNIVERSITÉ FRANÇOIS-RABELAIS DE TOURS Année Universitaire : 2014/2015 HABILITAT
UNIVERSITÉ FRANÇOIS-RABELAIS DE TOURS Année Universitaire : 2014/2015 HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES Discipline : MUSIQUE présentée et soutenue publiquement par : Daniel SAULNIER le 12 décembre 2015 MÉMOIRE DE SYNTHÈSE ------------- JURY : M. Frédéric BILLIET Professeur des Universités Université Paris-Sorbonne M. Xavier BISARO Professeur des Universités Université de Tours Mme Katharine ELLIS Professeur Université de Bristol, Royaume-Uni M. Éric PALAZZO Professeur des Universités Université de Poitiers Mme Susan RANKIN Professeur Université de Cambridge, Royaume-Uni M. Philippe VENDRIX Directeur de Recherche CNRS, Université de Tours 2 3 MÉMOIRE DE SYNTHÈSE Daniel Saulnier Université François-Rabelais de Tours Centre d’études supérieures de la Renaissance 4 Panneau d’ivoire du IXe s. sur évangéliaire du XIVe s. Bibliothèque universitaire de Francfort, ms Barth 181 5 à la mémoire de Paul Caffiaux Jean Jeanneteau Claude Gay et Jean Mallet Le pire dérèglement de l’esprit, c’est de voir les choses non telles qu’elles sont mais telles qu’on voudrait qu’elles soient. Bossuet 6 7 1. Ouvertures La flûte Ces pages sont d’abord dédiées à Paul Caffiaux. Cet ancien militaire était professeur de flûte à l’Ecole municipale de musique de Brest quand je débutai ma formation musicale. Au vu de mes onze ans et des effectifs de l’école, le Directeur avait estimé qu’il était trop tard pour s’atteler à l’étude de deux clefs pour arriver, au mieux, à pianoter péniblement un jour sur un clavier. Après un an de solfège et de chant choral, j’évitai de justesse à mes parents et à mes voisins les éclats de la trompette, et optai pour la sérénité de la flûte traversière. Paul Caffiaux était un colosse, bourru et paternel comme un grand-père. Retraité de la musique militaire, il terminait sa carrière en enseignant la flûte traversière dans une école de musique de province. C'est grâce à lui que, comme le dit Trần Văn Khê, « j’ai eu la chance d'être un musicien avant d'être un musicologue ».1 À son école, j'ai appris qu'il fallait patienter plusieurs semaines pour sortir un son de la seule embouchure, avant de pouvoir monter l’instrument tout entier et poser les doigts sur les clefs. C’est lui aussi qui m’a appris l'humble et patient travail du musicien. Une application remise chaque jour en chantier, où le progrès véritable ne s’apprécie que sur la longue durée. Une assiduité qui apprend de l’expérience qu’un seul jour sans répéter réclame une semaine d’efforts pour récupérer une sonorité dont la pureté et la justesse ne sont jamais définitivement conquises. 1 François PICARD, « Trần Văn Khê : Un parcours sans faute », Cahiers de musiques traditionnelles, vol. 2, Instrumental (1989), 235-242. 8 Les yeux rivés à la partition, comme tous les débutants, c’est pourtant en ces années-là que je découvris, par hasard, le rôle décisif de la mémoire pour le musicien. Lors de l’audition publique de fin d’année, le jeune homme qui venait d’obtenir son premier Prix de flûte, interprétait les quatre pages du Concertino de Chaminade2. Le professeur s’approche pour tourner la troisième page, et l’inévitable se produit : les deux folios volent à terre ! Pendant les interminables secondes que dure la récupération de la partition, la tension se fait palpable dans la salle. Sauf pour le flûtiste3 qui continue paisiblement à jouer et termine sous les ovations. La flûte est un instrument monodique, aussi n’ai-je jamais étudié l’harmonie. À plusieurs reprises, j’ai ressenti ce fait comme une véritable carence. J’ignorais alors quels services cette lacune me rendrait plus tard, lorsqu’il s’agirait d’aborder la question des modes grégoriens. Le répertoire académique pour flûte traversière ne s’est développé qu’après la Renaissance mais n’a pas cessé de s’accroître ensuite, dans une ligne virtuose, surtout à partir du XIXe siècle. À l'époque où je débutais, les écoles de musique mettaient un point d’honneur à introduire dans les programmes d’examen de nombreuses pièces de musique contemporaine, remplies de redoutables difficultés techniques et rythmiques. Aussi l’enseignement était-il intransigeant sur l’apprentissage du solfège rythmique. La dernière année, Paul Caffiaux m’invita à étudier les concertos pour flûte en sol et en ré de Mozart, et il y adjoignit les cadences composées pour ces concertos par Paul Taffanel (1844-1908) et Philippe Gaubert (1879-1941). Une multitude de doubles et triples croches en informelles grappes de nombre aléatoire, des notes à double queue, soulignant de loin en loin les 2 Cécile CHAMINADE (1857-1944) est une compositrice et pianiste française dont l’abondante production de musique romantique a été largement appréciée. Le Concertino pour flûte et orchestre, opus 107 constitue sa dernière œuvre symphonique. 3 J’ai retrouvé sa trace pour rédiger ces pages : il est aujourd’hui connu sous le nom de Youenn Le Berre, membre des ensembles Gwendal et Mugar, engagés dans les musiques celtiques et berbéro-celtiques. 9 frêles appuis mélodiques des longs traits de virtuosité, et de subtiles articulations. Et surtout, plus de barres de mesure, plus d’indication chiffrée au début de la ligne... Simplement cette consigne, lapidaire et lumineuse à la fois : « Quand l’orchestre s’arrête et que commence la cadence, le soliste doit juste donner l’impression que l’orchestre continue... » Là encore, j’étais loin de savoir quelles perspectives m’ouvrirait plus tard cette découverte de la liberté rythmique du soliste et de son art de l’ornementation. Études scientifiques et formation d’ingénieur Mes parents ayant rapidement douché mes timides évocations d’une carrière musicale, je suivis la voie qui m’était présentée : celle des études scientifiques. En classe de Terminale, je me réconciliai de façon inattendue avec les mathématiques et j'abordai la préparation aux écoles d'ingénieurs. C'est ainsi qu’à vingt ans j’intégrai l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat. À l’époque de ma formation, les premiers ponts en béton précontraint se fissuraient et plusieurs ingénieurs firent de la prison pour négligence ou malversation. Entre cours scientifiques et stage sur un chantier d’autoroute, je découvrais un nouveau monde : celui de l’exigence scientifique et de la responsabilité qui en découle. L’ingénieur ne se paie ni d’intuitions ni d’espoirs, mais de mesures et de coefficients de sécurité. Là où il n’a pas vérifié et contre-vérifié, il est responsable, car des vies humaines dépendent de son acribie. La leçon devait être renforcée par un séjour d’un an à la Direction des Constructions du Ministère de l’Education Nationale, dans le service chargé d’appliquer les nouvelles normes de construction des collèges, après le tragique incendie qui avait ravagé le CES Pailleron en 1976. Mais, décidément, la technique ne me passionnant pas outre mesure, je choisis comme option de fin d’études la spécialité Gestion. Outre la comptabilité, je devais y recevoir une 10 initiation aux sciences humaines (psychologie et sociologie surtout) et à leur application aux divers phénomènes et techniques liés à la communication au sein des organisations. C’est un nouveau monde qui s’ouvrait devant moi ; j’intégrai rapidement un organisme de « modernisation de la gestion » à la Direction du Personnel du Ministère de l’Environnement et, de 1977 à 1980, je remplis d’importantes fonctions dans la formation des jeunes ingénieurs à la gestion, aux sciences humaines et aux exigences d’un service public très enraciné dans le territoire. Le moment était stratégique : deux années plus tard commencerait le mouvement de la première décentralisation des services de l'Etat vers les collectivités locales, qui devait modifier définitivement le visage administratif de la France. Le fonctionnement des institutions administratives françaises et de plusieurs entreprises de travaux publics était quotidiennement l’objet de nos études et de nos réflexions. Je devais plus tard en tirer d’immenses enseignements sur les mécanismes internes aux organisations, et il me serait donné d’en voir des applications originales aux institutions ecclésiastiques. Le Moyen Âge, déjà ? Au détour de rencontres marquantes, j’avais fait la connaissance de deux grands saints d'Occident, Bernard de Clairvaux et François d'Assise, ce qui fit naître en moi un désir de les imiter, selon un schéma somme toute classique, expérimenté jadis par un Ignace de Loyola : « Pourquoi pas moi ? ». Mais je dois reconnaître que – et j’en étais conscient – le milieu et la culture dans lesquels ils avaient vécu m’attiraient particulièrement, tout autant que leur personnalités respectives. Ce milieu c’était d’abord le Moyen Âge. Pour le jeune homme peu formé à l’histoire que j’étais à la fin de mes études scientifiques, le monde médiéval était rempli de mystère et d’images d’Epinal. Sans doute, The Lord of the Rings venait tout juste d’être traduit en 11 français et Il nome della Rosa était encore dans les carnets d’Umberto Eco. Mais les vies de saints fourmillaient à l’époque – et il en sera sans doute toujours ainsi – de fioretti et de détails fantastiques. Elles ouvraient une porte que je franchissais peut-être davantage dans l’ordre du fantasme que dans celui d’une véritable intelligence. Un des points communs entre Bernard de Clairvaux et François d’Assise, outre leur idéal passionné, c’est le cadre concret qu’ils modelèrent pour la vie religieuse médiévale. Un cadre dont ils ont partiellement hérité de l’Antiquité, des structures qui, dans l’ensemble, ont perduré jusqu’à nos jours. Je me mis donc à la recherche de leurs successeurs. Dans le monde des ordres religieux qu’ils uploads/Litterature/ memoire-hdr.pdf
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- Publié le Dec 21, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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