1 Paul Braffort. LES UNIVERS BIBLIOTHÈQUES visibles invisibles réel(le)s virtue

1 Paul Braffort. LES UNIVERS BIBLIOTHÈQUES visibles invisibles réel(le)s virtuel(le)s La Bibliothèque Oulipienne 2 numéro 130 Sommaire Nouveaux préliminaires par Walter Henry Introduction : Clio de 5 à 7 fois 10 puissance 39. Première Partie : Bâtons, chiffres et particules. 1. Les combinaisons de la Vierge. 2. Notes sur deux échelles. 3. Précis de composition d'un corps simple Deuxième partie : Les bibliothèques invisibles. 4. Bibliothèques imaginaires. 5. Bibliothèques systématiques. 6. Une bibliothèque ordonnée. Conclusion : Reprises et rebonds. 3 Bibliographies Nouveaux préliminaires Les fascicules de La Bibliothèque Oulipienne possèdent une logique interne, une structure qui va au-delà de la simple linéarité. Certains d’entre eux renvoient à des fascicules antérieurs, d'autres en annoncent d'inédits (c’est le cas, par exemple, des n-ines ou des divers Voyages d’hiver). Le présent fascicule 130, lui, renvoie évidemment au nº 71 (Bibliothèques invisibles, toujours) qui lui-même évoquait le nº 48 (Les bibliothèques invisibles, titre agrémenté d’un surtitre : A Voir et à Ranger). Exceptionnellement, du n° 38 au n° 52, les Bibliothèques Oulipiennes ne furent pas publiées ni diffusées séparément, mais formèrent le Volume 3, publié en février 1990, d’un travail systématique de réédition commencé chez Slatkine (Volume 1), poursuivi par Ramsay (Volumes 1 et 2), puis par Seghers (Volumes 1, 2 et 3) et continué par Le Castor Astral (Volumes 4, 5 et 6). Ce dernier va jusqu’au n° 85. C’est Paul Fournel – responsable littéraire des trois premiers éditeurs impliqués – qui avait entrepris de rassembler les textes du Volume 3 et les délais de publication qui lui étaient imposés étaient relativement courts. Aussi Paul Braffort décida d'utiliser des fragments d'un travail en cours qu'il avait déjà présenté à des réunions de l'OuLiPo ainsi qu’à d'autres amis. Les limitations de place firent que son texte, qui reçut le n°48, était privé d'une introduction comme d'une conclusion, mais était illustré de nombreux exemples, plus ou moins détaillés. Le concept même de Bibliothèques invisibles (titre qui était un hommage à Italo Calvino) plaisait à beaucoup d’Oulipiens (et aussi d’Alamiens) qui, dès le début, avaient alimenté le fonds des à titres exploiter ; plusieurs continuèrent à s'y intéresser. Mieux, ce concept passa de la virtualité à l’actualité lorsque, le 18 juin 1992, un échantillon de l’une de ces bibliothèques : la Bibliothèque ordonnée fut présenté dans la vitrine de la Librairie Michèle Ignazi dont on fêtait ainsi l’inauguration. Les Oulipiens décidèrent alors de donner une suite au numéro 48 : ce fut donc le numéro 71 qui comprend des contributions de Jacques Roubaud, Jacques Jouet, François Caradec et Marcel Bénabou. J’acceptai alors de rédiger des Préliminaires qui rappelaient le lien avec le n°48 et incluaient quelques considérations théoriques nouvelles. Tout naturellement, ce texte fut dédicacé à Michèle Ignazi. Il parut en mars 1995. Tout récemment, Paul Braffort me confia la responsabilité de concevoir, en collaboration avec Bruno Klein et Emmanuel Martin, un site Internet où l’on peut consulter la totalité de son œuvre (www.paulbraffort.net). A cette occasion j’ai retrouvé la version initiale d’un texte qui avait alors pour titre : Une bibliothèque univers pour la satiété des gens de lettres, texte dont le n°48 avait été extrait. Elle n’était pas datée, mais la "version papier" provenait visiblement d’une "imprimante à aiguille" tandis que le fichier informatique qui avait été sauvegardé – et qu’Eric Joncquel m’a aidé à reformater – utilisait apparemment le système de traitement de textes Framework, ce qui permet de situer cette version autour de 1987 . J’ai donc entrepris un travail de réhabilitation qui m’a permis de réintroduire les considérations théoriques qui avaient été supprimées pour le n°48 et d’inclure, avec l’accord de l’auteur, les considérations nouvelles ébauchées dans mes Préliminaires, pour le n°71, ainsi qu’un épilogue inédit que l’auteur m’a confié. Le résultat s’éloigne ainsi d’une simple obsession bibliothécomaniaque pour devenir un essai d’épistémologie appliquée (ou peut-être d’épistémologie amusante). 4 Une fois de plus, comme Nabokov l’a souvent rappelé (et, après lui, PB dans l’Introduction ci- après), la réalité en vient parfois à copier la fiction : la Librairie Michèle Ignazi, à l’occasion de la signature d’un livre récent de Gilbert Lascault : Cartes à jouer et réussites, a installé une vitrine où l’on pouvait admirer une Bibliothèque invisible inédite (mais qui, du coup, sera devenue visible, quoique éphémère !) Walter Henry Décembre 2003 Introduction1 CLIO2 DE 5 A 7 FOIS 10 PUISSANCE 393 Si le nez de Cléopâtre avait été moins long Si le grand Paganini n'avait pas joué d'violon Et si Roméo n'avait pas rencontré Juliette On n'en s'rait pas là ! André Hornez (sur une musique de Paul Misraki) L'histoire des histoires est déjà une bien longue histoire, au jour d’aujourd’hui. Quant à l'histoire proprement dite (qui en fait involutivement partie), c'est évidemment une toute autre histoire - au moins à ce que l'on croit souvent... ou plutôt à ce que l'on croyait avant que ne s'impose l'adage : « La réalité dépasse la fiction ! ». On sait que le grand ouvrage de Paul Ricœur : Temps et Récit s'attache précisément à la problématique ouverte par l'ambiguïté du mot "histoire" (ambiguïté purement galliciste, puisque l'anglais, par exemple, distingue clairement "history" et "story"). Dans la seconde et la troisième partie de son traité (respectivement L'histoire et le récit et La configuration du temps dans le récit de fiction) il analyse les procédures de reconfiguration du temps dans les deux types de narration. En ce qui concerne le récit historique, Ricœur indique, notamment ([1], p.134) : Ma thèse est donc éloignée également de deux autres : celle qui conclurait du recul de l'histoire narrative à la négation de tout lien entre histoire et récit et ferait du temps historique une construction sans appui 1 Les notes de bas de page ne figuraient pas dans la version originale. Je les ai introduites pour plus de clarté, avec l’accord de l’auteur. (WH) 2 Les présidents de la République qui se sont succédés en France se faisaient photographier devant une bibliothèque de fort belle allure. C’est dire qu’ "histoire" et "bibliothèque" sont indissolublement liées. N’oublions pas, de plus, que Mao Tse Toung et l’auteur ont tous deux débuté comme bibliothécaires – ni que Raymond Queneau entreprit, en 1942, d’écrire un Brouillon projet d’une atteinte à une science absolue de l’histoire, section initiale d’un travail inachevé, publié par Gallimard en 1966, sous le titre Une histoire modèle. 3 Ce (très grand) nombre entier est, pour certains, le nombre des particules ( ?) de l’univers. Cf. la Première partie. 5 dans le temps du récit et dans le temps de l'action, et celle qui établirait entre histoire et récit un rapport aussi direct que celui par exemple de l'espèce au genre et une continuité directement lisible entre le temps de l'action et le temps historique. Je me propose de développer, dans cette introduction, la thèse apparemment paradoxale qu'exprime l'adage inversé : « La réalité n'est qu'un cas (très) particulier de la fiction ! », ce qui pourrait remettre en cause certaines des distinctions proposées par Ricœur4. On peut constater en effet qu'il existe un spectre pratiquement continu de textes qui vont du récit parfaitement historique - et rigoureusement attesté - à la fiction la plus débridée, du réel pur à l’imaginaire absolu. Les douze exemples suivants, qui ne sont que des repères échelonnés tout au long du spectre réel → imaginaire, en témoignent5 : - Comptes-rendus des séances de l'Assemblée Nationale - OULIPO 1960-1963 Jacques Bens - Récits des temps mérovingiens Augustin Thierry - Gaspard de Besse Jacques Bens - Tout le monde descend Jean Queval - Les trois mousquetaires Alexandre Dumas - La Belle Hortense Jacques Roubaud - Trois chambres à Manhattan Georges Simenon - Un rocker de trop Paul Fournel - La vie mode d'emploi Georges Perec - Surface de la planète Daniel Drode - Cosmicomics Italo Calvino Au milieu du spectre on rencontre des situations singulièrement hybrides où se croisent personnages réels et personnages de fiction (Richelieu et Madame Bonacieux dans Les trois mousquetaires) et même personnages quasi réels et quasi-impossibles (le père Sinnouls et les princes poldèves dans La belle Hortense [2]). Il arrive d'ailleurs que des personnages purement littéraires fassent irruption dans la réalité de l'histoire, au niveau du langage (personnages devenus attributs tels Dulcinée ou Harpagon) ou des structures sociales ("Société des études lupiniennes", "Baker Street Irregulars", "Wolfe Pack", etc.). On notera, en particulier, l'œuvre singulière de William S. Baring-Gould qui dans Sherlock Holmes of Baker Street, puis dans Nero Wolfe of West Thirty-fifth Sstreet se fait l'historiographe de deux personnages de roman en remplissant les lacunes (ou en levant les contradictions) laissées par les auteurs respectifs, Conan Doyle et Rex Stout (cf. [3]). Laurence Block est l'auteur d'une série de romans où la fiction est en quelque sorte "itérée" car le héros, Leo Haig et le narrateur forment un couple "homéomorphe" au couple Nero Wolfe/Archie Goodwin des romans de Rex Stout. Mais ici le narrateur fictif utilisé par Block annonce ouvertement la correspondance : Haig "copie" Wolfe. D'ailleurs ce narrateur présente Wolfe et Goodwin comme des êtres réels, uploads/Litterature/ paul-braffort.pdf

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