Paul Ricoeur et le deuil de la traduction absolue. André Dussart Paul Ricoeur,
Paul Ricoeur et le deuil de la traduction absolue. André Dussart Paul Ricoeur, traducteur et philosophe français, a parlé dans deux conférences des difficultés qui concernent la traduction (respectivement en 1997 et en 1998). Ces contributions sont réunies dans un volume intitulé « Sur la traduction ». Il définit la traduction comme une copie de l’original et, pourtant, l’aspiration à la perfection est retenue « inaccessible ». Il en résulte que les traducteurs souvent ne sont pas complètement satifaits de leur travail. Les imperfections du texte peuvent décourager le traducteur mais selon Ricoeur il faut les accepter afin d’avoir la juste motivation pour terminer la tâche. La polysémie de la langue. Selon Ricoeur, c’est la polysemie l’un des facteurs qui peut rendre difficile la traduction. Il donne l’exemple du mot d’Heiddeger le « Dasein » qui a suscité plusieurs débats. C’est un mot traduit par « être-là » en français mais en effet chaque philosophe peut l’intepréter de différentes manières. Il rappelle, en outre, que l’univocité n’existe pas, la polysemie est un phénomène absolumment répandu dans les langues naturelles. L’intraduisible initial et l’intraduisible terminal. L’intraduisible initial résulte de la manière dont les langues traitent le rapport entre le sens et la référence. (il faut rappeler que Frege parlait de cette distinction : le sens constitue l’idée exprimée et le référent est l’objet concret indiqué par le nom). C’est seulement avec la référence à la situation qu’on peut comprendre parfaitement le sens d’une phrase. Si je dis, par exemple « Apportez- moi la glace » il s’agit de quelle glace exactement ? C’est seulement dans le context précis que je comprends s’il s’agit de glace pour l’apéritif (ghiaccio) ou d’une crème glacée (gelato). L’intraduisible terminal est produit par la traduction et, donc, au niveau de la parole. Cela dépend des qualités du traducteur. La fidélité de la traduction. Il existe deux voies d’accès à la traduction selon Ricoeur : traduction au sens strict (comme transfert d’un message verbal dans une autre langue) et traduction au sens large (interprétation qui tient compte aussi de l’importance de la communité linguistique dans la compréhension du sens du mot). Il est nécessaire en outre de distinguer la traduction de la reformulation. En effet, alors que le traducteur doit avoir la capacité de transposer exactement la même pensée du texte original sans amplifier, le locuteur peut utiliser la reformulation pour se faire mieux comprendre. Comme par le passé, de nos jours il existe encore un grand débat sur la question de la « fidelité » de la traduction. Les dimensions de la fidelité en effet sont nombreuses : fidélité au texte source, aux structures de la langue d’arrivée, à la finalité de la traduction etc. Il faut, cependant, considérer que la mission principale du traducteur consiste à chercher de produire le même effet de l’auteur. L’équivalence et le comparable. Le traducteur doit donc accepter qu’il ne pourra jamais atteindre la perfection. Berman dit : « traduire n’est pas chercher des équivalences ». En effet, c’est le cas des proverbes, qui ne doivent pas être traduits par l’équivalent mais il s’agit d’exprimer la même idée d’une autre manière. Le traducteur doit donc construire des comparables en restituant le sens mais aussi en donnant de la saveur au texte et en respectant la sonorité du signifiant. Berman (qui a fortement inspiré Ricoeur avec ses théories) dit en outre qu’il faut faire une distinction entre la litteralité et le mot à mot. La litteralité est l’exigence pour une bonne traduction parce qu’elle respect le sens du text source. Si on pense au proverbe : « l’heure du matin a de l’or dans la bouche » et si on fait une traduction littéraire de cette phrase, il faut utiliser les mêmes images et, donc, « or » et « bouche » (Il mattino ha l’oro in bocca). La litteralité comme art de traduire s’oppose a la vision ethnocentrique de l’abbé Delille (Jaques Delille). Il pense que la traduction doit être un moyen pour assimiler l’œuvre originale dans la culture de la langue d’arrivée. « traduire, c’est importer […] dans sa langue les trésors des langues étrangères ». L’abbé Delille est connu pour ses celèbres traductions de textes anciens comme « Les Géorgiques » de Virgile. C’est évident, dans son travail, la mise en œuvre d’une vision ethnocentrique : Pag. 37/38 (extrait des Géorgiques en latin et traduction en français de Delille) Quelques remarques sur sa traduction : - Le texte de l’abbé contient deux vers de plus. le défi de passer d’une langue sans articles (le latin) et avec des déclinations qui marquent les fonctions syntaxiques au français moderne est donc évident. - Nombreuses changements dans le texte : Ex : troisième vers : « prolem oliuae tarde crescentis » (trad. littéraire : le rejeton de l’olivier à la croissance lente) est traduit par « sombres bois, et vous riches vendanges ». On peut trouver plus d’exemples (pag.37) mais la chose la plus importante à comprendre est que le travail de Jacques Delille représente une façon d’interpréter l’œuvre de Virgile avec le but de l’assimiler dans la culture française et d’enrichir sa langue. Le deuil. Le traducteur doit être réaliste et donc conscient de ses limites afin de terminer son travail. Il ne doit pas donc se laisser abbattre et faire un travail de « deuil ». Le deuil est une métaphore hériteé par Freud et correspond au renoncement à la perfection pour ne pas se démoraliser. La mécompréhension. Un texte n’est jamais complètement compréhensible. Un célèbre traducteur a dit : « Qui n’a jamais traduit n’a jamais fait de contresens non plus ». On n’a pas une garantie de l’identité de sens entre l’original et sa/ses traduction/s, ce n’est pas démontrable. En outre, chaque auteur a son propre style et c’est particulièrement difficile à le transposer dans une autre langue. L’herméneutique. Ricoeur parle très peu de son herméneutique (analyse de la lecture, interprétation des textes). Il se réfère donc aux problèmes liés à l’ecriture du texte, pas aux problèmes qui concernent la compréhension. Il faut se demander : pourquoi si la mécompréhension est très répandue, les hommes arrivent à s’entendre dans la communication ? Il est évident que dans les conversations on utilise souvent la redondance. Le locuteur peut donc réexpliquer et dire la même chose de manière plus claire. L’écrite, au contraire, est détaché de son auteur et donc le lecteur doit choisir une interprétation du texte. La lecture. La lecture d’un texte rarement résulte exhaustive. Il faut, en effet, lire plusieurs fois un texte pour mieux le comprendre, l’apprecier et en percer tous les secrets. Elle est, en outre, influencée par l’identité sociale et les expériences du lecteur. Lecture et traduction. La première phase de la traduction est celle de « incursion dans l’œuvre » et de la compréhension. Le traducteur s’approprie ainsi du texte ma il le fait « à distance ». Cette distance (par rapport au monde de l’écrivain) est nécessaire afin de passer à la phase de l’interprétation. L’interprétation se manifeste déjà dans la perception et dans les préjugés qui toutefois résultent essentiels pour la compréhension. Ricoeur, en outre, va au-déla su rationalisme de l’analyse structurale, il dit que le traducteur doit d’attarder sur le sens de l’œuvre mais aussi sur sa référence, qui a une valeur de vérité. Le texte dispose d’un sens, une structure, mais il a aussi une référence (effectuation du sens, dimension sémantique). uploads/Litterature/ paul-ricoeur-et-le-deuil-de-la-traduction-absolue-andre-dussart.pdf
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- Publié le Jul 02, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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