PAUL SOLEILLET __________ L’AFRIQUE OCCIDENTALE ALGÉRIE, MZAB, TILDIKELT. PRIX

PAUL SOLEILLET __________ L’AFRIQUE OCCIDENTALE ALGÉRIE, MZAB, TILDIKELT. PRIX : 10 FRANCS (Tiré à 100 exemplaires) AVIGNON IMPRIMERIE DE F. SEGUIN AÎNÉ 13 rue Bouquerie; 13 1877 Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC. D’autres livres peuvent être consultés ou téléchargés sur le site : http://www.algerie-ancienne.com Ce site est consacré à l’histoire de l’Algérie. Il propose des livres anciens, (du 14e au 20e siècle), à télécharger gratuitement ou à lire sur place. À MA MÈRE Madame Anaïs SOLEILLET, née BOYER-DURAND Voulant te faire connaître deux années passées loin de toi, j’ai écrit ce livre; je te l’offre aujour- d’hui en témoignage d’amour et de respect. Septembre 1877. Paul SOLEILLET. PAUL SOLEILLET (Juin 1874) d’après une photographie de James Geisser d’Alger. — 1 — L’AFRIQUE OCCIDENTALE ALGÉRIE — MZAB — TILDIKELT PREMIÈRE PARTIE I INTRODUCTION Le samedi 8 septembre 1872, je m’embarque à Mar- seille pour l’Algérie ; je quitte la France avec l’intention bien arrêtée d’accomplir une exploration, d’Alger à l’oa- sis d’In-Çalah, objet de mes constantes préoccupations, et à laquelle je me prépare depuis 1866, par des voyages et des séjours dans l’Afrique du Nord, au cours desquels je me suis initié à la langue, aux mœurs et aux usages des indigènes et en colligeant, dans le silence du cabinet, les récits des voyageurs, les écrits des économistes, aussi bien que les livres des historiens et des géographes, tant anciens que modernes, qui se sont occupés de l’Afrique. Je n’ai rien épargné pour rendre cette première pré- paration (elle a duré six ans) aussi complète que possi- ble, car, voulant amener par l’Algérie et le Sénégal, un échange suivi de relations de commerce et d’amitié entre l’Europe et l’Afrique centrale, je suis résolu à parcourir — 2 — de mon pied la route qui doit réunir nos deux colonies africaines au Niger et les joindre entre elles ; route qui partant soit d’Alger, soit du Sénégal, aboutit à Tombouc- tou, c’est-à-dire au point ou le grand fl euve de l’Afrique occidentale pénétré dans son cours sinueux le plus on avant dans l’intérieur du continent. Jusqu’à présent, de cette route, qu’il nous importe tant cependant de connaître, car elle va de l’Océan à la Méditerranée, de l’Algérie au Sénégal, deux tiers seule- ment sont explorés ; Le premier tiers, celui de l’Océan à Tombouctou, par René Caillé, qui, parti du Sénégal, entrait déguisé en derviche, le 20 mai 1828, au coucher du soleil, dans la ville sainte du Sahara méridional. Un seul voyageur avait pu avant lui y pénétrer, c’était le major anglais Gordon Laing ; assassiné entre Tombouc- tou et Araouan en septembre 1826, sur l’ordre d’Ah- med Ould-Adeda Oald-el-Rahal, chef des Berâbich et d’Ahmed-el-Habib, chef de la ville d’Araouan, à qui il s’était confi é, après avoir été expulsé de Tombouctou par des Foulbé. Depuis René Caillé, un seul voyageur européen a revu cette cité ; c’est le docteur allemand Henri Barth. Le deuxième tiers de cette route, celui de la Mé- diterranée à l’Oasis d’In-Çalah, a été exploré par moi. Parti d’Alger j’arrivai, avouant hautement mes qualités de français et de chrétien, le 6 mars. 1874, à 6 heures du matin, dans ce mystérieux Oasis d’In-Çalah plus impéné- trable aux chrétiens que Tombouctou (Henri Duveyrier : Les Touareg du Nord). Avant moi deux seuls Européens avaient vu cette oasis, le major anglais Gordon Laing, et — 3 — l’allemand Gérhard Rohlfs, qui, lui, voyageait comme musulman, mais l’anglais venait de Ghadamès et se ren- dit à Tombouctou, l’allemand du Tafi lalet et rentra on Eu- rope par Ghadmès. Ils n’avaient donc ni l’un ni l’autre reconnu la route de l’Algérie au Tildikelt, qui serait en- core inconnue sans mon expédition ; les seuls voyageurs chrétiens qui, depuis mon retour, ont essayé d’atteindre In-Çalah, trois missionnaires catholiques français les Pè- res Paulmier, Bonchamp et Minoret, ayant eu la tête tran- chée, au mois de janvier 1876, sur un point encore indé- terminé, entre l’oasis d’El-Goléa et l’oasis d’In-Çalah. Avant de commencer le récit de mes dernières ex- plorations en Afrique, qu’il me soit permis de dire ce qui pour moi constitue un voyageur : actuellement ce nom est prodigué à une foule de gens, très respectables d’ailleurs, mais qui ne le méritent nullement. Qu’un monsieur aille dans des contrées éloignées ou peu connues faire de la linguistique, de l’archéologie, de la minéralogie, de la botanique, etc., etc., immédiatement il est classé parmi les voyageurs, et, s’il est célèbre dans sa spécialité, il de- vient un grand voyageur. Or le botaniste, l’archéologue, etc., etc., ne sont pas plus des voyageurs que ne l’est le topographe qui ne songe en route qu’à faire des levés réguliers. Un voyageur est un homme qui va dans des contrées inconnues et qui pourra dire au retour, non telle ville est par tant de degrés, tant de secondes ; dans tel endroit se trouve telle coquille ou telle plante, mais bien simple- ment : J’étais là ; telle chose m’advint. — 4 — Après ce pionnier, qui a reconnu le pays, ouvert la route, viendront les savants à qui il appartient de cons- truire des cartes, de faire des collections, des dictionnai- res, etc., etc. Ce ne sont point là des travaux de voya- geurs, à eux seulement échoit le rôle de recueillir des renseignements généraux sur toutes les choses, et si mal- heureusement un voyageur a une spécialité scientifi que, il se laisse aller à en exagérer l’importance ; et le plus souvent il ne voit que la plante, où il fallait étudier une région, que l’insecte ou la pierre là où toute la nature était à considérer. Pour moi je ne connais parmi les voyageurs moder- nes qu’un seul homme qui ait eu assez de science, pour voir aussi bien les hommes et les choses qu’aurait pu le faire un ignorant ; mais il s’appelait Alexandre de Hum- bolt. — 5 — II OASIS DE LAGHOUAT Parti de Marseille le 6 septembre 1872, j’arrive le 30 du même mois dans l’oasis de Laghouat, ce doit être pour moi un centre où je vais préparer mon exploration de l’Algérie au Tildikelt. Laghouat, située à 440 kilomètres au Sud d’Alger et à 780 mètres d’altitude au-dessus de la Méditerranée, se trouve en plein Sahara. Cette ville est construite sur le versant de deux collines s’élevant au milieu d’une plaine sableuse traversée par l’oued Mezi, elle est défendue par une muraille de pierre et entourée d’une ceinture de ma- gnifi ques jardins. Ces jardins, comme tous ceux des oasis du désert, ont une beauté spéciale, mais elle est grande : ils sont complantés de palmiers, dont les branches vertes tami- sent en l’adoucissant l’éclat de la lumière blanche que verse à torrent un ciel d’une sérénité sans pareille ; elles s’agitent mollement dans l’air, en le rafraîchissant com- me des éventails de plumes diaprées. Chatoyantes au so- leil, les couleurs de leurs palmes vertes aux taches noires s’irisent comme de la pierre ou du métal poli leurs troncs gris, aux écailles régulières, ont un aspect architectural ; ils sont souvent gracieusement entourés de clématites et — 6 — de campanules aux fl eurs roses et bleues. A ces troncs la vigne suspend ses pampres, et, allant de l’un à l’autre, forme d’élégants arceaux. Des arbres aux feuillages di- vers croissent à leur ombre; des rosiers, des jasmins, des tubéreuses embaument l’air de leurs chaudes senteurs: tout est couvert d’une végétation vivace, au milieu de laquelle coule lentement l’eau des seguia. Presque tout est vert, mais la lumière est si belle, si blanche, si pure, les objets se présentent avec des formes si nettes et si arrêtées, les couleurs sont si vraies et les moindres tons s’offrent d’une façon si vigoureuse, que l’on est saisi d’une admiration profonde, et, quand la ré- fl exion vient faire discuter la sensation éprouvée, l’on est étonné de voir qu’elle n’a été produite que par une couleur bien éclairée. Si, quittant les jardins, l’on rentre dans la ville, l’on se trouve bientôt sur une place coquettement plantée de palmiers et de mûriers, où viennent aboutir toutes les rues de Laghouat et d’où l’on a vue sur les jardins de l’oasis. Elle est entourée par dés constructions élégan- tes : au nord l’hôtel du commandant supérieur et le cer- cle militaire ; au Sud le Génie, le bureau arabe et ses dépendances ; à l’Est un bazar de style mauresque, orné d’une horloge; à l’Ouest de grandes maisons bâties à la française et dans lesquelles se trouvent la poste, des ca- fés et autres boutiques indigènes. Sur cette place, lieu de rendez-vous de la popula- tion, on voit près du marabout, accroupi sur un banc, qui égrène son chapelet, dés bédouins assis par terre, comp- tant et recomptant l’argent qu’ils viennent de toucher — 7 — pour le prix d’une vente. Des offi ciers se promènent en fumant, et, au milieu de tout cela, grouillent des polis- sons indigènes (les oulad plaça), uploads/Litterature/ paul-soleillet.pdf

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