305 Eugen Pavel Institut de Linguistique et Histoire Littéraire Sextil Puşcariu

305 Eugen Pavel Institut de Linguistique et Histoire Littéraire Sextil Puşcariu de l’Académie Roumaine, Roumanie eug.pavel@yahoo.com Mots-clés : Alba Iulia, Simion Ştefan, source gréco-latine, Théodore de Bèze, criticisme protestant, le procédé des gloses. The Sources of the 1648 Translation of the New Testament Abstract : The sources used for the translation of the New Testament published at Alba Iulia in 1648 have been conjectured to exist in a Greek, Slavonic or Latin version, but no certain information is available. Based on the similarities between the summary of each chapter of the Romanian translation and the corresponding Latin scholia and on the manner in which marginal glosses register translation variants, the author of the present study considers the possibility that the Transylvanian translators mainly used a Greek-Latin edition, more specifically the new translation of the New Testament made by Théodore de Bèze (1519-1605), which was highly regarded at the time. Based on textual criticism, the present author hypothesizes that a version of Novum Testamentum was used, printed in three columns (in Greek, in Bèze’s new version and in the old Vulgata version). Each chapter had an argumentum, after the fashion of the New Testament printed by Samuel Crispin at Geneva in 1611. In conclusion, the main textual source used by the Romanian translators was Latin, but Vulgata and especially Bèze’s new translation from Greek were also used. Keywords : Alba Iulia, Simion Ştefan, Greek-Latin source, Theodore Beza, Protestant criticism, glosses. Synergies Roumanie n° 7 - 2012 pp. 305-324 Les sources de la traduction du Nouveau Testament de 1648 Résumé : Les sources qui ont été à la base de la traduction du Nouveau Testament paru à Alba Iulia en 1648 ont été conjecturalement identifiées jusqu’à présent dans une version grecque, slavonne ou latine, sans des indications précises. Partant des similitudes constatées entre les résumés de chaque chapitre de l’imprimé roumain et le texte des scolies latines correspondantes, ainsi que du rôle des gloses marginales d’enregistrer des variantes de traduction par rapport à d’autres versions, l’auteur prend en considération la possibilité de l’utilisation, de préférence, par les traducteurs transylvains, d’une édition gréco-latine. Plus exactement, il s’agit des traitements du texte néotestamentaire appartenant à Théodore de Bèze (1519-1605), d’une grande autorité à l’époque. A l’aide de la critique textuelle, on avance la supposition qu’il ait été utilisé une édition du Novum Testamentum, rédigée sur trois colonnes (en grec, dans la nouvelle version de Bèze et dans l’ancienne version de la Vulgate) ayant à chaque chapitre un argumentum, pareillement à celle imprimée par Samuel Crispin, à Genève, en 1611. Par conséquent, la version première à laquelle ont fait appel les traducteurs roumains a été la version latine, étant employés, dans une certaine mesure, le texte de la Vulgate, ainsi que, surtout, la nouvelle traduction du grec de Bèze. 306 Les premiers indices, assez vagues, concernant l’original de la traduction du Nouveau Testament, paru à Alba Iulia (Bălgrad, dans la toponymie médiévale) en 1648, figurent dès la page de titre où il est explicitement indiqué que le texte émane « avec une grande application » d’une source grecque et d’une source slavonne. Les deux préfaces qui ouvrent le livre – la première dédicace, pour le prince de la Transylvanie, et la deuxième, adressée aux lecteurs – étendent le tableau des sources par la mention, à côté de ces origines, d’un original latin. Nous considérons que, en effet, celle-ci est la version principale selon laquelle a été effectuée la traduction proprement dite en roumain, tel que nous allons le démontrer en ce qui suit, les deux autres sources étant seulement des versions de contrôle, dues à certifier cependant la canonicité du texte destiné au clergé orthodoxe. Nous avons fait l’hypothèse, dans un travail antérieur, que la traduction du Nouveau Testament de Bălgrad fait suite à une édition bilingue avec un texte parallèle, conformément au stade atteint à ce moment-là par le criticisme biblique luthérien (Pavel, 2001 : 163-167). Promu par les cercles calvinistes d’Alba Iulia, ce genre d’édition gréco-latine a été mis, à notre avis, à la disposition des traducteurs et des réviseurs du milieu de Simion Ştefan, édition que ceux-ci vont utiliser pour la première traduction intégrale du texte néotestamentaire en langue roumaine. Le fait n’est pas surprenant, puisque, quelques décennies plus tard, Nicolae Milescu, suivi par les réviseurs ultérieurs de sa traduction (qui sera incorporée dans la Bible publiée à Bucarest en 1688), allait recourir, en grande partie, à une édition de la Septante, parue à Francfort en 1597, toujours dans un milieu protestant. D’ailleurs, le mode d’éditer institué par les Bibles polyglottes gagnait du terrain de plus en plus à l’époque. L’assertion de la Préface aux lecteurs, conformément à laquelle « mai vârtos ne-am ţinut de izvodul grecescu » [« nous nous sommes plutôt attaché à la source grecque »] est, comme on va le voir, un peu exagérée, mais elle contient aussi un grain de vérité. La première variante de la traduction, appartenant au hiéromoine Silvestru, inachevée (probablement aux quatre évangiles) et dénoncée dans la même préface pour plusieurs lacunes et inadvertances causées par « neînţelesul limbiei şi cărţii greceşti » [« l’incompréhension de la langue et du livre grecs »], a eu pour modèle, sans doute, une édition grecque, confrontée avec une édition slavonne et, éventuellement, avec l’ancienne « întorsură » [« tournure »] de Coresi. Le milieu culturel monacal duquel provenait le premier traducteur, formé à Govora, en Valachie, ainsi que ses imprimés jusqu’à ce moment-là, confirmaient, bien sûr, son initiation en grec et en slavon. Les références marginales au texte grec n’apparaissent pas dans les évangiles, où la traduction aurait pu se fonder, au début, plus sur cette version à laquelle les éditeurs n’avaient plus de raisons à se rapporter dans les gloses. Avec les Actes des apôtres apparaissent des annotations dans les contextes suivants : capră sălbatică, [glosé] en grec : Dorcas ; cf. tob Gazelle (Ac 9, 36) ; Iupiter, Mercurie, [glosé] en grec : Diapon, Ermiia ; cf. tob Zeus, Hermès (Ac 14, 12) ; Dianei, [glosé] en grec : Artemida, dumnezăoaia Asiei, cf. tob Artémis (Ac 19, 24) ; teatron, [glosé] ce să zice greceaşte teatron, ce e loc de luptă în mijlocul oraşului, unde să strângea oamenii să vază lucruri de minuni [ce qu’on appelle en grec theatron, ce qui est la place des luttes au Synergies Roumanie n° 7 - 2012 pp. 305-324 307 milieu de la ville, où les gens se rassemblaient pour voir des choses étonnantes] tob théâtre (Ac 19, 29) ; Vad Bun, [glosé] era loc de-a lega corabiia ; greceaşte îl chema acel loc Pulcru [c’était un endroit pour attacher le bateau ; en grec cet endroit s’appelait « Pulcru »] ; cf. tob Beaux Ports (Ac 27, 8) ; După aceaea, fiţi toţ depreună, răbdând supărările cu dragostea fârtăţiei, milostivi, smeriţi şi plecaţi, [glosé] greceşte aşea-i cest verş [en grec ce vers est ainsi] ; cf. tob Enfin, soyez tous dans de mêmes dispositions, compatissants, animés d’un amour fraternel, miséricordieux, humbles (1 P 3, 8) ; Că destul ni-e noao că vreamea trecută a vieţiei noastre viiatu-o-am după voia păgânilor, îmblând în desfătări, în pohte reale, în beţii, în ospeaţe, în băuturi, în hlăpii şi în slujba idolilor cea spurcată, [glosé] greceaşte aşea-i cest verş [en grec ce vers est ainsi] ; cf. tob C’est bien assez, en effet, d’avoir accompli dans le passé la volonté des païens, en vivant dans la débauche, les convoitises, l’ivrognerie, les orgies, les beuveries et les idolâtries infâmes (1 P 4, 3) ; Tu credinţă ai, în sine-ţ să o aibi înaintea lui Dumnezău. Fericit de cela ce nu să osândeaşte pre sine întru carea nu să îndoieşti! [glosé] aici neci în greceasca mai mult nu aflăm, ce ceaialaltă rămăşiță caută-o la 16 cap, la sfârşit, afla-o-veri [ici on ne trouve pas plus en grec, tu va trouver ce qui reste à la fin, dans le 16e chapitre]; cf. tob Garde pour toi, devant Dieu, la conviction que la foi te donne. Heureux celui qui ne se condamne pas lui-même en exerçant son discernement (Rm 14, 22) ; Că cine iaste Pavel şi cine e Apolos? Numai slugi pren carii aţ crezut, şi fietecăruia cum Domnul i-au dat, [glosé] Chifa nu-i în greceasca [Chifa n’est pas en grec] ; cf. tob Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez été amenés à la foi ; chacun d’eux a agi selon les dons que le Seigneur lui a accordés (1 Co 3, 5) ; Iară noao unul Dumnezău, Tatăl, dentru Carele-s toate şi noi întru El ; şi unul Domnul Isus Hristos, pentru Carele-s toate şi noi pentru El, [glosé] la greceaşte nu era : şi un Duh Sfânt, pentru Carele-s toate şi noi întru El [en grec il n’y en avait pas] ; cf. tob il n’y a pour nous qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par uploads/Litterature/ pavel 1 .pdf

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