La Philosophie Subtile de Paracelse 81 Note d’introduction ureolus Philippe Thé

La Philosophie Subtile de Paracelse 81 Note d’introduction ureolus Philippe Théophraste Bombast von Hohenheim, dit Paracelse, ce nom quelque peu coruscant est bien à la mesure du personnage uni- que et génial qui fit irruption dans l’Allemagne de la Renaissance, au début du XVIe siècle. Médecin et chirurgien, alchimiste, astrologue, mage, exégète et théologien, Paracelse était né à Einsiedeln, dans le canton de Zurich, en 1493, selon certains en 1494. Son père était médecin; il donna à son fils une éducation soignée et lui enseigna les premiers rudiments de la médecine et de la chirurgie. Ce fut un grand voyageur. Il parcourut toute l’Europe dans le but de s’instruire et fréquenta nombre d’universités. Ses biographes ont eu bien du mal à le suivre dans toutes ses pérégrinations qui le conduisirent jusqu’à l’île de Rhodes en Méditer- ranée orientale. C’est en 1506 qu’il vint pour la première fois à l’université de Bâle, comme étudiant. Il s’instruisit aussi auprès du fameux abbé La Philosophie Subtile de Paracelse 82 Trithème en son abbaye de Spanheim. Il y aurait, d’ailleurs, beaucoup à dire et à rechercher sur ce mystérieux et savant abbé (1462-1519), cabaliste, alchimiste et historien, qui serait peut-être à l’origine de la renaissance de l’alchimie dans l’Allemagne du XVIe siècle. Mais Paracelse ne se contentait pas d’étudier dans les livres et au contact des grands docteurs de son temps. Après avoir quitté l’abbé Trithème, il se rendit au Tyrol où il acquit une grande connaissance des métaux en séjournant aux mines de son ami Sigismond Fugger dont il soignait les ouvriers. Après une longue absence, il revint en Allemagne avec une grande réputation de médecin et de physicien. On lui doit notamment un traitement de la syphilis au moyen du mercure. En 1527, il était à Bâle où il exerça à la fois les fonctions de médecin de la ville et de professeur à l’université. Comme médecin, il y fit un grand nombre de guérisons et devint rapidement célèbre. Mais il était écrit que ce personnage ne devait jamais demeurer longtemps en un même lieu et en paix. Son caractère violent, son originalité, sa façon de bousculer sans ménagement les idées reçues, ne plaisaient pas à tous. Son enseignement médical opposé à la mode du temps, lui attira de nombreux ennemis parmi les autres médecins, jaloux d’autre part du succès de ses cures. Il perdit même un procès intenté à un bour- geois de la ville qu’il avait guéri et qui refusait de le payer. Finale- ment, il dut quitter la ville en toute hâte, comme un fugitif, et reprit sa vie errante. Finalement, le duc Ernest de Bavière, administrateur de l’évêché de Salzbourg, le prit sous sa protection. C’est dans cette ville qu’il se réfugia. Il y mourut, peut-être assassiné, en 1541. Cet errant perpétuel ne laissa presque rien, à peine ce qu’un voyageur peut porter dans ses bagages: quelques livres, dont les oeuvres de saint Jérôme... On peut encore aujourd’hui voir son monument funéraire dans l’église Saint- Sébastien à Salzbourg1. Paracelse était contemporain de Luther. C’est en 1517, en effet, que ce dernier afficha ses fameuses quatre-vingt-quinze thèses sur la vertu des indulgences, à la porte de l’église du château de Wittenberg. Mais notre Théophraste ne paraît pas s’être beaucoup intéressé aux 1. Cf. K. Goldammer, «La vie et la personnalité de Paracelse», dans Paracelse, collection Cahiers de l’Hermétisme, éd. Albin Michel, Paris, 1980. Nous rendons compte de cet ouvrage ci-après, pp. 92 et sv. La Philosophie Subtile de Paracelse 83 polémiques suscitées par le protestantisme naissant. Il renvoyait les adversaires dos à dos: «mauvais troupeaux de sectaires...», écrivait-il des uns et des autres. Il était bien un homme de la Renaissance, de ce merveilleux mou- vement du coeur et de l’esprit qui, depuis le XIVe siècle, animait en Europe les meilleurs tempéraments humains. Hélas! Comment s’est-il fait que cette sève vigoureuse et si prometteuse, se soit si rapidement tarie par le rationalisme qui dessèche à présent encore l’esprit de la race blanche? Peut-être est-ce la raison pour laquelle notre Théophraste a été si peu étudié et commenté dans les siècles suivants. Un renouveau des études paracelsiques se dessine à présent en Allemagne. Mais pour l’étudiant francophone, l’image de ce génie méconnu est celle d’un beau portique derrière lequel on ne trouve plus rien. Il nous faudrait, en effet, rechercher de vieilles éditions latines du XVIIe siècle, naturel- lement introuvables en dehors des grandes bibliothèques, pour appro- cher sa pensée. Paracelse n’en est pas moins un des grands maîtres de l’hermé- tisme chrétien et sa renommée s’étendit au XVIe siècle, à travers toute l’Europe. Ce n’est pourtant pas un auteur facile, bien qu’intarissable. Son tempérament violent s’exprime dans un style très imagé, parfois agressif, frisant même la grossièreté par endroits, ce qui lui suscita beaucoup d’ennemis. Ce style tout à fait original ne doit rien à celui, souvent un peu impersonnel, des hermétistes traditionnels. Paracelse est unique en son genre. Il alla même, pour exprimer certaines réalités, jusqu’à inventer de nouveaux mots dont il est souvent difficile de préci- ser le sens. Sous ces outrances, on retrouve cependant facilement la pensée des anciens maîtres, leur enseignement et leur art. Aucune traduction importante de ses ouvrages n’a jamais été faite en français2. Au début de ce siècle, l’occultiste Grillot de Givry avait conçu le projet de ce grand travail. C’est ainsi que parurent en 1913 et 1914, chez Chacornac, les deux premiers volumes de ses oeuvres médico-chimiques, collationnées sur les éditions allemandes et latines. Mais ce travail ambitieux qui aurait pu être si utile, fut interrompu par la mort de l’auteur du «Musée des sorciers». 2. Pour plus de détails, cf. J.-J. Mathé, «Bibliographie des ouvrages et travaux en langue française depuis 1945 concernant la philosophie hermétique», dans Alchimie, collection Cahiers de l’Hermétisme, éd. Albin Michel, Paris, 1978. La Philosophie Subtile de Paracelse 84 L’édition princeps en traduction latine, faite par son disciple Gérard Doorn a été publiée à Bâle en 1577 sous le titre suivant: Aurora Thesaurusque Philosophorum Theophrasti Paracelsi... Nous croyons être utile aux inquisiteurs de science en publiant ici quelques extraits, inédits en français, de ce grand hermétiste. Ces tex- tes ont été traduits de la grande édition latine de Bitiskius, Opera omnia, éd. De Tournes, Genève, 1658, en 3 tomes. Au deuxième tome de cette édition, se trouve une oeuvre particu- lièrement attachante de Paracelse et facilement accessible: La Philo- sophie Subtile, Philosophia Sagax, en deux livres. Le texte en est imprimé sur deux colonnes par page de cette grande édition, de la page 522 à la page 644. Le deuxième chapitre du deuxième tome dont proviennent les extraits qu’on va lire, porte le titre suivant: Comment faut-il comprendre que l’homme soit composé d’un corps mortel et d’un corps immortel? Nous avons séparé ces textes en trois sous-titres afin que la lec- ture en soit plus aisée: I. Le Corps de la résurrection: les enfants de Marie et le saint baptême. Il s’agit d’un commentaire du troisième cha- pitre de l’Evangile selon saint Jean. Le mystère de l’Immaculée Conception de Marie. II. La Perle de l’Ecriture: les deux enseignements. III. Qui sont-ils, ceux-là? Les Adeptes et les fameux Rose+Croix que Paracelse semble avoir rencontrés. 85 La Philosophie Subtile de Paracelse Liber secundus: Philosophiae Sagacis Magnae Astronomiae, de supernaturalibus virtutibus seu operationibus coelestis Astronomiae, in Aureoli Philippi Theophrasti Paracelsi Bombast ab Hohenheim medici & philosophi celeberrimi chemicorum- que principis operum volumine secundo... Chapitre II (extraits) Comment faut-il comprendre que l’homme soit composé d’un corps mortel et d’un corps immortel? I. Le Corps de la résurrection ... En quoi une perle serait-elle utile à un porc? L’homme qui ne se connaît pas est un cochon. C’est pourquoi le Christ a dit: «Ne jetez pas les perles devant les pourceaux de peur qu’ils ne les foulent aux pieds»3, comme s’il disait: Vous, Apôtres, ne prêchez pas mon Evan- 3. Ev. s. St Matthieu VII, 6. La Philosophie Subtile de Paracelse 86 gile à ces hommes qui vivent comme des porcs, car ils le foulent aux pieds. Il voulait éviter que l’homme ne devînt un pourceau. Personne, en effet, ne naît cochon, c’est aussi ce qu’affirme le Christ: «Les petits enfants sont miens, laissez-les venir à moi»4. Et ailleurs, il affirme encore: «Il vaudrait mieux pour lui qu’on lui suspendît au cou une pierre de meule et qu’on le précipitât au fond de la mer, plutôt que d’offenser un seul de ceux-là»5. Il est donc évident que les hommes peuvent devenir porcs, et en le devenant, ils ne peuvent rien recevoir de lui puisqu’ils ont été l’objet de sa malédiction lorsqu’il a dit: «Je ne veux pas qu’ils se convertissent pour qu’ils soient sauvés»6. Telle est la haine ardente de Dieu envers ceux qui, se dépouillant de l’humain, deviennent cochons ou ce qui leur ressemble: renards, vipères, dragons et basilics. Afin que l’homme se connaisse avec plus d’exactitude, il faut donc expliquer plus longuement ce qu’il est. L’esprit, en effet, que Dieu a uni à la chair, il l’a créé en uploads/Litterature/ philosophie-subtile-paracelse 1 .pdf

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