Les Figures de la Domination, Les luttes contre les dominations : histoire, out

Les Figures de la Domination, Les luttes contre les dominations : histoire, outils et concepts. Pour comprendre les discriminations racistes 1 Saïd Bouamama, Jessy Cormont, Olivier Gaignard et Yvon Fotia Saïd Bouamama, Jessy Cormont, Olivier Gaignard et Yvon Fotia Pour comprendre les discriminations racistes Dialogue imaginaire entre deux habitants « Pourquoi les jeunes de mon quartier vivent dans cet état d'esprit La délinquance avance Et tout ceci a un sens Car la violence coule dans les veines De celui qui a la haine OK je reprends les rênes Pour faire évoluer ton esprit Pri-Prisonnier d'un système Où les règles ne sont pas les mêmes Suivant ta classe - Yeah Suivant ton style - Oui Suivant ta face suivant ta race Le rouage est bien huilé Le système bien ancré » Suprême NTM, Le monde de demain, in, Authentik, EPIC, 19911. Mots-clés : discrimination raciste, discrimination directe, discrimination indirecte, discrimination systémique, racisme, racisme-préjugé, racisme-idéologique, racisme- discrimination, quartiers populaires, jeunes, stigmatisation, habitants, immigration, ghettoïsation, « banlieue », « cités », ethnicisation, culturalisme, citoyenneté, intégration Nous poursuivons notre présentation de documents ou d’outils auxquels l’un ou plusieurs des membres du Collectif Manouchian ont participé. L'outil ci-dessous est un extrait d'un document « trace » d'une action-recherche (2005 à 2009) sur l'enjeu des discriminations racistes2 pour les centres sociaux et l'éducation populaire. Ce travail a été conduit et réalisé par l’IFAR (les quatre auteurs y travaillaient tous à l'époque) dans le cadre d'une commande de la Fédération des Centres Sociaux du Nord, avec le soutien de l’ACSE Nord Pas-de-Calais. Nous reprenons l’une d’entre elle ci-dessous. L'extrait de ce travail ci-dessous a été réalisé plus spécifiquement par Olivier Gaignard et Yvon Fotia, avec le soutien de Jessy Cormont et de Saïd Bouamama. Les illustrations de l’ouvrage ont été réalisées par Julien Lenaerts alias « Okré ». Pour cet outil nous avons choisi une forme d'écriture, que nous espérons accessible au plus grand nombre afin qu'il puisse être utilisé par des acteurs de l'éducation populaire lors d'atelier notamment. Il a été réalisé pour des personnes peu familière de 1 Nous avons utilisés dans ce document « trace » plusieurs extraits non exhaustifs de chansons (rap, « chanson française», reggae, rock alternatif, etc.). En plus de leurs esthétiques et de leurs pertinences propres, il s'agit pour nous de montrer que les discriminations racistes sont parlées depuis longtemps à travers l'art sans qu'elles soient entendues, car cette forme de savoir n'est pas considérée comme suffisamment légitime. 2 Saïd Bouamama (dir.), Jessy Cormont,, Yvon Fotia et Olivier Gaignard, Les Centres Sociaux à l’épreuve de l’égalité. « Mémoire d’une expérience de lutte contre les discriminations racistes », Fédération des Centres Sociaux du Nord Pas-de-Calais, ACSÉ, IFAR, 2007. Les Figures de la Domination, Les luttes contre les dominations : histoire, outils et concepts. Pour comprendre les discriminations racistes 2 Saïd Bouamama, Jessy Cormont, Olivier Gaignard et Yvon Fotia lecture scientifique et de son vocabulaire parfois peu compréhensible, soucieuses néanmoins d'accéder à une connaissance scientifique utile à leur combat personnel et collectif pour l'égalité. Le but est de faciliter une compréhension simple de repères théoriques essentiels pour penser la discrimination raciste et éviter quelques pièges d'analyse, l'identifier les processus pour mieux les combattre. Le dialogue qui suit est imaginaire tout autant que ses protagonistes. Initialement nous l’avions prévu comme un dialogue entre un philosophe et un habitant. Nous avons renoncé à cette présentation parce qu’il posait une structure hiérarchique en termes de savoirs entre un philosophe (ou un sociologue, un journaliste, un intellectuel, etc.) et un citoyen quelconque. Sur le sujet qui nous concerne, cette hiérarchisation n’est pas de mise. De nombreux philosophes (sociologues, intellectuels, etc.) véhiculent aujourd’hui les cécités et limites que nous avons rencontrées dans le diagnostic conduit, et à l’inverse de nombreux citoyens quelconques s’attachent à ce que ces questions soient objet de mobilisations collectives. Nous avons aussi pensé construire celui-ci comme une discussion entre un français issu de l’immigration et un autre concitoyen. Nous y avons renoncé parce que la logique systémique conduit à l’intériorisation par les premiers concernés des postures dominantes de négation ou de sous-estimation de la question. Les deux citoyens qui se rencontrent ici ne se distinguent donc pas à partir d’un critère de diplôme ou de niveau scolaire, ni à partir d’un critère d’origine, ni encore d’un critère « d’objectivité », mais uniquement à partir d’une posture acquise (par un vécu, une expérience, une lecture, etc.,), bref une dynamique de conscientisation amenant à remettre en cause les certitudes dominantes, les évidences les plus admises et les craintes les plus présentes dans notre système social. Nous avons après mures réflexions et hésitations choisi d’appeler Mohamed le citoyen conscientisé sur les questions systémiques pour simplement inverser l’ordre dominant posant la personne issue de l’immigration comme « non distanciée » et les autres comme mobilisant une posture « objective ». Il s’agit bien sûr d’une caricature, de nombreux français issus de l’immigration ont intériorisé les logiques dominantes et à l’inverse de nombreux français qui ne sont pas issus de l’immigration ont conscientisé les inégalités racistes en action… Les deux habitants avaient décidé de se retrouver sur la place publique, située en face de la mairie. Ils s’étaient rencontrés la veille au cours d’une conférence-débat organisée par le centre social du quartier, sur le thème des discriminations racistes. La salle avait été comble et le débat très animé. Ayant sympathisé et trouvé le temps du débat trop court, les deux hommes avaient eu envie de poursuivre ensemble le questionnement qu’ils avaient commencé la veille au soir. Ils se rendirent dans un café Les Figures de la Domination, Les luttes contre les dominations : histoire, outils et concepts. Pour comprendre les discriminations racistes 3 Saïd Bouamama, Jessy Cormont, Olivier Gaignard et Yvon Fotia de Lille. Jean-Pierre prit la parole : - Jean-Pierre : Le débat d’hier soir m’a fait beaucoup réfléchir. La discussion était si animée qu’à la fin j’étais complètement perdu et je ne savais plus de quoi les gens parlaient. J’en suis venu à me demander à nouveau : qu’est-ce qu’une discrimination ? Le racisme et la discrimination, est-ce la même chose ? - Mohamed : Oui, nous devons clarifier ce que ces mots signifient. Les questions que vous posez sont de la plus haute importance. Les choses ne sont pas évidentes du tout en cette matière. Pour moi, le racisme existe sous différentes formes. Le racisme désigne trois choses qu’il faut distinguer soigneusement : le racisme peut être une idéologie, un préjugé ou une pratique sociale. - Jean-Pierre : Je savais que ce sujet était un peu compliqué, mais là, pourriez-vous dire clairement de quoi vous parlez ? Parce que franchement, je ne vois pas très bien. Pour l’instant, vous m’embrouillez plus que vous n’éclairez… - Mohamed : Je vais vous expliquer. Trop souvent nous confondons les idéologies racistes, les préjugés racistes et les discriminations racistes. J’entends par idéologie un système d’idées et de représentations dont le discours est conscient de lui-même et sert de justification à une action politique. Les idéologies, ce sont des théories, des doctrines, des courants de pensées. Le préjugé et les discriminations, c’est autre chose… - Jean-Pierre : Je vous coupe tout net. Je ne comprends pas grand chose à ce que vous racontez… - Mohamed : Ce n’est pas compliqué à comprendre. Prenons un exemple historique que tout le monde connaît : le mouvement nazi prônait une idéologie raciste. Il voulait réaliser une société dans laquelle il n’y aurait eu que des hommes blancs, blonds, aux yeux clairs, et pour cela était prêt à éliminer une bonne partie de l’humanité, comme les juifs et les tziganes, et avec eux les homosexuels et les communistes ou à soumettre en esclavage une autre partie de l’humanité, comme les peuples d’Europe centrale. Le mouvement nazi a besoin d’un discours qui justifie son projet de société et surtout ses crimes. C’est ça une idéologie. - Jean-Pierre : Ah, d’accord ! Vous voulez dire que Jean-Marie Le Pen et les gens du Front National défendent une idéologie raciste quand ils disent que mon gendre Moustapha ne peux pas être tout à fait français parce qu’il est d’origine étrangère. Lui, vous savez l’Algérie, il n’y a mis les pieds que deux fois. C’était quand il partait en vacances avec ses parents. Il ne connaît pas grand monde là-bas. - Mohamed : Le front national s’appuie sur une idéologie raciste. Les dirigeants et les militants de ce parti sont conscients d’avoir des idées racistes. - Jean-Pierre : OK, OK, j’ai compris ce qu’était une idéologie raciste. Mais tout à l’heure vous disiez que l’idéologie raciste et le préjugé raciste, ce n’était pas la même chose. Vous pourriez m’en dire plus ? - Mohamed : Bien sûr. Le racisme existe encore sous la forme du préjugé ou du stéréotype. Un préjugé ou un stéréotype raciste – disons que c’est la même chose pour Les Figures de la Domination, Les luttes contre les dominations : histoire, outils et concepts. Pour comprendre les discriminations racistes 4 Saïd Bouamama, Jessy Cormont, uploads/Litterature/ pour-comprendre-les-discriminations-racistes-dialogue-imaginaire-entre-deux-habitants.pdf

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