STYLISTIQUE ET MÉTHODE QUELS PALIERS DE PERTINENCE TEXTUELLE ? Sous la directio
STYLISTIQUE ET MÉTHODE QUELS PALIERS DE PERTINENCE TEXTUELLE ? Sous la direction de Michèle Monte, Stéphanie Thonnerieux & Philippe Wahl Presses universitaires de Lyon PRÉSENTATION Michèle Monte, Stéphanie Thonnerieux & Philippe Wahl Comment lire les textes ? À cette question, les disciplines du texte répondent par plusieurs modèles théoriques, qui articulent diversement les volets heuristique et herméneutique de l’analyse. La question est aussi au cœur des pratiques d’enseignement, où les enjeux théoriques et métho dologiques de la lecture sont rapportés à une visée pédagogique. Cet ouvrage collectif propose d’interroger les méthodes d’analyse textuelle en plaçant l’accent sur les modalités de constitution et d’investigation des objets stylistiques, selon un projet de lecture. Cela implique une réflexion sur la définition de paliers textuels pertinents pour l’analyse, réflexion qui peut être étendue aux problématiques de corpus. Stylistique et méthode. La coordination des termes ne va pas de soi. Elle engage l’histoire de la discipline, à travers le dialogue entre une stylistique de la langue, inspirée des travaux de Charles Bally, et une stylistique des textes, promue par Leo Spitzer dans une perspective herméneutique. De l’une à l’autre s’opère un changement d’échelle entre la localité de faits de langage et la dimension textuelle. La première privilégie en effet les relations systémiques in absentia, alors que la seconde mise davantage sur les relations contextuelles in praesentia. Le texte, envisagé dans sa matérialité sémiotique, mérite par ailleurs d’être articulé au discours, comme pratique verbale codifiée ouverte à l’interdiscours ou à l’intertextualité. Dans cette articulation se joue le rapport entre la composante pragmatique du texte et ses enjeux esthétiques. Quelle part faire à la méthode, au regard de nos intuitions de lecture ? Quel que soit son modèle, l’analyse textuelle suppose une appropriation de la méthode à son objet. Référons-nous à la leçon de Spitzer sur la « voie inductive » de la philologie : « on a beau avoir une pratique de la méthode : cela ne suffit pas pour établir un programme qu’on peut appliquer à chaque cas [...] ; une technique qui a été heureuse pour une œuvre ne peut pas être appliquée mécaniquement à une autre ». D’où la « mobilité requise du critique » ([1948] 1970, p. 68). L’attention au point de vue de l’analyste met en cause une approche positiviste du fait de langage, en réalité moins donné que construit. La méthode peut en tout cas être rapportée à son étymologie, comme poursuite ou recherche d’une voie. Elle paraît alors en affinité avec la notion de parcours, qui s’est imposée sous divers appareils théoriques dans les disciplines du texte. Presses universitaires de Lyon Présentation 6 La pratique stylistique des textes s’inscrit dans un paysage épistémo logique où interfèrent plusieurs traditions (grammaire, rhétorique, her méneutique) et plusieurs champs disciplinaires : linguistique textuelle, sémantique discursive, pragmatique, sémiotique, poétique... Elle recouvre deux grands modèles académiques : le « commentaire stylistique » de texte, dont le protocole est consacré par les épreuves de concours de l’enseigne ment secondaire ; l’étude monographique de faits de langage interpré tables comme faits de style, voire comme traits de style ou stylèmes. Les études monographiques ont été renouvelées par le développement des outils statistiques et la montée en puissance des linguistiques de corpus. Dans une perspective stylistique, l’analyse quantitative suppose une phase de traitement qualitatif, à travers une réflexion sur la valeur des faits de langage en contexte. Le principe de contextualisation met en jeu les rapports entre réper toire de formes langagières et corpus textuel. La constitution même de l’objet texte, selon les genres et les formes, est un acte herméneutique inaugural. Comment découper une page de roman ? L’analyse poétique se limitera-t-elle à une séquence d’un long texte ? Portera-t-elle inver sement sur une section de poèmes, voire sur l’intégralité d’un recueil ? L’enjeu d’une étude monographique est de construire un répertoire d’oc currences à traiter au regard de la dimension textuelle. Si l’étude s’ouvre à l’intertextualité ou à l’interdiscours, selon quels critères définir un cor pus de textes permettant des analyses contrastives ? Dans tous les cas, la formulation d’un projet de lecture paraît décisive pour orienter l’inves tigation linguistique. Dans l’espace textuel, l’analyse stylistique explore l’articulation entre plan de l’expression et plan du contenu à différents niveaux de complexité. Progressivement, le cadre de la phrase a été dépassé au profit d’approches transphrastiques et énonciatives. La définition de paliers d’analyse et la délimitation d’unités pertinentes varient selon un faisceau de paramètres linguistiques (énonciation, syntaxe, lexique, sémantique) ouvrant à une description modulaire du langage. On distingue deux traditions, fondées sur des cinétismes inverses. Le modèle linguistique favorise une procé dure analytique ascendante, par combinaison d’unités, selon une définition extensive de l’intégration discursive. La perspective herméneutique postule le primat du global (discours, genre, texte) sur le local : non seulement l’interprétation, mais l’identification de formes signifiantes dépendent d’une visée première. La combinaison des deux cinétismes permet de montrer l’interaction entre procédure d’analyse et délimitation d’unités pertinentes. De fait, les grandeurs textuelles relèvent de deux types : – – unités linguistiques (signe, syntagme, proposition) ou formes discursives codifiées (paragraphe, strophe, verset), dont il s’agit d’évaluer la pertinence au regard de l’objet d’étude ; – – zones de localité à construire selon le projet de lecture, impliquant plus évidemment un point de vue herméneutique. Presses universitaires de Lyon 7 Michèle Monte, Stéphanie Thonnerieux & Philippe Wahl Cette distinction met en jeu la diversité des cadres épistémologiques, mais aussi la diachronie, à travers l’évolution des formes de discours. Ainsi la période, héritée de l’art oratoire, a-t-elle été réinvestie de manière dif férenciée par la linguistique de l’oral, la macrosyntaxe ou la sémantique interprétative. La sémiosis textuelle, comme processus d’émergence de sens et de valeur, appelle une description dynamique liant spatialité du texte et tem poralité des parcours de lecture. Elle explore les voies de dépassement de la discontinuité du langage selon divers modes d’organisation : linéaire, tabulaire, réticulaire. L’enjeu est de cerner des configurations formelles où soit perçue la significativité stylistique de faits de langage, dans une dialectique entre identité et variation. L’intérêt peut résider dans certains déphasages entre paliers textuels et paramètres linguistiques : par exemple la non-coïncidence entre le paragraphe ou la strophe et telle isotopie sémantique ou énonciative. L’analyse stylistique suppose une attention aux types d’étendues où s’observent les phénomènes de récurrence, de congruence ou de convergence, mais aussi aux types de médiatisation et de réglage de ces phénomènes. Cette double attention préserve la des cription textuelle de deux écueils : l’atomisme des faits de langage et, inversement, une définition holistique du style neutralisant les différences ou les variations. Cette réflexion collective s’organise suivant plusieurs axes solidaires. Une première partie illustre, dans des corpus divers, la nécessité de contex tualiser les formes langagières entre niveau global et niveau local, en vue de leur interprétation ou de leur caractérisation stylistique. La deuxième partie interroge plus directement les rapports entre méthode stylistique et valeur, y compris sous l’angle institutionnel, en faisant place à l’exploita tion des ressources numériques et des outils statistiques. La problématique est ensuite traitée à travers les spécificités de certains modes d’énonciation et de genres de discours situés historiquement : discours poétique, épis tolaire, politique. La quatrième partie examine plusieurs unités codifiées de la prose, interrogeant leur pouvoir de structuration, mais aussi leurs modalités de liaison ou de transition dans une perspective intégrative. La dernière partie de l’ouvrage explore diverses sémiologies textuelles qui mettent en jeu le rapport entre écrit et oral, en variant les interactions entre spatialité et temporalité des parcours textuels. La première partie du livre interroge les modes d’articulation entre le global et le local dans la production des textes et leur interprétation. François Rastier étend sa réflexion herméneutique à une conception des unités d’analyse en rupture avec les représentations discrètes, substan tielles, du paradigme logico-grammatical. Le postulat du primat du glo bal sur le local implique, selon ses termes, que « loin d’être donnée, toute unité syntagmatique dépend du point de vue qui l’établit ». Interpréter un texte, c’est identifier et évaluer les métamorphoses de formes séman tiques qui contrastent sur des fonds et se manifestent de façon diffuse ou Presses universitaires de Lyon Présentation 8 rhapsodique au sein d’isotopies ou de thèmes. Ces unités sémantiques, sans signifiants isolables, sont constituées par des connexions de signi fiés, dont « certaines sont mises en saillance, valorisées, modalisées ». Dès lors, le signe peut se définir comme passage, fondé sur la relation entre un fragment du contenu « pointant vers ses contextes gauche et droit, proche et lointain » et un extrait de l’expression « rassemblant plusieurs chaînes graphiques ou vocales en cooccurrence ». La description doit restituer la dynamique à l’œuvre dans la production du texte en observant com ment formes et fonds interagissent au fil du texte. L’étude est élargie aux parcours intertextuels au sein des intertextes génétiques et herméneu tiques internes et externes. L’hypothèse est que le sens d’un texte ne se catégorise véritablement que par contraste : entre ses différentes parties ou entre ses versions successives ; avec ses ascendants (textes uploads/Litterature/ pre-sentation-stylistique-amp-me-thode 1 .pdf
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- Publié le Jui 19, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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