Oral/Ecrit : Préliminaires linguistiques Author(s): Georges Mounin Source: Ethn
Oral/Ecrit : Préliminaires linguistiques Author(s): Georges Mounin Source: Ethnologie française, nouvelle serie, T. 20, No. 3, Entre l'oral et l'écrit (Juillet- Septembre 1990), pp. 256-261 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40989205 . Accessed: 10/06/2014 22:38 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Ethnologie française. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.73.107 on Tue, 10 Jun 2014 22:38:06 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Oral/Ecrit Préliminaires linguistiques Georges Mounin Professeur Honoraire, Université de Provence Même si on veut n'étudier que les rapports actuels ._ i» • •* _.i? i j_ i_ i r ; ii_? a. cuire i ceni ci i uiai uc ia langue nantaise, il il csi pas inutile de rappeler quelques évidences qu'on perd faci- lement de vue en cours de discussion. Tout d'abord, il faut garder présent à l'esprit que les hommes parlent sans doute depuis au minimum un ou deux millions d'années - si l'on accepte le point de vue de Leroi-Gourhan (1964a, 1964b, 1965, passim) selon qui Y homo f aber et Y homo loquens se présupposent l'un l'autre. Car il est difficile d'imaginer aujourd'hui que l'apprentissage de la fabrication d'outillages abon- dants, reproduits sur des modèles stéréotypés, se soit réalisé sans une transmission orale, si rudimentaire soit-elle. A mon avis, les critiques de cette thèse ne font guère que tenter de l'affiner, de la nuancer chronolo- giquement. - Mais l'argument selon lequel un pinson des Galapagos, avec son épine, ou un chimpanzé, quand il ôte quelques ramilles d'une branche afin d'explorer l'entrée d'une termitière, sont aussi faber, n'est guère valable - sauf pour suggérer qu'il y a conti- nuité de l'animal à l'homme, mais avec quel fossé ! représentation de noms propres à fonction généalo- gique. Chez les Sumériens, vers le même temps, on trouve d'abord des tablettes avec des dessins d'objets formant des listes, des dénombrements, sans doute l'embryon de procédés de comptabilité, et de numé- ration. La chose à relever, quant à ce moment de l'histoi- re, c'est que ces divers types de dessins très archaïques ne comportent, comme l'avait souligné Meillet, rien de ce qui dans la langue ne peut pas être évoqué par un objet : ni adjectifs par exemple, ni verbes. Il n'y a donc pas encore notation graphique d'énoncés vocaux. Les écritures proprement dites, syllabiques, conso- nantiques, puis alphabétiques, sortiront certes du per- fectionnement de ces très vieilles pratiques graphiques, par une série d'inventions dont l'histoire est mieux connue (Mounin, 1967, pp. 21-106). Mais il n'y aura écriture, c'est-à-dire langue écrite, qu'à partir du moment où un récepteur pourra reproduire à haute voix, oralement, l'énoncé complet que l'émetteur absent avait noté graphiquement. Très tardivement, il y a tout juste cinq ou peut-être six mille ans. Cet énor- me décalage entre langue orale et langue écrite devrait être rappelé, ne serait-ce que pour tenter de détruire une façon de parler, imagée mais plus que hasardeuse, qui voit presque toujours, aujourd'hui, langue orale et langue écrite comme l'avers et le revers d'une même médaille, et qui ont toujours été contemporaines. Même si des conséquences actuelles de ce gigantesque fossé chronologique n'existaient pas, il faut toujours le réévoquer pour combattre une façon de voir invé- térée de présenter les choses, bien qu'elle soit récen- te. En effet, peut-être la première chose à dire à des non-linguistes aujourd'hui sur ce sujet, c'est que les langues ne sont pas des codes, et que la langue écrite n'est pas un recodage ou un transcodage de la langue orale. Après s'être servis durant quelques décennies de cette image commode, qui venait tout droit de Saussure, beaucoup de linguistes se sont aperçus que le terme et le concept qu'elle véhiculait devenaient une métaphore plus fourvoyante qu'utile. Saussure l'avait employée à une époque où le mot «système» n'était pas du tout courant. Ce dernier terme présentait | Langues et codes En regard de ces milliers de siècles de communica- tion orale, il faut inlassablement redire que les traces graphiques - ne disons pas encore les écritures ni même les préécritures - laissées par l'homme, ne datent au plus que de quelques milliers d'années. Bien qu'ont ne sache pas grand-chose sur les origines, le peu qu'on sait mérite toujours d'être remis en mémoire. Les plus anciens tracés chinois, sur des écailles de tortue, doivent avoir eu des fonctions magiques, accompagnées sans doute d'énoncés. Les churingas des aborigènes australiens, selon Leroi-Gourhan (1964a, 1964b, 1965 passim), bien qu'ils ne soient pas des dessins figuratifs, ont sans doute servi eux aussi de supports aide-mémoire à des récits mythiques dont ils n'étaient pas la forme écrite. Chez les Egyptiens, les premiers documents, qui datent d'il y a cinquante siècles sont également des dessins, qui ne notent pas des phrases mais des scènes avec des sym- boles, lesquels marquent peut-être un passage vers la Ethnologie française, XX, 1990, 3, Entre l'oral et l'écrit This content downloaded from 62.122.73.107 on Tue, 10 Jun 2014 22:38:06 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Oral/Ecrit : préliminaires linguistiques 257 d'ailleurs lui aussi des risques, dans la mesure où les langues naturelles ont des aspects qui sont codiques ou systématiques - mais aussi d'autres aspects, non moins importants qui ne le sont pas. Les termes «code» et « système » avaient au départ l'intérêt de souligner les premiers fortement, mais le défaut de masquer totale- ment les seconds. Surtout, ils suggéraient que ces aspects codiques ou systématiques des langues natu- relles étaient beaucoup plus simples qu'ils ne le sont en réalité, que ce soit en phonologie, en morphologie ou en syntaxe. Les exemples voyants, faciles, clairs et parfaite- ment à leur place dans un premier temps pédagogique - celui de la prise de contact avec la description syn- chronique et l'analyse structurale - ont assez long- temps occulté des réalités linguistiques bien plus com- plexes, que les linguistes n'ignoraient certes pas, mais que les sciences humaines en général, et la philosophie en particulier, perdaient facilement de vue. L'histoire des sciences est d'ailleurs pleine de ces métaphores, triomphantes d'abord, éclairantes et neuves, et contre lesquelles après coup il a fallu se battre longtemps pour jeter un regard neuf sur la réalité telle qu'elle est derrière les mots (Mounin, 1970, pp. 77-86). Si les langues naturelles étaient des codes, au sens strict du terme, il y a longtemps que toutes les gram- maires d'une langue naturelle seraient univoques. Il y a longtemps aussi qu'on aurait formalisé et mis sur ordinateur les sous-systèmes hiérarchisés (phonèmes, monèmes, déclinaisons, conjugaisons, dérivation, composition, structures syntaxiques) avec leurs réper- toires fermés de règles. On n'en est pas là, même aujourd'hui, parce que même dans les parties codiques (phonologie, morphologie, voire syntaxe), les sous- systèmes sont d'une complexité presque infinie, presque jamais bi-univoque (un seul signifié par signi- fiant, un seul signifiant par signifié). Quant à ce que, dans chaque langue, véhiculent la sémantique, la rhé- torique et la stylistique, on est devant des réseaux de sous-systèmes toujours ouverts, jamais fixes, proba- blement non formalisables. Langue orale, langue écrite En réalité, pour ce qui concerne les rapports entre langue orale et langue écrite, l'impropriété du terme «code» n'est pas là. Etant donné un énoncé ou une suite d'énoncés, entendus ou enregistrés, on peut tou- jours les noter graphiquement, soit avec l'Alphabet Phonétique International, soit au moyen de l'ortho- graphe normale de la langue, quand celle-ci en a une. Et on le fait couramment. La véritable équivoque dans 1. Churingas australiens. Collection et cliché Musée de l'Homme, Paris. l'usage du mode «code» réside dans le fait qu'on parle des langues naturelles, orales donc pendant plus d'un million d'années, comme de codages de «la pen- sée». Or, nous ne savons pratiquement rien d'orga- nique sur la pensée avant qu'elle soit verbalisée par une langue. Il y a même des savants qui croient qu'il n'y a pas de pensée sans langage. Pourtant l'école de Piaget a mis en évidence qu'il existe, par exemple chez les sourds-muets de naissance, des schemes sen- sori-moteurs mémorisés qui préludent à l'action et qui sont de la pensée. Nous savons aussi par expérience, This content downloaded from 62.122.73.107 on Tue, 10 Jun 2014 22:38:06 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 258 Georges Mounin 2. Hiéroglyphes au bas d'une stèle. Stèles du Nouvel Empire, P. Lacau, Catalogue général du Musée du Caire. Photo C.N.R.S. pour peu que nous y soyons attentifs, et par intros- pection, que nous avons des activités mentales, rêve- ries, projets, prévisions de comportement, qui ne sont pas accompagnés de langage intérieur. On peut obser- ver même, avec un peu d'attention, qu'on uploads/Litterature/ preliminaires-ling-oral 1 .pdf
Documents similaires










-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 17, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 1.2962MB