IBN ARABÎ PRIÈRE SUR LE PROPHÈTE Traduction et notes de MICHEL VÂLSAN Publiés d
IBN ARABÎ PRIÈRE SUR LE PROPHÈTE Traduction et notes de MICHEL VÂLSAN Publiés dans le n° 446 des Études Traditionnelles, 1974 Allahumma, répands la faveur de Tes Prières et étends la protection de Tes Salutations sur la Première Détermination émergeant des Ténèbres seigneuriales1 et sur la Dernière Descente2 projetée vers le genre humain ; Sur l’Émigré de la Mekke d’« Allah était, et rien avec Lui » vers la Médine d’« Il est aujourd’hui tel qu’Il était »3 ; Sur celui qui inscrit dans son être les domaines des cinq excellences divines4 : « Et toute chose Nous l’avons inscrite dans un Prototype manifeste »5, et sur celui qui, de sa générosité et de sa magnificence fait miséricorde à ceux qui réclament les choses à eux prédestinées dans les cinq Excellences : « Et Nous ne t’avons envoyé que comme Miséricorde pour les mondes »6 ; Sur le point de la Basmalah7 qui renferme ce qui sera et ce qui a été, et 1- Les Ténèbres seigneuriales désignent l’indistinction des potentialités dans la Substance universelle. 2- Le Prophète est considéré ici sous la perspective de l’avatâra. 3- Les deux passages entre parenthèses sont des formules métaphysiques souvent citées par Ibn ‘Arabî (cf. Risâlah al- Ahadiyyah). - On remarquera que l’interprétation métaphysique du symbolisme de la fuite du Prophète de la Mekke à Médine est celle du passage de l’Unité à l’Unicité. 4- Ce sont : 1) L’Excellence du Mystère Absolu (Hadrah al-Ghayb al-Mutlaq), c’est-à-dire le Non-manifesté principiel dont le domaine est celui des Essences Immuables (al-A’yân ath- Thâbitah) ; 2) L’Excellence de l’Intelligible (al-Hadrah al-‘Ilmiyyah), c’est-à-dire l’ensemble des potentialités naturelles, qui est en rapport de polarité avec 3) L’Excellence du Témoignage Complet (Hadrah ash-Shahâdah al-Mutlaqah), c’est-à-dire la manifestation grossière, dont le domaine est appelé le Monde du Royaume (‘Âlam al-Mulk). 4) L’Excellence du Mystère Conditionné (Hadrah al-Ghayb al-Mudâfî), qui se subdivise en deux régions : a) l’une, voisine du Mystère Absolu, qui est le domaine des Esprits jabarûtiens et malakûtiens, c’est-à-dire des intelligences et des âmes pures, ou autrement dit le Domaine de la manifestation informelle, et l’autre – b), voisine du Témoignage Complet qui est le Domaine des Modèles (‘Âlam al-Mithâl) appelé aussi le Monde de la Royauté (‘Âlam al-Malakût), autrement dit le domaine de la manifestation subtile ; enfin, 5) L’Excellence Totale (al-Hadrah al-Jâmi’ah) qui englobe les quatre précédentes et dont le domaine est celui de l’Homme Universel qui totalise tous les degrés et toutes les modalités de l’être. 5- Coran, 36, 12. 6- Coran, 21, 107. 7- C’est le point diacritique du bâ’ qui commence le premier verset de la Fâtihah et donc du Livre lui-même, et qui contient en sur le vocable du Décret qui tourne sur les circonférences des mondes8 ; Sur le Secret de l'Ipséité qui s’infuse en toute chose et qui de toute chose est détaché et isolé ; Sur le Gardien qu’Allah a préposé aux trésors de Ses faveurs, sur leur Dépositaire ; sur leur Répartiteur d’après les aptitudes, sur leur Distributeur ; Sur la Parole du Nom Suprême9, et sur la Fâtihah du Trésor Inviolable10 ; Sur la manifestation la plus parfaite qui réunit la Servitude et la Seigneurie, et sur la créature la plus universelle qui renferme les Possibilités et les Nécessités11 ; Sur le Rocher le plus élevé que les manifestations des Déterminations n’ébranlent pas de la station de la Stabilité, et sur la Mer la plus immense que les cadavres des insouciances ne troublent point dans la limpidité de sa Certitude12 ; Sur la Plume de lumière qui porte l'encre des Lettres Sublimes, et sur le Souffle rahmânien qui s’infuse dans la matière des Paroles Parfaites13; Sur l’Effluve Sanctissime de l’Essence par lequel sont déterminées les substances primordiales avec leurs qualifications, et sur l’Effluve Sacré des Attributs par lequel sont produits les êtres avec leurs nécessités14 ; potentialité toutes les autres lettres, à l’exception de la lettre alif qui est à l’origine du bâ’ lui-même. - Le symbolisme du point sous le bâ’ a été employé par certains grands initiés pour exprimer la perfection de leur réalisation spirituelle. La parole connue de sayyidnâ ‘Alî : « Je suis le point sous le bâ’ [anâ an-nuqtah tahta-l- bâ’] » traduit l’état de l’Homme Universel. 8- Ce [vocable n’est rien d’autre que l’expression,] sous un aspect distinctif et dynamique [, du point sous le bâ’]. On remarquera en même temps que ce point est lui-même la projection de la pointe supérieure de l’alif dont le trait vertical représente l’axe suivant lequel se manifeste le Décret divin. L’élément circulaire de la forme du bâ’ représente les « circonférences » des mondes, qui, en tant que non séparées les unes des autres, forment ensemble une spirale sur laquelle tourne le [vocable] du Décret. 9- La Forme muhammadienne (as-Sûrah al-muhammadiyyah) constitue le Nom Suprême d’Allâh. 10- La Fâtihah « celle qui ouvre » le Coran est un des symboles du Prophète. Le nom de Trésor se rapporte au hadith qudsî. « J’étais un Trésor caché ; Je n’étais point connu. Or J’aimai à être connu ; alors Je produisis une Création aux êtres de laquelle Je me rendis connu, en sorte que par Moi ils M’ont connu [Kuntu kanzan makhfiyan lam u’raf fa-ahbabtu an u’raf fa-khalaqtu al-khalq khalqan wa ta’arraftu ilayhim fabî ‘arafûnî] » – ‘Abd al-Ghanî an-Nâbulusî observe que le mot fabî qui se traduit « en sorte que par Moi », a comme valeur numérale 92 comme le nom de Muhammad [fâ+bâ’+yâ’=80+2+10]. Ceci signifie que le Prophète constitue dans son aspect profond la manifestation de la Divinité. 11- Les Possibilités constituent le domaine principiel pur et les deux Nécessités le domaine de la Nature. 12- On remarquera le complémentarisme entre le symbolisme axial du Rocher et celui horizontal de la Mer. 13- La Plume qui est un des noms ésotériques du Prophète, désigne le Verbe en tant que « Science de distinctivité ». Les lettres Sublimes sont les déterminations essentielles des êtres primordiaux contenus synthétiquement dans l’encre de la Plume. - Le souffle rahmânien est l’Esprit de la manifestation universelle en tant qu’il anime les déterminations substantielles des êtres primordiaux symbolisés ici par les Paroles Parfaites. Ce principe est complémentaire à celui de la Plume. 14- L’Effluve Sanctissime de l’Essence se rapporte au passage de la possibilité pure des êtres à leur détermination primordiale, et l’Effluve Sacré des Attributs se rapporte à leur manifestation effective. Sur le Lever du Soleil de l'Essence dans le Ciel des Noms et des Attributs, et sur la Source de la Lumière des générosités dans les parterres de la Parenté et des Adoptions15 ; Sur le Diamètre de l’Un, tracé entre les « Deux Arcs » de l’Unité et de l’Unicité16, et sur le Médiateur des « descentes » du Ciel de la Prééternité vers la Terre de la Perpétuité17 ; Sur le Petit Exemplaire dont se développe le Grand18, et sur la Perle Blanche qui descend vers l’Hyacinthe Rouge19 ; Sur le Joyau indestructible inhérent à toutes les productions transitoires qui dérivent de potentialités et qui ne sont pas soustraites au « mouvement » et à l’« arrêt », et sur la substance du Verbe de la Fahwâniyah sortie de l’occultation du Kun vers l’Attestation du Fayakûn20 ; Sur la Matière des Formes par laquelle Tu ne te manifestes pas par une seule forme en même temps, à deux êtres, ni par la même, deux fois, au même être21 ; 15- Les notions de « parenté » et d’ « adoption » indiquent différents modes de participation à la réalité ésotérique du Prophète ; elles correspondent aussi, dans un certain sens, à ceux de la Famille et de Compagnons du Prophète qui sont aussi deux catégories initiatiques complémentaires. 16- Ceci constitue l’interprétation métaphysique du symbole des Deux Arcs (cf. Coran, 53, 9 et plus loin la note sur la même question). 17- Il s’agit proprement de manifestations « avatariques ». 18- Le Petit Exemplaire désigne le germe initiatique dont se développe la réalité totale de l’être. Macrocosmiquement, il correspond à l’ « Œuf du Monde ». 19- La Perle Blanche est un symbole de l’Intellect Premier ; l’Hyacinthe Rouge désigne l’Âme Universelle en tant qu’elle est affectée par les attaches du monde corporel. On peut remarquer que la « descente » de la Perle sur l’Hyacinthe est un mouvement inverse mais corrélatif en quelque sorte du développement arborescent que comporte le Grand Exemplaire s’élevant du germe caché dans la terre de la manifestation grossière. 20- La Fahwâniyyah au sens propre, employé par Muhy-d-Dîn Ibn ‘Arabî dans les Futûhât, se rapporte à la parole divine adressée de façon directe dans le Monde des Modèles (‘Âlam al-Mithâl). - Le Kun est la parole « Sois » de la Genèse ; Fayakûn, « et (la chose) est » en est la conséquence cosmologique. Pour mieux comprendre l’enchaînement des idées, il est à remarquer dans le texte arabe que le mot Kinn, « occultation », est constitué par les mêmes deux lettres que le mot Kun. Ailleurs, Ibn ‘Arabî uploads/Litterature/ priere-sur-le-prophete-ibn-arabi.pdf