Ce beau français un peu individuel Proust et la langue Sylvie Pierron DOI : 10.
Ce beau français un peu individuel Proust et la langue Sylvie Pierron DOI : 10.4000/books.puv.888 Éditeur : Presses universitaires de Vincennes Année d'édition : 2005 Date de mise en ligne : 26 juin 2018 Collection : L’Imaginaire du texte ISBN électronique : 9782842929336 http://books.openedition.org Édition imprimée ISBN : 9782842921606 Nombre de pages : 256 Référence électronique PIERRON, Sylvie. Ce beau français un peu individuel : Proust et la langue. Nouvelle édition [en ligne]. Saint-Denis : Presses universitaires de Vincennes, 2005 (généré le 23 janvier 2019). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/puv/888>. ISBN : 9782842929336. DOI : 10.4000/ books.puv.888. Ce document a été généré automatiquement le 23 janvier 2019. Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères. © Presses universitaires de Vincennes, 2005 Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540 Les signes sont nombreux, dans À la recherche du temps perdu, d'une réflexion sur les rapports entre langue nationale et création littéraire. Cette réflexion s'amorce en amont du roman, bien sûr. Elle évolue d'une dépense « néo-classique » de la clarté - qui oppose Proust à Mallarmé - au projet « révolutionnaire » d'« attaquer » le français. Mais par quels moyens romanesques ? Ce livre présente les différentes mises en scène de la langue dans le roman (langages variés, commentaires avertis du narrateur, « applications » de théories ou d'idéologies linguistiques). Il en émerge un imaginaire de la langue proprement proustien, comme une alternative aux choix littéraires de cette époque où, entre Sedan et 1914, la poussée du nationalisme entretint la plus manichéenne des « crises du français ». 1 SOMMAIRE La question de la langue française Première partie. Proust dans la mêlée Chapitre I La mêlée symboliste Contre les « néo-classiques », pour les « révolutionnaires » Contre Mallarmé ? « Sur la clarté » « Contre l’obscurité » Un pastiche Brunetière « Le Mystère dans les Lettres » Chapitre II De la « défense » à l’« attaque », une évolution critique Sésame... et les mots « L’idolâtrie du mot » Les « clous précieux » « Grammaire » « La Révolution dans la langue » Deuxième partie. La langue maîtrisée La langue maîtrisée Chapitre I « Parole » du roman Les « copiateurs » Chapitre II « Montrer la langue » : la dimension métalinguistique La conversation : une « exposition de mots » Le narrateur-philologue Chapitre III L’arpenteur de la langue La néologie Le mot familial L’emprunt Les niveaux de langue Le tout-fait La « faute » Plaisir et « vices » de langage 2 Troisième partie. La langue échappée La langue échappée Chapitre I Le génie de la « langue Françoise » Le « génie » « L’avenir et le passé du français » « Ces lèvres où j’avais vu fleurir le français le plus pur » Chapitre II Tirer la langue « Sa langue maternelle » Les « moules démodés » Chapitre III « Ce nom si français » Le sens du Nom Anonymat, incognito « Les syllabes inquiétantes » « Mon nom » Quatrième partie. La langue attaquée La langue attaquée Chapitre I Les arts du temps Reprises Échos : la « réciprocité de feux distants » Polysémie, polyphonie Ambiguë symétrie Mots étoilés Lois de sympathie Bibliographie 3 La question de la langue française « Avec ce beau français populaire et pourtant un peu individuel qui était le sien1 » 1 Le « beau français » de Françoise est donné dans À la recherche du temps perdu pour emblématique de l’ensemble de la langue, originellement fautif « comme la langue française elle-même2 », admirable et figé comme « dans la vitrine d’un musée régional3 », mais « pourtant un peu individuel », par ses créations métaphoriques notamment. Le rapport de la création individuelle – de la manière pour un écrivain de « se faire sa langue 4 » – à une tradition et une histoire, à un imaginaire de la langue fait le fond de la question de la langue française, telle que la pose la Recherche. 2 L’évolution d’une langue – et pas seulement des langues écrites, si l’on en croit l’exemple des Dogons repris par Sylvain Auroux chez Marcel Griaule5 – s’accompagne de la construction d’un idéal de ce que la langue devrait être6. Cet idéal, que j’appellerai imaginaire de la langue par référence à Castoriadis, se manifeste par un certain nombre de discours, de nature subjective, qui vont de l’invention de l’origine (langue première ou langue d’avant la division) aux arguments justifiant une normalisation objective. Il fait partie de ces « institutions imaginaires de la société7 », de ces « fictions qui produisent du réel8 », dont les communautés humaines usent pour s’identifier et s’organiser. L’histoire de la langue elle-même, lexique, grammaire, morpho-syntaxe, est l’histoire de l’interaction constante entre faits de langue et discours sur la langue. Langue et imaginaire de la langue interagissent et “s’auto-créent”9 en permanence. 3 Malgré les difficultés à concevoir l’imaginaire autrement que comme « la détermination d’un sujet singulier10 », celui-ci est collectif. L’étude des commentaires évaluatifs et prescriptifs de la part des locuteurs, comme celle d’Anne-Marie Houdebine portant sur les productions phoniques11 ou celle d’Henri Meschonnic concernant les discours du “génie de la langue française”12, montre en effet que ceux-ci sont « trop nombreux pour qu’une telle attitude [soit] strictement personnelle13 ». Ce que j’entends par imaginaire de la langue excède, même s’il les comprend, la Norme, le purisme et toutes notions de régulations, que l’on peut considérer tout au plus comme des moyens pour atteindre l’idéal. Seul un imaginaire plus vaste justifie les moyens contradictoires préconisés au cours de son histoire : recours à l’emprunt et à la traduction aux fins d’“enrichissement” ou rejet des termes et des formes étrangers par souci de “pureté”, normalisation de 4 l’orthographe par retour-réinvention des origines (étymologisme) ou par simplification phonétique, etc. 4 Mais l’idiologue d’un sujet – son bricolage personnel, sa relation affective avec sa langue14 – ne s’est pas formé seulement de son rapport à une langue nationale. Les conditions d’apprentissage de la langue première, celle dans laquelle on apprend à nommer le monde, et du développement cognitif qui l’accompagne, sont éminemment individuelles. Elles dépendent du rapport unique entre langue première, langue scolaire, éventuels langages sociaux et langues étrangères, conscience (épi)linguistique et (in)sécurité linguistique du milieu familial15... entre lesquels l’intelligence établit des rapports, pratique des comparaisons. L’exercice de la fonction poétique du langage est directement lié à l’activité idiologique, à son intensité et à sa conscience : elle est son expérimentation, ce qui lui permet de se vérifier et d’évoluer. Les textes donnent à lire des idiologues particuliers qui se mesurent, de manière plus ou moins frontale, à l’imaginaire de la langue de leur époque. Lorsqu’ils s’annoncent comme littéraires, ils prétendent atteindre, dans l’échelle idéale des valeurs linguistiques, un des points, sinon le point, d’accomplissement. Sont considérées comme plus avancées dans leur développement les civilisations possédant une écriture et comme supérieures (“langues de culture”) celles possédant une littérature. Cette dernière est donc particulièrement surveillée par la communauté linguistique ou politique qu’elle est censée représenter. Devenir écrivain suppose de s’inscrire dans l’imaginaire d’une langue, tout en remettant sur le métier des questions linguistiques, comme un peintre pose des questions plastiques : la façon de les poser constitue déjà une réponse. Le choix du roman, de la poésie, du théâtre est peut- être aussi important que celui de la peinture, de la sculpture, de la photographie, qui sélectionnent a priori et par tradition certains problèmes, plastiques ou verbaux. 5 Si la constitution de l’idiologue est inconsciente (on ne sait pas ce qu’on sait) chez tout un chacun, la création verbale suppose un rapport conscient à son objet, dans la manipulation du matériau16, non moins que l’ambition de participer à l’histoire d’une langue, voire à son renouvellement. Comme un peintre renouvelle la “vision” (« le peintre original, l’artiste original procèdent à la façon des oculistes17 »), l’activité stylistique met l’accent sur la simplicité, la limpidité, ou au contraire sur la puissance logique, exploite la capacité imageante ou démonstrative. L’idiologue ne se traduit pas involontairement dans l’œuvre : il devient plus conscient à mesure qu’il est exercé ; l’écriture et surtout la récriture négocient délibérément avec l’imaginaire et la doxa linguistiques de leur temps. La notion même de choix stylistiques n’a de sens que si, dans une logique de collaboration du lecteur, on suppose un ensemble de codes linguistiques communs à partir duquel l’énoncé littéraire et ses effets peuvent être évalués. Une tradition idéologique française que représente Vaugelas pose que cette référence commune est “l’usage”, un usage oral de registre soutenu, puis, par extension, la langue véhiculaire. En fait, l’écrit et a fortiori la fonction poétique sont perçus d’emblée comme relevant d’autres codes linguistiques, et même – dans certaines cultures pour des raisons historiques – comme autre langue. Ainsi, le texte littéraire fait-il moins référence à la “langue commune” qu’à une “langue possible” qu’il propose comme acceptable – au sens chomskien –, de la même manière que la fiction proposerait comme vraisemblables des “mondes possibles”. L’imaginaire de la langue n’étant pas uploads/Litterature/ proust-et-la-langue 1 .pdf
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- Publié le Sep 11, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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