DU MÊME AUTEUR Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, Gallima

DU MÊME AUTEUR Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, Gallimard, Paris, 1967, Folio, 1992 Le livre des plaisirs, Encre, Paris, 1979, Labor, Bruxelles, 1999 Adresse aux vivants sur la mort qui les gouverne et l’opportunité de s’en défaire, Seghers, Paris, 1990 Louis Scutenaire, Seghers, Paris, 1991 La résistance au christianisme : les hérésies, des origines au XVIIe siècle, Fayard, Paris, 1993 Les hérésies, PUF, Paris, 1994 Notes sans portée, illustrations de Roland Roure, La Pierre d’Alun, Bruxelles, 1997 Nous qui désirons sans fin, le Cherche-Midi éditeur, Paris, 1996, Folio Gallimard, 1998 Dictionnaire des citations pour servir au divertissement et à l'intelligence du temps, le Cherche -Midi éditeur, Paris, 1998 Lettre de Staline à ses enfants réconciliés, Manya, 1990, Verdier, Paris, 1998 Avertissement aux écoliers et lycéens, Mille et une nuits, Paris, 1998 Pour une internationale du genre humain, le Cherche-Midi éditeur, Paris, 1999 Raoul Vaneigem De l’inhumanité de la religion Essai 2000 Denoël Dieux disparus ! et vous aussi, qui êtes encore présents, jadis Plus véritables, vous avez fait votre temps. Friedrich Hölderlin Pour Ariane, Garance, Tristan, Ariel, Renaud. Pour Anne, Anouche, Béatrice C., Béatrice D., Claire, Clairette, Claude G., Claude P., Danielle, Évelyne, Fatima, Francine, Ingrid, Isabelle, Lisbeth, Lucque, Marie-France, Nadine, Nicole, Roxane, Véra. Pour Donald, François B., François J., Hubert, Jean-Marie, Luc, Marc, Michel, Philippe, Pierre G., Pierre D., Robert C., Robert T., Sergio, Vincent, Werner, Yves. Pour celles et ceux qui m’offrent le plaisir de leur affection. En souvenir d’André Fougerousse. – 6 – Avant-propos On dit que je me répète. Je cesserai de me répéter quand on se corrigera. VOLTAIRE – 7 – La publication de La Résistance au christianisme m’a valu, de la part de quelques amis, le reproche de manifester à l’endroit de la religion un intérêt dont elle n’était pas digne. Si j’ai pris un plaisir un peu malicieux à écrire De l’inhumanité de la religion à leur intention, ce n’est pas, ils le savent bien, pour me justifier à leurs yeux. Je n’ai pas davantage souhaité rendre l’infamie plus infâme, attitude fort à la mode dans une société trop occupée à dénoncer son délabrement pour entreprendre d’y remédier. En ajoutant ma contribution personnelle à la critique des institutions célestes, je m’efforce seulement d’attribuer à une infime étincelle de vie le don de subvertir un monde révolu, qui n’en finit pas d’agoniser en propageant l’idée d’une mort universelle. Bien que, selon l’heureuse expression de Prévert, mes amis soient tout autant que moi « intacts de Dieu », je suis moins assuré qu’il ne traîne en nous – stratifiée par des siècles d’abrutissement et d’obscurantisme – l’une ou l’autre inclination au renoncement, au sacrifice, à la culpabilité, à la mortification secrète, bref à une façon de cultiver l’absence de vie qui, récusée à haute voix et néanmoins secrètement reçue, n’est jamais loin du culte de la charogne, autrement dit de la religion. J’ai pensé qu’il n’était pas inutile de traquer jusque dans les plis de notre conscience ces germes morbides de l’Esprit d’où s’engendre le ciel des dieux et des idées. Le triomphe et l’écroulement des illusions politiques ont démontré, au XXe siècle, l’aptitude du discours émancipateur à dissimuler ces rancœurs et ressentiments du comportement quotidien, dont on s’étonne un jour qu’à l’affût du premier prétexte venu ils se débondent soudain en barbaries rwandaises, yougoslaves ou algériennes. Les foudres que Sade déchaîne sur le jean-foutre Dieu ne l’ont pas empêché de se complaire en évocations de tyrannies qui, au nom des libertés de nature, ne le cédaient en rien aux pires crimes de la religion. Que les églises se soient transformées en porcheries sous le jacobinisme de 1793 et en garages sous le stalinisme ne les a pas lavées – 8 – de leurs miasmes, au contraire. En 1958, brûler le Coran (le livre qui a fait brûler le plus de livres, de la bibliothèque d’Alexandrie à celle de Cordoue, dévastée par les Almohades) n’a pas engagé le peuple irakien sur les voies de la démocratie. Le fanatisme a triomphé dans les idéologies sans Dieu avec les mêmes cruelles rigueurs dont s’honorait le totalitarisme des prêtres. À se combattre par une barbarie de sens contraire, le sectarisme triomphe au sein même de ses défaites. Vilipender les religions revient trop souvent à leur rendre raison. Je ne désavoue pas le puéril plaisir de l’anticléricalisme primaire, mais même Rabelais n’espérait point que le dernier pet du dernier pape suffît à expulser de terre la pestilence des dévots. On ne détruira pas la superstition universelle sans détruire son support, on ne révoquera pas le mandat céleste sans en finir avec l’économie qui l’a produit et perpétué. Le judéo-christianisme, l’islamisme, l’hindouisme, le bouddhisme, les sectes et leurs cohortes de rabbins, curés, imams, pasteurs, gourous, bonzes, lamas sont le dernier avatar de dix mille ans d’exploitation de l’homme par l’homme. Ils ne disparaîtront dans le naufrage de la civilisation marchande qu’à la faveur d’une civilisation humaine fondée sur l’affinement des désirs, non sur les mécanismes psychologiques et sociaux d’un système hostile à la nature. Examiner ce qui subsiste en nous de comportements religieux, jusque dans le mépris le plus avéré de la religion, voilà qui m’a paru digne de quelques lignes. L’effondrement des valeurs traditionnelles a mis en lumière la seule valeur qui, occultée et méprisée de tout temps, s’impose aujourd’hui avec la sereine violence d’une paradoxale nouveauté : la part d’humanité que chacun développe en lui et autour de lui. Qu’ai-je à faire d’un Voltaire qui mène un juste combat contre l’intolérance des prêtres et possède des intérêts dans une compagnie maritime pratiquant la traite des esclaves noirs ? Ne nous arrive-t-il pas de découvrir dans le comportement quotidien de gens séduits par les hochets de la mythologie judéo- chrétienne, musulmane ou bouddhiste plus de générosité, de vitalité, de tendresse, de compréhension, d’ouverture que chez nombre de prétendus révolutionnaires caparaçonnés d’idéologie et d’esprit inquisitorial ? Combien de croyants simplement fidèles à une éducation religieuse, au folklore des rites de passage, à l’idée d’un Manitou psychanalyste prenant en charge leurs détresses n’évoquent-ils pas ces – 9 – fumeurs invétérés qui tantôt implorent la miséricorde du Dieu-cancer, tantôt s’en moquent dès l’instant qu’ils restaurent leur volonté de vivre et s’ébrouent de la peur et du désir inavoué de mourir ? Ceux qui, sans la moindre velléité de prosélytisme, ont la lubie de chérir une croyance, ce n’est pas en les brimant et méprisant que nous les débarrasserons de ce renoncement à soi qu’implique la superstition. Mieux vaut favoriser en eux la propension à la créativité et au bonheur. Est-ce que les plaisirs de l’amour ne libéreront pas du voile les jeunes filles islamisées plus sûrement que les interdits, toujours portés à endurcir la sottise et la barbarie ? Au souci d’écraser l’infâme, je préfère l’incessante aspiration à vivre mieux – c’est-à-dire plus humainement. Il y faut de la constance et de la vigilance. Nous en aurons besoin, si j’en juge par la facilité avec laquelle la religion, si incompatible qu’elle soit avec une jouissance déculpabilisée, gage aujourd’hui de se reconvertir et consommer en cultes du plaisir, partout où l’ascétisme a fini par lasser. On ne s’étonnera pas de retrouver ici, en ce qui concerne la genèse et le développement concomitant de l’économie d’exploitation et de la religion, les thèses banalisées dans Pour une internationale du genre humain. Aucune des idées que je défends ne se trouve réitérée sans que les éclaire et les précise l’agencement de circonstances dont j’avais, ou non, conjecturé l’apparition. En dira-t-on autant d’ouvrages auxquels la mode prête une gloire saisonnière du seul fait qu’ils vulgarisent et rabâchent ces mêmes idées en les dépouillant de leur radicalité, en en diluant quelques gouttes dans l’eau de vaisselle de la communication aliénée ? Avoir des lecteurs m’a appris à souhaiter d’être parfois relu, tant il faut de temps pour que la conscience issue de la vie d’un seul rencontre la conscience vivante de beaucoup et atteigne à son dépassement. Pour les malentendants : je ne démontre rien, je montre seulement de quelle façon les êtres sont inhumainement disposés selon l’ordre des choses, et comment j’aimerais que les choses fussent humainement disposées selon l’ordre des êtres. Je me contente d’exposer mon point de vue. Le partage, le récuse, l’ignore qui veut. Il me suffit du plaisir d’aller mon chemin, sans idéologie ni croyance, sans attente ni espérance, de m’essayer tant bien que mal à la difficile harmonie des passions, d’aiguiser la conscience d’une nature humaine et terrestre qui commence à peine d’apparaître. – 10 – Je ne veux pas être suivi, j’aspire seulement à être précédé. Ô ma paresse, rends-moi par tes faveurs l’hommage que je t’accorde ! – 11 – I De la religion La critique de la religion aboutit à la doctrine que l’homme est l’être suprême pour l’homme, et à l’impératif catégorique de renverser toutes les relations sociales dans lesquelles l’homme est un être dégradé, asservi, abandonné, méprisable. KARL MARX, Critique de la philosophie du droit de Hegel – 12 – La religion est la uploads/Litterature/ raoul-vaneigem-de-l-x27-inhumanite-de-la-religion.pdf

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