Pratiques : linguistique, littérature, didactique Le résumé de texte scolaire.
Pratiques : linguistique, littérature, didactique Le résumé de texte scolaire. Fonctions et principes d’élaboration Michel Charolles Citer ce document / Cite this document : Charolles Michel. Le résumé de texte scolaire. Fonctions et principes d’élaboration. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°72, 1991. Résumés... pp. 7-32; doi : https://doi.org/10.3406/prati.1991.1649 https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1991_num_72_1_1649 Fichier pdf généré le 13/07/2018 Petit retour sur une histoire récente L’introduction du résumé de texte à l’épreuve de français du baccalauréat en 1969 et ensuite à d’autres examens ou concours de l’éducation nationale s’est faite dans un contexte bien particulier qui n’a, pour certains aspects au moins, rien perdu de son actualité, de sorte que l’exercice actuel, malgré quelques retouches, a gardé l’essentiel de son image originelle. Si donc on revient en arrière, on s’aperçoit que le résumé a été promu comme épreuve au baccalauréat au moment où on a pris conscience de l’ampleur des problèmes posés par l’explosion de l’information liée au développement des mass-media. Cette prise de conscience s’est traduite par la naissance des « sciences de l’information » et des « techniques d’expression » qui ont eu très rapidement droit de cité dans les universités et les IUT naissants. Du côté de l’enseignement secondaire général ou technique, l’idée s’est également très vite imposée qu’il fallait former les jeunes générations à maîtriser la quantité sans cesse croissante de données auxquelles elles seraient fatalement confrontées dans leur vie professionnelle et dans leur vie de citoyens. C’est dans ce contexte que l’on est allé chercher un exercice à peu près totalement étranger à la culture des lettrés mais déjà pratiqué dans la formation des cadres administratifs ou commerciaux : le résumé de texte, auquel on a adjoint, pour équilibrer en durée et en difficulté l’épreuve avec la dissertation (rebaptisée pour l’occasion) et le commentaire composé (autre innovation), une discussion renouant avec la tradition des sujets de composition sur les lieux communs, et, plus récemment, une question de vocabulaire. La promotion scolaire du résumé de texte intervient également dans un contexte où l’emprise des « belles lettres » sur l’enseignement, emprise dont la dissertation était la manifestation la plus criante, est fortement malmenée. D’abord par les lettrés eux-mêmes, ou pour le moins par une nouvelle génération PRATIQUES N° 72, Décembre 1991 LE RÉSUMÉ DE TEXTE SCOLAIRE. FONCTIONS ET PRINCIPES D’ÉLABORATION Michel CHAROLLES 7 d’entre eux, qui conteste violemment les formations traditionnelles et dénonce les manuels ou les épreuves de recrutement des enseignants dans lesquels elle ne voit qu’une vaste entreprise d’inculcation « idéologique » destinée à sélec- tionner des élites. La diffusion d’approches plus formelles et plus techniques de la littérature avec le développement de la linguistique, de la sémiotique et de la poétique vont également dans le sens d’une formation supposée plus scienti- fique et militent elles aussi en faveur d’un sérieux toilettage de l’enseignement universitaire et secondaire. La dissertation paraît de surcroît inadaptée aux préoccupations et aux besoins des lycéens, si bien que, là encore, le « résumé » apparaît non pas certes comme la solution, mais comme une possibilité. D’une part les textes soumis portent sur des sujets censés plus en accord avec le vécu et les intérêts des élèves, donc sur des sujets a priori moins dépendants d’une « sensibilité littéraire » dont le caractère sociologiquement sélectif est dénoncé ; et, d’autre part, l’exercice, de par son caractère apparemment technique, est perçu comme exigeant de l’élève une attention scrupuleuse à la forme de l’expression, d’où une exploitation possible, dans sa préparation, des savoirs linguistiques et sémiotiques. Bien sûr la discussion demeure, et avec elle les dangers de « l’idéologie », mais le législateur et les correcteurs insistent plus sur la bonne formation de l’argumentation (dont la maîtrise est unanimement reconnue comme utile pour la formation du citoyen) que sur son contenu. Si l’on considère la situation actuelle, la défiance à l’égard d’un exercice comme la dissertation n’est certainement pas moins grande chez les ensei- gnants d’aujourd’hui que chez ceux de naguère, mais les discours triomphalistes sur la scientificité des nouvelles approches ne semblent plus de mise. Non pas que ces approches aient globalement failli. Elles ont tout simplement révélé, à l’épreuve, combien les discours sur la littérature, ou, plus modestement, sur l’interprétation des énoncés et des textes, pouvaient être fragiles. La compré- hension du phénomène littéraire apparaît en effet maintenant comme un phéno- mène tellement complexe qu’aucune « théorie » aussi ambitieuse soit-elle, n’est à même (et ne sera vraisemblablement jamais à même) d’en rendre compte de façon satisfaisante. Le souci de tirer parti dans l’enseignement des données locales fournies par les sciences du langage, les modèles de l’interprétation ou de la production, etc. n’en demeure pas moins et continue, fort heureusement, à battre en brèche les discours impressionnistes sur les textes et la littérature, mais le projet d’une intégration de ces savoirs dans une vaste théorie semble aujourd’hui largement fantasmatique. Les ambitions pédagogiques sont donc plus modestes, plus réalistes (cf. le récent numéro de Pratiques sur la disserta- tion), moins applicationnistes aussi. Le sentiment qu’il est nécessaire de préparer les élèves à maîtriser l’infor- mation est par contre tout aussi vivace, si ce n’est plus, qu’il y a une vingtaine d’années, et c’est ce souci qui demeure la caution essentielle de l’exercice de résumé de texte. L’épreuve, malgré les difficultés qu’on lui reconnaît maintenant volontiers, paraît en effet moins aléatoire dans son rendement, plus recomman- dable en cas de difficultés en français, mieux adaptée aux scientifiques et aux techniciens. Bref, l’exercice, d’étranger qu’il était (et est toujours !) à la formation des enseignants, est devenu tout aussi classique que la « dissertation » ou le commentaire composé. L’épreuve de résumé de texte est sans doute moins prestigieuse que les deux autres types de sujets demandés au baccalauréat, mais elle jouit d’une image largement positive tenant à son caractère pragmatique. Les maîtres, en initiant 8 les élèves à cette technique, ont en effet le sentiment de leur enseigner un savoir-faire dont ils auront toutes les chances de se servir dans leur vie profes- sionnelle. Cette idée, assez couramment admise semble-t-il, n’est en réalité, comme nous voudrions le montrer, guère défendable quand on compare les exigences de l’exercice scolaire avec les pratiques sociales de résumé. 1. À QUOI SERT LE RÉSUMÉ SCOLAIRE ? Quand on y réfléchit, le résumé de texte scolaire apparaît en effet comme un genre tout à fait spécifique régi par des contraintes de fabrication passablement artificielles qui le rendent très différent des pratiques professionnelles apparen- tées. 1.1. Contraintes de fabrication Le résumé scolaire consiste en effet, comme chacun sait, à partir d’un texte-source imposé portant sur un domaine non déterminé à l’avance de produire un autre texte qui doit être : — plus bref — informationnellement fidèle — et formellement différent du texte-source. La non prédictibilité thématique du texte-source n’est sans doute pas aussi grande qu’il y paraît. Il suffit de parcourir un recueil de sujets pour s’en convain- cre. Les textes fournis portent en effet, dans leur quasi totalité, sur des « sujets d’actualité », des « problèmes de société » plutôt contemporains (écologie, media, communication, loisirs...). Sont exclus les textes purement spéculatifs (constructions philosophiques ou conceptuelles réputées abstraites), les textes scientifiques ou techniques ou renvoyant à une discipline scolaire particulière, et les textes disons « sans opinions », ne portant pas sur une matière supposée à controverses et impropres de ce fait à induire la discussion que prévoit l’épreuve. Les textes reconnus comme expressément littéraires, quel que soit leur contenu, sont également écartés, car supposés uniques, incondensables et inimitables. Au total, il ressort de tout cela une « littérature » très particulière, relevant d’une sorte de journalisme éclairé ou de philosophie du quotidien d’un type subtilement expositif, explicatif et argumentatif extrêmement difficile à cataloguer et dont les finalités originelles aussi bien que le public visé doivent être énigmatiques pour la plupart des élèves sans doute peu coutumiers de ces espèces de « pages de variétés » (1), mi-essais, mi-discours de réception, dont certains auteurs ont apparemment le secret (on pourrait du reste s’amuser à faire un palmarès). Dans l’exercice scolaire le résumé attendu doit être un texte. On interdit donc les emprunts non suivis, les prélèvements non liés, les notations télégraphiques. Le texte-cible doit présenter les mêmes exigences de cohérence et de cohésion que le texte-source et pouvoir être lu pour lui-même, indépendamment du texte-source. Le résumé doit bien évidemment être plus court que le texte (1) L’expression due à G. GRASS est reprise par J.-C. GARDIN (1991), qui l’applique aux humanités. 9 original. Les contraintes de réduction imposées étant quantifiées en nombre de mots, le taux de réussite en la matière est apparemment facilement évaluable. La contrainte de fidélité au contenu est évidemment bien plus difficile à apprécier. Par fidélité au contenu informationnel on entend que le candidat doit se soumettre au sens véhiculé par le texte original en recherchant une sorte d’adéquation sémantique maximale. Cette contrainte de fidélité implique que le résumeur mette entre parenthèses son propre point de vue sur la matière abordée. L’élève se voit donc invité uploads/Litterature/ resume-argumentatif.pdf
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- Publié le Aoû 29, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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