LES SOCIABILITÉS LITTÉRAIRES AUTOUR DE 1830 : LE RÔLE DE LA PRESSE ET DE LA LIT
LES SOCIABILITÉS LITTÉRAIRES AUTOUR DE 1830 : LE RÔLE DE LA PRESSE ET DE LA LITTÉRATURE PANORAMIQUE José-Luis Diaz Presses Universitaires de France | « Revue d'histoire littéraire de la France » 2010/3 Vol. 110 | pages 521 à 546 ISSN 0035-2411 ISBN 9782130580355 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2010-3-page-521.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 179.208.177.8) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 179.208.177.8) RHLF, 2010, n° 3, p. 521-546 LES SOCIABILITÉS LITTÉRAIRES AUTOUR DE 1830 : LE RÔLE DE LA PRESSE ET DE LA LITTÉRATURE PANORAMIQUE JOSÉ-LUIS DIAZ Le propos de cette étude est de tenter de caractériser l’évolution d’en- semble des sociabilités littéraires autour de cette date clé : 1830, en ayant principalement en vue le regard que posent sur elles la presse et la littéra- ture panoramique. La première impression qui se dégage est que la litté- rature et ses sociabilités en sont alors à une époque de révolutions ; et que, non contente de témoigner, la presse y prend un rôle de plus en plus actif. En caricaturant, on pourrait dire que nous assistons alors à ce tour- nant : le passage d’une civilisation du salon à une civilisation du cénacle. Soit d’une époque où les écrivains avaient besoin de la sociabilité aristo- cratique des salons pour se rencontrer, à une époque où les écrivains s’au- tonomisant de plus en plus de la vie mondaine, visent à avoir une socialité propre, avec pour aliment exclusif leur commune écriture poétique. Mais combien d’autres paramètres sont à prendre en compte si l’on veut rendre ce schéma moins simpliste ! D’abord, quant à la forme cénacle, on n’en est qu’au tout début : elle commence tout juste à se construire, profitant de la dynamique que lui infuse un poème de Sainte-Beuve, en 18291. Mais que de contestations et de caricatures aussitôt dans la presse ! Chez les adversaires du « Cénacle » romantique, mais aussi chez ses détracteurs internes. L’imaginaire du cénacle en pâtira longtemps. Par ailleurs, point de disparition automatique des formes de sociabilité traditionnelles. Les salons — dont Mme Ancelot juge en 1857 que ce sont des « foyers éteints2 » — ont encore de beaux jours devant eux en 1830. L’Académie, 1. « Le cénacle », Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, Paris, Delangle, 1829. 2. Les Salons de Paris, foyers éteints, Paris, Tardieu, 1858. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 179.208.177.8) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 179.208.177.8) REVUE D’HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE 522 bien que considérée par les révolutionnaires de Juillet comme aussi « gérontocratique » que les Chambres ne sera ni réformée ni épurée par le nouveau régime3, comme ce fut le cas dans le passé4 ; elle va intégrer peu à peu les romantiques : Lamartine (1830), Nodier (1833), Hugo (1845), Sainte-Beuve (1845), Vigny (1846), Musset (1852), tout en restant une institution archaïque repoussoir : autre fonction bien utile… Survit aussi l’Athénée, critiqué par La Muse française5, célébré par le Mercure6, dont « les soirées littéraires sont fort brillantes » selon La France littéraire de 18327, et où l’on voit encore, en 1834, Jules Janin faire des conférences sur l’histoire du Journal8. Côté libéral toujours, l’« âge d’or des déjeuners dominicaux9 » est passé. Mais on n’en a pas fini avec les sociabilités savantes dans le style de la République des Lettres, puisque ce n’est qu’en novembre 1831 que la Revue encyclopédique change de nature, passant entre les mains des saint-simoniens dissidents, groupés autour de Leroux. En 1846 encore, un collaborateur de la Revue des Deux Mondes fait sys- tématiquement le point sur le développement de ces sociétés savantes, tant parisiennes que provinciales10. Tant est forte l’effervescence sociétale, on est alors à la recherche de nouveaux modes d’être ensemble, réels ou imaginaires. Le principe d’« association » fait partie des idées qui montent, et plus encore du côté 3. Voir « De l’Académie française et de ses destinées », Revue de Paris, 12 septembre 1830. 4. Transformation de l’Académie en Institut par la Convention, puis épuration de l’Académie reconstituée au début de la Restauration. 5. Dans un article de La Muse française, Nodier se moque des « lecteurs de l’Almanach des Muses et habitués de l’Athénée », « Logomachies classiques », La Muse française, 1823-1824, éd. J. Marsan, Paris, Société des textes français modernes, 1907-1909, t. II, p. 198. 6. « Après les bulletins de la grande armée et les événements de la Comédie-Française, ce qui produisait le plus de sensation à Paris, sous l’empire, c’étaient les soirées littéraires de l’Athénée des Arts. Toutes les célébrités aspirantes ou constatées venaient s’y produire ; les journaux ren- daient un compte assidu et détaillé des séances ; Napoléon faisait six mille francs de pension à Mme de Genlis pour qu’elle lui en rédigeât tous les mois une analyse destinée à lui seul ; enfin une lecture publique à l’Athénée était alors le premier pas obligé vers la gloire », « Chronique », Mercure de France au XIXe siècle, 1829, t. XXVI, p. 79. 7. « Les soirées littéraires de l’Athénée des Arts sont toujours fort brillantes. La dernière (celle du 29 octobre), offrait d’autant plus d’intérêt, que les lectures des dames s’y trouvaient en majorité », t. IV, p. 236. 8. « Athénée royal. Cours de littérature. Histoire du journal, par M. Jules Janin », L’Artiste, 21 décembre 1834, t. IV, p. 243-244. 9. « M. Daru, suite », Causeries du lundi, 20 février 1854, t. IX, p. 443. Sainte-Beuve évo- quait déjà en 1828 dans Le Globe ces « convives littérateurs » : « […] au lieu des lectures dans les salons, on eut les Déjeuners dominicaux », « Alexandre Duval », Le Globe, 5 juillet 1828, Premiers Lundis, in Œuvres, éd. M. Leroy, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, p. 290. 10. Charles Louandre, « De l’association littéraire et scientifique en France. I. Les sociétés savantes et littéraires de Paris », Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1846, p. 513-536 ; « De l’association littéraire et scientifique en France. I. Les sociétés savantes et littéraires de la pro- vince », ibid., 1er décembre 1846, p. 792-818. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 179.208.177.8) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 12/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 179.208.177.8) LES SOCIABILITÉS LITTÉRAIRES AUTOUR DE 1830 523 des fouriéristes11 et des saint-simoniens, qui en font un élément central de leurs dogmes. Émergent aussi de nouvelles formes de consciences sociables ouvertes : la génération, l’École, le « monde artiste ». Avec cette génération de 1830, celle de Musset et des Jeunes-France, la notion de génération prend son véritable élan12 : les jeunes se constituent en classe d’âge, avec discours et réflexes communs. Venant des arts plastiques, la notion d’école est relancée, à la faveur de la « fraternité des arts », au sens de groupe que relie un idéal esthétique commun, bien plus large que le Cénacle : se constitue ainsi une école romantique, dite souvent « jeune école », qui fédère d’autant plus les jeunes créateurs que l’école classique est « perruque ». La montée en puissance contemporaine de la notion d’« artiste », aimantée par les traductions des contes d’Hoffmann (1830), mais aussi par l’emploi qu’en font les saint-simoniens à titre d’emblème social de toute une collectivité intellectuelle en gestation (aux côtés des savants et des industriels13), joue elle aussi sa partie. La collectivisation imaginaire ainsi mise en perspective est à spectre large, mais à fort pou- voir d’aimantation. D’autant qu’elle est relayée par de grands écrivains (Balzac, Hugo, Janin), mais aussi — dans la presse, média qui monte — par le lancement de la revue L’Artiste (6 février 1831). Enfin, on peut considérer que ces formes imaginaires de se comporter et d’écrire selon des protocoles codés que j’ai définies sous le nom de scénographies auc- toriales sont elles aussi le signe d’une collectivisation des attitudes litté- raires. Leur succession s’accélère, après 1830, à une époque où, para- doxalement, l’originalité est de commande… Mais c’est surtout la presse qui commence à jouer sa partie en matière de sociabilités intellectuelles. Son rôle est multiple : constitution de groupes rédactionnels d’écrivains peu légitimés mais uploads/Litterature/ rhlf-103-0521.pdf
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- Publié le Sep 26, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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