Robert LINSSEN L'arbre de vie cosmique et ses fleurs Editions « Etre Libre » 19
Robert LINSSEN L'arbre de vie cosmique et ses fleurs Editions « Etre Libre » 1987 Pensées liminaires Chaque être contient en lui-même la totalité du monde intelligible. Par conséquent, le TOUT est partout. Chacun est cette Totalité et la Totalité est chacun. L'homme, tel qu'il est maintenant, a cessé d'être le TOUT. Mais lorsqu'il cesse d'être une personne séparée, il s'élève et pénètre la Totalité du monde. (Plotin, Ennéades). Le véritable individu est celui qui a compris qu'il est en réalité et à tout moment, un développement naturel du TOUT. Il n'y a rien de statique en lui. Selon l'ancien adage, il est l'éternel déploiement de son potentiel, ou comme Krishnamurti aime à le dire, il ne cesse de fleurir, révélant toujours davantage et plus profondément ce qu'il est. (R. Weber et David Bohm, dialogues). L'ARBRE DE VIE COSMIQUE ET SES FLEURS L'individualité véritable au-delà de l'égo Au cours de nos précédents essais, et notamment ceux intitulés « Naissance, déve- loppement et dissolution du mirage de l'égo » ou « Krishnamurti, précurseur du IIIe mil- lénaire », nous avons abondamment commenté le caractère illusoire de l'égo. « Il n'y a pas d'égo », nous répétaient souvent aussi bien Krishnamurti qu'Alexandra David-Neel ou Wei Wu Wei lors de nos nombreux entretiens. Nous avons toujours négligé de préciser ce qu'il advient exactement à l'être humain qui s'est affranchi de l'illusion d'être une entité particulière s'éprouvant avec un sentiment de continuité dans la conscience personnelle. Dans l'esprit de beaucoup de personnes, cet affranchissement suggère des craintes. Certains rationalistes et psychologues considèrent qu'elles sont légitimes. Elles sont cependant inopportunes parce qu'elles trahissent un attachement à quelque chose d'inexistant. En fait, l'état « sans égo » ne doit pas être confondu avec une annihilation complète de l'unicité individuelle. L'individualité véritable et l'égoïsme familier ne sont pas la même chose. Nous verrons que David Bohm et le Dr Renée Weber insistent sur ce point. La nature exacte des rapports existant entre la conscience égoïste et le champ de conscience cosmique évoqués dans les sagesses antiques ou la nouvelle physique est très ambiguë. La plupart des sages et mystiques enseignent le caractère illusoire de l'égo. Krishnamurti déclare qu'il n'y a pas d'entité permanente telle que nous nous éprouvons la plupart. « Il n'y pas de « penseur », répète-t-il souvent (Conférence d'Ojai, 1944). Seule existe une succession de pensées sur laquelle nous superposons arbitrairement la notion d'un égo permanent. Ce qui vient d'être énoncé constitue l'une des bases essentielles du Bouddhisme que nous avons commenté ailleurs » (1). Krishnamurti définit l'art de vivre comme un processus de libération des limites fictives et des conditionnements de l'égo. Cette mutation spirituelle aboutit-elle à une intégration totale et définitive dans l'immensité de la conscience universelle comme la goutte qui se perd dans l'océan ? S'agit-il d'une extinction complète ? Reste-t-il quelque chose et dans ce cas quelle pourrait être la nature de ce « quelque chose » ? Quel serait son rôle ? Krishnamurti a déclaré que « mourir à soi-même est un ravissement ». Nous sommes en droit de nous poser la question : ravissement de « qui » ? Y a-t-il un « qui » ? La nature des relations réciproques entre le Tout et les parties a fait l'objet de nombreux commen- taires contradictoires. L'étude de ce problème risque d'égarer le chercheur dans des spé- culations intellectuelles ou métaphysiques inutiles. Nous tenterons de ne pas tomber dans ce piège. Krishnamurti nous demanderait de découvrir la motivation première d'une telle question. Ne serait-elle pas l'expression d'une peur de l'égo pressentant la nécessité de mourir à lui-même tout en ayant l'assurance de ce qui subsisterait de lui après cette mutation ? Toujours est-il que nous sommes la plupart engloutis dans le réseau complexe des mémoires formant le contenu de notre conscience personnelle. Les sagesses antiques évoquent le rôle prioritaire d'une essence universelle unique et les sciences nouvelles en confirment le bien-fondé. Toutes deux enseignent la nécessité d'un démantèlement de l'égo afin de résoudre de façon définitive les problèmes résultant des crises tant individuelles que collectives. II est normal de se poser la question de savoir quelles sont les relations naturelles existant entre l'individuel et l'universel, entre l'individu humain et la totalité multidimen- sionnelle de l'univers. Quels sont les comportements concrets et l'attitude mentale adéquate dans l'approche de ce problème ? La réussite ou l'échec de notre vie en dépendent. Pour répondre à cette question, il est préalablement nécessaire de dissiper une équivo- que fréquente concernant le sens que nous donnons à des mots tels que « égoïsme », « égo », « individualité ». Krishnamurti insiste souvent sur le fait que nous ne sommes pas réellement des individus. L'étymologie du mot individu suggère une réalité ou un état d'être exempts de toute division, de toute fragmentation. Or, nous sommes psychologiquement fragmentés en une multitude de tendances contradictoires entre lesquelles existent des tensions conflictuelles constantes. Nous sommes divisés. Nous savons intellectuellement ou intuitivement que nous devrions agir dans une certaine direction mais dans la matérialité des faits, nous agissons dans un sens contraire. Ainsi que le déclare Krishnamurti (« Eveil de l'intelligence », pp. 468-469) : « Je suis moi-même fragmenté. En moi-même, je suis conditionné. Et cette fragmentation peut ces- ser si je vois clairement que toute ma conscience est elle-même constituée par cette fragmentation. C'est ma conscience qui est la fragmentation ». Cette fragmentation s'effectue à deux niveaux. Elle est double psychologiquement. D'une part, nous sommes divisés en nous-mêmes. D'autre part, nous nous sommes séparés de façon arbitraire et excessive de la Totalité-Une de l'Univers dont nous sommes une émanation. Nous en sommes inséparables et solidaires à tous les niveaux : physiques, biologiques, psychologiques et spirituels. En chaque être humain s'affrontent les aspects et les interférences de deux situations apparemment inconciliables et contradictoires. D'une part, nous formons des entités bio- logiques dotées d'un corps isolé par la peau. Il possède une certaine autonomie, plus appa- rente que réelle. Ce corps revêt une forme particulière. Il est porteur de potentialités uniques et possède un cerveau, à la fois récepteur et émetteur d'un réseau considérable de pensées, de mémoires construisant une image de nous-mêmes. Celle-ci possède une singularité spécifique. Notre isolement et notre séparation ne concernent toutefois que le niveau « surfaciel » de notre constitution globale. Dans la mesure où nous allons en profondeur, un spectacle non seulement différent mais opposé s'offre à nos yeux. Une première étape de notre exploration s'arrête provisoirement au niveau de nos constituants sub-atomiques, bien au-delà de nos cellules, des molécules géantes qui les constituent, bien au-delà des constituants sub-neutroniques et sub-protoniques au cœur du noyau. A ce niveau profond, se révèlent des processus incroyables dans leurs extensions uni- verselles et leur intensité. Il est indispensable d'en citer sommairement les plus essentiels. Ils viennent d'être révélés par la nouvelle physique quantique. Celle-ci nous enseigne « qu'une particule existe (un électron ou un « quark » par exemple) parce que toutes les autres particules de l'Univers entier existent à la fois » (1 bis). Pour être clair, disons que quelque chose d'une particule se trouve dans toutes les par- ticules de l'Univers jusqu'aux lointaines galaxies situées à des millions d'années-lumière, et, réciproquement, quelque chose de ces innombrables particules se trouve dans la particule en question. Aux niveaux sub-atomiques, la matière de l'Univers est formée par une sorte de trame de milliards d'ondes et de champs qui se superposent, s'entremêlent dans une interfusion constante. Cette « interfusion » universelle était enseignée dans l'Inde antique et symbolisée dans la célèbre parabole du collier d'Indra, citée dans l'Avatamsaka Sûtra. Le « collier d'Indra » est formé de milliards de perles. Chaque perle contient le reflet de toutes les autres et réciproquement, toutes les autres perles contiennent le reflet de la première. Au terme d'une seconde étape, nous aboutirons au seuil de l'unité absolue du champ de conscience cosmique au sujet duquel rien ne peut être dit dans le langage ordinaire ni imaginé par quelle que représentation que ce soit. La priorité absolue de cette réalité unitaire conduit David Bohm à dire que « le particulier » est une abstraction. Nous lisons en effet dans « The ending of Time » (p. 268) un fragment du dialogue entre Krishnamurti et David Bohm au cours duquel ce qui vient d'être évoqué est clai- rement exprimé : D. Bohm. — En fait, c'est le particulier qui est une abstraction. Krishnamurti. — Absolument. Le particulier est le plus grand danger. Le caractère artificiel du particulier est ici clairement évoqué. La notion de « danger » à laquelle Krishnamurti fait allusion est caractéristique. Il va de soi qu'il est nécessaire de voir l'ensemble du contexte dans lequel ce fragment se situe. Le « particulier » n'est évidemment pas en lui-même un danger, mais l'approche erronée de notre pensée lui donne ce rôle par suite d'une identification et d'une fixation excessives. Le danger se situe dans l'inadéquacité de notre pensée résultant de son inertie et d'une tendance à la fixation. * * * Des uploads/Litterature/ robert-linssen-arbre-de-vie-cosmique-1987.pdf
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- Publié le Mar 19, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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