Revue de l'histoire des religions Rose-Croix et Rose-Croix d'Or en Allemagne de
Revue de l'histoire des religions Rose-Croix et Rose-Croix d'Or en Allemagne de 1600 à 1786 Antoine Faivre Résumé Trois ouvrages viennent de paraître qui apportent une contribution intéressante à l'étude des deux grands mouvements « Rose- Croix » en Allemagne, c'est-à-dire, d'une part, des trois textes de 1614, 1615, 1616, et, d'autre part, de la société paramaçonnique dite des Rose-Croix d'Or. Paul Arnold reprend et complète un livre qu'il avait déjà écrit sur cette question ; il tente de mieux situer le « Cénacle de Tübingen » et la pensée de J. V. Andreae dans l'histoire des idées, de la fin du XVe siècle jusqu'à nos jours. Bernard Gorceix procure la première traduction française des trois textes réunis, accompagnée d'instructifs commentaires. Enfin, R. G. Zimmermann, étudiant l'influence de l'hermétisme sur le jeune Gœthe, nous donne à cette occasion le meilleur travail jamais paru sur les Rose-Croix d'Or au XVIIIe siècle. Citer ce document / Cite this document : Faivre Antoine. Rose-Croix et Rose-Croix d'Or en Allemagne de 1600 à 1786. In: Revue de l'histoire des religions, tome 181, n°1, 1972. pp. 57-69; doi : https://doi.org/10.3406/rhr.1972.9808 https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1972_num_181_1_9808 Fichier pdf généré le 11/04/2018 Rose-Croix et Rose-Croix d'Or en Allemagne de 1600 à 1786 Trois ouvrages viennent de paraître qui apportent une contribution intéressante à V étude des deux grands mouvements « Rose- Croix » en Allemagne, c'est-à-dire, d'une part, des trois textes de 1614, 1615, 1616, et, ď autre part, de la société paramaçon- nique dite des Rose-Croix d'Or. Paul Arnold reprend et complète un livre qu'il avait déjà écrit sur cette question ; il lente de mieux situer le « Cénacle de Tubingen » et la pensée de J. V. Andreae dans l'histoire des idées, de la fin du XVe siècle jusqu'à nos jours. Rernard Gorceix procure la première traduction française des trois textes réunis, accompagnée d'instructifs commentaires. Enfin, R. G. Zimmermann, étudiant l'influence de l'hermétisme sur le jeune Gœthe, nous donne à celle occasion le meilleur travail jamais paru sur les Rose-Croix d'Or au XVIIIe siècle. L'hermétisme chrétien offre un champ de recherche d'autant plus vaste et complexe qu'une bonne partie des écrits qui le constituent ressortissent à la littérature apocryphe, au ludibrium, ou à une façon tendancieuse d'écrire l'histoire. Cela ne les empêche pas d'être généralement fort instructifs pour l'historien sérieux comme pour le philosophe soucieux d'herméneutique spirituelle. Parmi les thèmes que notre Occident a répandus, imposés, ressassés, celui de la Rose- Croix est certainement un des plus célèbres et des plus mal connus. Trois ouvrages récemment parus viennent au secours du chercheur. Traducteur de Shakespeare, auteur d'un ouvrage récent sur les lamas tibétains, Paul Arnold est aussi un historien qui a su retrouver les grands courants ésotériques chez Shakespeare et chez Baudelaire ; il Га fait sans jamais se départir d'un esprit critique toujours en éveil, ni d'une méthode scien- 58 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS tifique rigoureuse. On retrouve la * même rigueur dans La Rose-Croix et ses rapports avec la Franc-Maçonnerie1, dont la toute première page contient une phrase que devrait méditer plus d'un chercheur en ce domaine : « L'historien a pour tâche de bien circonscrire un fait et de ne pas confondre un lien d'ambiance avec un lien de filiation»: un exemple dont l'homme s'inspire avec plus ou moins d'originalité ne saurait constituer la continuation d'un mouvement ou d'un organisme déterminé. » Cet ouvrage était très attendu, car sa première* version! (Histoire des >■ Rose-Croix et les origines de la Franc- Maçonnerie, P 'aris, Mercure de France, 1955) se trouve épuisée depuis longtemps. Elle contenait pourtant une importante- bibliographie,, la meilleure en français, sans: doute, sur le sujet. Un tel appendice fait défaut à la nouvelle version, dans laquelle on regrette aussi l'absence d'un index des noms propres. Ce nouvel ouvrage, quant au fond, diffère du précédent sur. deux points. D'abord, Paul Arnold pense qu'il a pu y avoir, après tout, une « Fraternité » organisée, dès 1614, bien que quantitativement très limitée. D'autre part, il avait cru trouver dans la seule mystique médiévale les sources immédiates du message rosicrucien,- tandis que-W. E. Peuckert et Serge Hutin les cherchaient presque exclusivement dans la philosophie du moment, appelée « pansophie » par Peuckert. L'auteur pense à présent , « que la vérité serait : plutôt1 entre ces deux thèses, que le mouvement Rose-Croix est. issu de la* conjonction , des deux courants, demeurant toutefois plus proche du courant mystique » (p. 8). Ainsi, il précise sa pensée, en faisant mieux ressortir le contexte historique dans lequel' s'inscrit ce « Cénacle de Tubingen » et particulièrement la personnalité deJ. V. Andreae (1586-1654). Il montre mieux aussi que ces premiers Rose-Croix étaient, au fond, plus mystiques que vraiment théosophes (p. 111). Une étude détaillée sur la; doctrine, la polémique qui; se déclencha , en : Europe dès 1615, et la paternité des manifestes, nuance les assertions 1) Paris, Maisonneuve et Larose, 1970, 259 p., 36 F. ROSE-CROIX ET ROSE-CROIX D'OR EN ALLEMAGNE 59 do la première version. Finalement, il paraît « évident » à l'auteur « qu'il serait vain de chercher un auteur unique de ces diverses pièces » — Fama, Confessio et Noces Chimiques — , « comme il serait absurde de les dissocier : il faut croire qu'elles sont l'œuvre d'un cercle d'hommes étroitement liés et groupés autour.de J. V. Andreaequi fut l'âme et l'inspirateur du mouvement, l'inventeur du mythe de Christian Rosencreutz à partir d'une fable et d'un écusson », et que ce cénacle comprenait des hommes tels que T. Adami, W. Wense. ("h. Besold, \V. Schickard, Joh. Gerhardť (p. 190 s.). Le chapitre, consacré aux rapports entre la Rose-Croix <jt la Franc-Maçonnerie, surprend par ses faibles dimensions (p. 215 à 259), vu le titre de l'ouvrage; mais ces quelques pages sont bienvenues. L'auteur fait d'abord, à propos de la Constitution d'Anderson, une remarque pertinente que des historiens pressés ou peu scrupuleux devraient lire et relire. Citons-la en son entier : « Ce texte — il s'agit d'un extrait caractéristique des Constitutions d'Anderson, 1723 — dans toute sa générosité consomme une rupture entre les desseins — essentiellement théosophiques et chiliastes — de la première Rose-Croix et même des premières loges. Les buts reconnus de la Grande Loge de Londres sont modérément religieux : et avant . tout sociaux. Rien de surprenant que les esprits plus fascinés^ par les arcanes de la métaphysique n'aient cessé d'opposer à , cette maçonnerie pragmatique et réaliste l'idéal ? philosophique ou utopique qu'ils supposaient à la ■' première Rose-Croix. De là, les incessantes tentatives pour, faire renaître, face à la Franc-Maçonnerie et parfois dans son sein même, quelque Fraternité Rose-Croix sans lien ? profond avec ses origines.. H n'em est guère pourtant qui aient échappé à l'emprunte maçonnique,. soit par la liturgie et le rituel, soit même parla doctrine » (p. 240). Le passage- suivant, consacré à la Rose-Croix d'Or, n'a malheureusement pas pu être enrichi ni étayé par les récents travaux de Hans Grassl ( A uf bruch zur Romantik, Munich, Beck, 1968 ; cf. mon compte rendu m Etudes germaniques, octobre-décembre 1969, 60 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS, p. 555 ss.) et de R. C. Zimmermann (cf. infra). Les dernières pages, consacrées à; des époques plus récentes, constituent une bonne synthèse. Parmi elles, relevons cette intéressante remarque : « Certes, Guenon ne s'est pas emparé, comme tant d'autres moins qualifiés, du nom de Rose-Croix ;; mais entre toutes les doctrines ésotérisantes ou occultistes qui ont eu et ont cours en cette première moitié du siècle ici ou là on Europe et en Amérique, la sienne a été la plus proche non d'une tradition stricte qui n'a jamais existé, semble-t-il, mais de l'enseignement proposé par les rédacteurs des premiers manifestes rose-croix de 1614-1616 » (p. 256).- Quelques observations plus précises s'imposent peut-être. On s'étonne d'abord: que Paub Arnold ne cite pas Hans Schick (Das altère Rosenkreuzerium, Berlin, 1942), le meilleur historien delà Rose-Croix avant lui; II ne le citait pas non plus en 1955, bien qu'il lui doive sans doute plus d'une orientation bibliographique. D'autre part, l'auteur écrit que « dans la vision cosmique de Bôhme [...] la connaissance de la nature ne présente en soi aucun intérêt » (p. 40). La formule paraît excessive; le mouvement omnia ab uno, omnia ad unum passe toujours, même chez J. Bôhme, par les choses et par leur, « signature:»1. Malgré ces vétilles, l'excellent ouvrage de P. Arnold est sans doute le travail le meilleur et le plus complet que l'on possède maintenant sur la première Rose-Croix.. * C'est un livre tout différent que nous présente Bernard^ Gorceix. Ce germaniste, spécialiste de la mystique et de 1) P. 93, il est question d'une « tour d'Olympi », alors qu'il s'agit sans doute d'un génitif; en ce cas, « tour d'Olympe » s'imposerait. P. 107, Paul Arnold écrit que « les quatre éléments sont :[...] purement néo-platoniciens et n'ont nul rapport avec la doctrine de Paracelse ». Certes, Paracelse part de l'idée de; Trinité reflétée dans toute la Création, et c'est seulement uploads/Litterature/ rose-croix-et-rose-croix-d-x27-or-en-allemagne-de-1600-a-1786-article.pdf
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- Publié le Jul 24, 2021
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