Jean-Jacques Rousseau ROUSSEAU JUGE DE JEAN-JACQUES Dialogues 1782 édité par la

Jean-Jacques Rousseau ROUSSEAU JUGE DE JEAN-JACQUES Dialogues 1782 édité par la bibliothèque numérique romande www.ebooks-bnr.com Table des matières AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR DU PREMIER DIALOGUE ............................................................................... 3 DU SUJET ET DE LA FORME DE CET ÉCRIT ..................... 8 PREMIER DIALOGUE ........................................................... 15 DEUXIÈME DIALOGUE ...................................................... 132 TROISIÈME DIALOGUE .................................................... 286 EXTRAITS ............................................................................... 287 LES GENS DE LETTRES ........................................................ 287 LES MÉDECINS ..................................................................... 288 LES ROIS, LES GRANDS, LES RICHES ................................ 290 LES FEMMES ......................................................................... 293 LES ANGLAIS ........................................................................ 294 HISTOIRE DU PRÉCÉDENT ÉCRIT ................................... 351 COPIE Du Billet circulaire dont il est parlé dans l’écrit précédent ................................................................................. 365 Ce livre numérique ............................................................... 368 Barbarus hic ego sum quia non intelligor illis. OVID. TRIST. AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR DU PREMIER DIALOGUE1 Cet ouvrage me fut confié par son Auteur dans le mois d’Avril 1776, avec des conditions que je me suis fait un devoir sacré de remplir. J’ai cru un moment que ce serait ici la place d’examiner l’effet que le traitement que l’Auteur reçut de son siècle devait nécessairement produire sur une âme aussi sensible que la sienne2 : mais après avoir fait quelques progrès dans ce travail, 1 L’Éditeur de ce Dialogue est Monsieur Brooke Boothby, qui le fit imprimer à Londres en 1780, et qui en déposa ensuite l’original dans le British Museum. 2 L’histoire des persécutions excitées contre M. Rousseau par les Ecclésiastiques à Genève, à Môtiers, à Berne, à Paris, est entre les mains de tout le monde ; mais j’ai trouvé bien des personnes, surtout en Angle- terre, où les livres de M. Rousseau sont plus connus que ceux de ses ad- versaires, qui ont ignoré avec quelle cruauté sa réputation a été déchirée. Pour leur information, je veux bien citer ici deux passages, pris au ha- sard, dans la quantité prodigieuse de libelles que les Théologiens, les Mu- siciens, les Partisans du despotisme, les Auteurs, les Dévots, et surtout les Philosophes de l’école moderne n’ont pas cessé de vomir contre lui depuis plus de seize ans. Le premier est pris d’une brochure anonyme, qui a pour titre Sentiments des Citoyens, imprimée à Genève en 1763. « Est-ce un Savant qui dispute contre les Savants ? non : c’est l’Auteur d’un opéra, et de deux comédies sifflées. Est-ce un homme de bien qui, trompé par un faux zèle, fait des reproches indiscrets à des hommes vertueux ? Nous avouons avec douleur, et en rougissant, que c’est un homme qui porte encore les marques funestes de ses débauches, – 3 – et qui, déguisé en Saltimbanque , traîne avec lui de village en village, et de montagne en montagne, la malheureuse dont il fit mourir la mère, et dont il a exposé les enfants à la porte d’un hôpital, en rejetant les soins qu’une personne charitable voulait avoir d’eux, et en abjurant tous les sentiments de la nature, comme il avait dépouillé ceux de l’honneur et de la Religion. » À ce passage M. Rousseau a répondu de la manière suivante. « Je veux faire, avec simplicité, la déclaration que semble exiger de moi cet article. Jamais aucune maladie de celles dont parle ici l’Auteur, ni petite, ni grande, n’a souillé mon corps. Celle dont je suis affligé, n’y a pas le moindre rapport : elle est née avec moi, comme le savent les personnes encore vivantes qui ont pris soin de mon enfance. Cette maladie est con- nue de MM. Malouin, Morand, Thierry, Daran, et du frère Côme. S’il s’y trouve la moindre marque de débauche, je les prie me confondre, et de me faire honte de ma devise. La personne sage et généralement estimée, qui me soigne dans mes maux et me console dans mes afflictions, n’est malheureuse, que parce qu’elle partage le sort d’un homme fort malheu- reux ; sa mère est actuellement pleine de vie et en bonne santé malgré sa vieillesse. Je n’ai jamais exposé, ni fait exposer aucun enfant à la porte d’aucun hôpital, ni ailleurs. Une personne qui aurait eu la charité dont on parle, aurait eu celle d’en garder le secret ; et chacun sent que ce n’est pas de Genève, où je n’ai point vécu, et d’où tant d’animosité se répand contre moi, qu’on doit attendre des informations fidèles sur ma conduite. Je n’ajouterai rien sur ce passage, sinon qu’au meurtre près, j’aimerais mieux avoir fait ce dont son Auteur m’accuse, que d’en avoir écrit un pa- reil. » L’autre se trouve dans une espèce de Vie de Sénèque, imprimée à Paris depuis la mort de M. Rousseau ; dans laquelle l’Auteur anonyme, avec un zèle digne de son école, sous prétexte de défendre la mémoire d’un homme mort depuis 1500 ans, se permet de noircir impitoyable- ment celle d’un contemporain. Cet écrivain parle d’un Suilius, qu’il quali- fie de Délateur par état ; puis il ajoute cette note. « Si par une bizarrerie qui n’est pas sans exemple, il paraissait ja- mais un ouvrage où d’honnêtes gens fussent impitoyablement déchirés par un artificieux scélérat, qui pour donner quelque vraisemblance à ses injustes et cruelles imputations, se peindrait lui-même de couleurs – 4 – une considération que je n’avais pas prévue, m’obligea à l’abandonner : forcé de citer des faits et d’entrer dans des dé- tails, je voyais que je ne pouvais éviter d’y mettre un air d’apologie ; et le rôle d’apologiste est trop au-dessous des sen- timents de vénération que M. Rousseau m’a inspirés, pour que j’aie voulu paraître m’en charger un seul instant. Au reste, l’ouvrage est assez fortement frappé pour pouvoir se passer de commentaire. Les gens sensibles et vertueux, les habitants du monde idéal, reconnaîtront à l’instant leur compatriote, qui parle si bien la langue du pays ; ils pleureront sur les angoisses d’une grande et belle âme, réduite à l’état affreux d’où elle de- vait voir toute la terre se liguer contre son repos et son hon- neur ; et ils commenceront la vengeance qui attend ses lâches persécuteurs dans le mépris et l’exécration de toute la postérité. odieuses, anticipez sur le moment, et demandez-vous à vous-même : si un impudent, un Cardan, qui s’avouerait coupable de mille méchancetés, serait un garant bien digne de foi ; ce que la calomnie aurait dû lui coû- ter, et ce qu’un forfait de plus ou de moins ajouterait à la turpitude se- crète d’une vie cachée pendant plus de cinquante ans sous le masque le plus épais de l’hypocrisie. Jetez loin de vous son infâme libelle, et crai- gnez que, séduit par une éloquence perfide, et entraîné par les exclama- tions aussi puériles qu’insensées de ses enthousiastes, vous ne finissiez par devenir ses complices. Détestez l’ingrat qui dit du mal de ses bienfai- teurs ; détestez l’homme atroce qui ne balance pas à noircir ses anciens amis ; détestez le lâche qui laisse sur sa tombe la révélation des secrets qui lui ont été confiés, ou qu’il a surpris de son vivant. Pour moi, je jure que mes yeux ne seraient jamais souillés de la lecture de son ouvrage ; je proteste que je préférerais ses invectives à son éloge. » Essai sur la vie de Sénèque, p. 128. Qui peut lire ces deux passages, écrits à la distance de seize ans l’un de l’autre, dont tout l’intervalle a été rempli de pareilles horreurs, sans féliciter leur objet infortuné, d’avoir enfin trouvé le seul asile où il sera également à l’abri de la rage, du fanatisme et des traits empoisonnés de l’envie ! – 5 – Je dois avertir tous ceux à qui le nom célèbre de l’Auteur pourrait faire chercher de l’amusement dans ces feuilles, qu’ils n’y trouveront rien, ni pour flatter leur goût, ni pour satisfaire à leur curiosité. Le froid Philosophe daignera peut-être y voir un morceau intéressant pour servir à l’histoire de l’esprit humain. S’il est une plume capable de peindre les mœurs les plus simples et les plus sublimes, une bienveillance qui partageait toutes les misères du genre humain, un courage toujours prêt à se sacrifier pour la cause de la vérité, et surtout ces aspirations continuelles après la plus haute vertu, trop élevée peut-être pour que notre faiblesse puisse y atteindre, mais qui tiennent celui qui les ressent dans une assiette bien au-dessus de celle des âmes ordinaires, – que cette plume écrive la Vie de JEAN- JACQUES ROUSSEAU3. 3 Socrate vivait dans un siècle où ses préceptes et son exemple lui attirèrent une foule de disciples, et c’est à quelques-uns d’entre eux que nous devons tout ce que nous savons de cet homme admirable. Rousseau a été seul dans le sien ; mais ses livres nous restent, et ceux qui savent les lire n’ont pas besoin d’autre histoire, ni de sa vie, ni de ses mœurs. – 6 – Qui que vous soyez que le Ciel a fait l’arbitre de cet Écrit, quelque usage que vous ayez résolu d’en faire, et quelque opi- nion que vous ayez de l’Auteur, cet Auteur infortuné vous con- jure par vos entrailles humaines, et par les angoisses qu’il a souffertes en l’écrivant, uploads/Litterature/ rousseau-juge-de-jean-jacques.pdf

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