Basile STUDER A propos des traductions d’Origène par Jérôme et Rufin* L,intenti
Basile STUDER A propos des traductions d’Origène par Jérôme et Rufin* L,intention de cette étude n'est pas de faire le point d'une ques- tion qui trouve toujours des réponses assez diverses. Il ne s'agit même pas d'exposer ici l'état actuel du problème que posent les traductions d'Origène par Jérôme et Rufin * 1. Le but que je me suis proposé est beaucoup plus modeste. Je voudrais seulement attirer l'attention sur un fait curieux, à savoir, la divergence qui, dans le texte grec des édi- tions modernes et les versions latines anciennes, existe au sujet des titres christologiques 2. Plus précisément, je n'envisage ici que le titre de Seigneur-Sauveur, très fréquent dans les traductions de Jérôme et de Rufin, mais extrêmement rare dans les écrits origéniens tels qu'ils * Communication faite au Se Congrès Patristique de 1967 à Oxford. 1 En ce qui concerne l’état de la question des versions latines chrétiennes en général, voir F. Win k e l ma n n, Spätantike lateinische Uebersetzungen christlicher griechischer Literatur: Theologische Literaturzeitung 92, 1967, 229-240. Dans cet article, on trouve indiquées toutes les études importantes des trente dernières années. A noter surtout les travaux de G. Ba r d y et B. Al t a n e r . Les articles de ce dernier sont aujourd’hui facilement accessibles dans B. Al t a n e r , Kleine patriotische Schriften, hrg. von G. Gl o c k ma n n, Texte und Untersuchungen, 83, Berlin, 1967; Quant aux versions latines de Jérôme et de Rufin, en particulier, voir aussi F. Ca v a l l e r a , Saint Jérôme, sa vie et son oeuvre, Paris-Louvain, 1922; M. Wa g n e r , Rufinus the Translator, Washington, 1945, ainsi que A. Ja u be r t , Origine, Homélies sur Josué = Sources Chrétiennes, 71 (Paris, i960), 68-82: Valeur de la traduction latine de Rufin dans les Homélies de Josué. * Un fait analogue, d’ailleurs, a été déjà signalé pour la version latine ancienne du commentaire sur l’évangile de Matthieu. Voir L. Fr üc h t e l , Zur altlateinischen U eher Setzung von Origenes* Matthäus-Kommentar: Origenes- Werke, 12 = GCS 41, 2, 24: « Es Hessen sich Dutzende solcher vielfach überraschender Sonderbarkeiten der Wor- wähl anführen; ich schliesse mit den Namen des Heilands: da steht Iesus für Χριστός und Christus für ,Ιησούς. Es findet sich für σωτήρ Christus, Iesus, dominus, filius, verbum, für λόγος Christus, für ,Ιησούς verbum, ja der Lateiner ersetzt Gott den Vater durch den Sohn... oder er fasst beide zusammen... ». On a omis dans la citation les ré- férences aux textes. B. STUDER 138 nous ont été transmis 3. C'est un détail qui à première vue paraît peu significatif, mais qui, nous l'espérons, nous permettra de mieux saisir la manière dont les deux illustres traducteurs des années 400 ont rendu en latin de nombreux écrits de leur grand maître alexandrin 4. I. Quelques faits. Traitant des trois homélies catéchétiques, rapportées par le sacra- mentaire Gélasien, Dom de Puniet prétend que les Pères du IVe et du Ve siècles auraient rarement utilisé la formule Dominus et Salva- tor noster, tandis que la formule serait devenue fréquente au temps de Césaire d'Arles 5. R. Étaix, à son tour, se réfère à cette opinion pour confirmer l’authenticité de certaines homélies attribuées à Chromace d'Aquilée 6. Il est vrai que l'expression Dominus et Salvator noster est très caractéristique de cet auteur 7. Mais en ce qui concerne ses con- temporains, elle est loin d'être aussi rare qu'on l'a pensé. De fait, nous rencontrons vers 400 la formule en question chez des écrivains de toutes les Églises latines, quoique peut-être sous des formes légèrement variées. Ainsi la lisons-nous chez des auteurs ita- liens, tels que Filastre de Brescia, Ambroise de Milan, le Ps. Hege- monius, c'est-à-dire, l'auteur de la version latine des Acta Archelai, Rufin d'Aquilée, Gaudence de Brescia aussi bien que Maxime de Tu- rin 8. Nous la retrouvons chez des africains, comme Augustin, Tico- 3 Le sujet qu’on traite ici fera l’objet d’une étude plus étendue dans un ouvrage sur le vocabulaire christologique de Léon le Grand. 4 Outre la littérature indiquée dans la note 1, voir aussi A. Sie g mu n d, Die Ueberlieferung der griechischen christlichen Literatur in der lateinischen Kirche bis zum 12. Jahrhundert (München, 1949), 110123־ . 5 P. de Pu n ie t , Les trois homélies catéchétiques du sacramentaire gélasien: RHE 6, 1905, 311: «La formule ,Dominus et Salvator noster’ par laquelle débute notre Expositio se rencontre assez rarement chez les Pères du IV et V siècles pour qu’elle mérite d’être relevée.». Voir 311, note 2: « Plus tard cette expression devient familière à Césaire d’Arles, au Pape Vigile et à S. Isidore de Séville ». 6 R. Ét a ix , Fragments nouveaux du commentaire sur Matthieu de Chromace d'Aquilée, (Lyon, i960), 256. 7 Voir Ch r o ma c e d ’Aq u il é e , Opera omnia: CChL 9, 596: index verborum: Dominus ac Salvator noster. 8 Pil a s t r e d e Br e s c ia , Divers, hereseon liber: CChL 9, 520: Index verborum, dominus; Ambr o is e , De fide II, 1, 10: CSEL 78, 63; De spiritu Sancto I, prol. 8, 82: CSEL 79, 19; Explan. Ps. 45, 11: CSEL 64, 337, 5; ib., 16: CSEL 64, 341, 12s; Expos, evang. s. Luc. IV, 57, 705: CChL 14, 126 = CSEL 32, 167, 21s; ib. II, i, 6s: CChL 14, 30 = CSEL 32, 40, 18s; etc. Au sujet de s. Ambroise, deux remarques s’imposent. Quant à la transmission du texte d’abord, on y constate des hésitations entre salvator et salutaris. Ensuite, il faut bien concéder que l’évêque de Milan recourt relativement peu à la formule Dominus Salvator, resp. Dominus sa- lutaris; Ps.-He g e mo n iu s , Acta Archelai 5, 4: GCS 16, 7, 3s (texte grec 'σωτήρ 139 TRADUCTIONS D,ORIGENE nius le Donatiste et Maximin, évêque des Goths et adversaire de l'évê- que d'Hippone 9 10 11 . Il ne manque pas non plus d'auteurs gaulois qui ap- pelaient plus ou moins fréquemment le Christ « Seigneur et Sauveur ». Nous relevons ainsi Sulpice Sévère, Eucher de Lyon, Jean Cassien et Vincent de Lérins 1°. Quant aux écrivains espagnols, il y a Gré- goire d'Elvire et Paul Orose, quoique ce dernier n'ait utilisé que très rarement ce titre christologique n. Nommons enfin Jérôme le Prêtre et Nicétas, évêque de Rémésiana en Dacie, écrivains illyriens 12. κύριος’) et 7, 18s (texte latin ,salvator dominus')’ , 61, 6: GCS 16, 89, 30s; 31, 9: GCS 16, 44, 27; 15, 8: GCS 16, 24, 27s. Il est intéressant de relever que la traduc- tion latine qui, d’après l’éditeur, C. H. Be e s o n (voir GCS 16, XVIIIs), daterait de la fin du IVe siècle propose la formule en plusieurs variantes, et que, dans l’uni- que passage transmis en grec, σωτήρ précède κύριος. Cela nous suggère qu’au temps de la rédaction de l’original grec (330-348), la formule κύριος σωτήρ n’était pas en- core courante; Ru f in , De bened. pair. II, 19, 2s: CChL 20, 216. Voir également, De adult, liborum Origenis, 9, 10: CChL 20, 13. Quant aux autres traductions on y re- viendra ci-dessous; Ga u d e nc e d e Br e s c ia , Tract. IV, 18, 101-103: CSEL 68, 43; IX, 22, 189s: CSEL 68, 81; etc.; Ma x ime d e Tu r in , Serm. 28, 48: CChL 23, 109; serm. 41, 52: CChL 23, 165; serm. 63, 45: CChL 23, 267; serm. 99, 31: CChL 23, 394. 9 Au g u s t in , Conf. 9, 4, 7: Bibl. Aug. 14, 82; 7, 5, ך :Bibl. Aug. 13, 594; Contra Faustum, 23, 5: ML 42, 468; De Trinitate IV, 3, 5; ML 42, 889, aussi bien qu’en bien des sermons ou des commentaires scriptuaires. Parmi ceux-ci, on notera surtout, Tract, in evang. Ioannis 17, 1-16: CChL 36, 169-179, où Augustin cite par deux fois Tite 2, 13 et recourt cinq fois à la formule Dominus et Salvator noster Iesus Christus. Il est, d’ailleurs, à retenir que ce traité commence par cette formule, qu’il contient des allusions au symbole baptismal, qu’il insiste sur la grandeur de l’incarnation, qu’il développe le motif du sauveur-médecin et qu’il défend contre les ariens l’action créatrice du Christ: des traits qui nous font donc tous saisir la portée qu’a la formule dans la pensée d’Augustin; Tic o niu s , In Apoc. 10, 7; MLS 1, 642: « ...septima tuba persecutionis est finis, est aduentus Domini Saluatoris »; Ma x imin u s , C. Ambro- sium, 17: MLS I, 703; serm. 2: In sancta Epiphania, 164 s: MLS 1, 734 ss; serm. 7, 174: MLS I, 745. 10 Su l pic e Sé v è r e , Dial. I, 4: CSEL 1, 185, us.; Eu c h e uploads/Litterature/ studer-a-propos-des-traductions-vetcr-pdf.pdf
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- Publié le Mar 22, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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