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1 0. INTRODUCTION L’œuvre littéraire, en tant qu’émanation de l’esprit de son « divin créateur » qu’est l’écrivain, est indissociable de la société dont elle tire son origine. Par rapport à la création littéraire, la société se situe à la fois à son origine et à son point d’arrivée. En effet, l’œuvre littéraire ne naît pas ex in nihilo. Elle tire son origine des faits sociaux ayant retenu l’attention de l’artiste-écrivain. Les faits sociaux servent à l’auteur de pré-texte ou d’alibi pour le montage d’un récit. Ce sont des faits sociaux présentant un intérêt particulier pour l’auteur que ce dernier transforme en faits littéraires par le travail de tissage (l’écriture). Ainsi, les faits littéraires contenus dans le récit ne deviennent significatifs qu’en les plaçant dans leur contexte social, dans la société réelle d’où ils tirent leur origine. Concernant le lien entre la forme et le contenu des œuvres littéraires, il y a lieu de soutenir que leur style (le langage) et leur contenu (l’histoire racontée) sont généralement indissociables. Dans les œuvres littéraires, la forme et le fond sont souvent en relation symbiotique. La symbiose entre le contenu et le langage accroît la fonction de celui-ci. Ainsi, le langage n’est plus seulement une voie de transmission du message aux destinataires, il est lui-même aussi un message. Il est un langage idéologique car il est significatif à certains égards. Le libellé d’un message peut servir de miroir pour percevoir la prise de position d’un auteur vis-à-vis des faits sociaux dont il rend l’économie dans son œuvre. C’est la prise de position de la part de l’écrivain-artiste qui fait de lui un auteur engagé ou non-engagé. 2 Partant de ce qui précède, selon le contexte, une œuvre littéraire peut avoir une double fonction. A part la fonction récréative inhérente à sa forme esthétique prééminente, une œuvre littéraire peut avoir une fonction utilitaire. L’œuvre littéraire peut servir de moyen pour dénoncer les méfaits sociaux qui rongent la communauté et/ou pour mobiliser des consciences humaines afin de promouvoir une mutation. Ainsi, en littérature en général et en littérature africaine en particulier l’agréable et l’utile ne s’excluent pas. Ils se concilient souvent, à tel point que l’art pour l’art n’est pas concevable dans ce contexte. L’art a toujours une fin dans le contexte africain. Par ailleurs, même dans le cas de l’art pour l’art, le fait de n’avoir pas une visée pratique clairement formulée est aussi, à certains égards, une fonction spécifique qu’il remplit. Ainsi, dans le contexte africain l’artiste-écrivain ne joue-t-il pas le rôle de voyant, de visionnaire et de porte-parole de sa société ? N’est-il pas l’œil, l’oreille et la bouche de sa communauté dont il tend à devenir la voix des « sans voix» ? 0.1. Présentation d’Ahmadou Kourouma Aussi grand par la taille que par le talent, Ahmadou Kourouma (1927-2003) dont le nom signifie, en malinké, guerrier, est né en Côte d’Ivoire dans la petite ville de Boundiali devenue, actuellement, une préfecture. Son père, infirmier de formation, appartenait à l’élite des colonisés. Ce rang lui donna le droit de disposer des services d’indigènes soumis aux travaux forcés. A sept ans, Kourouma est pris en charge par son oncle, chasseur renommé, pour fréquenter l’école française. C’est de la relation avec son oncle qu’Ahmadou Kourouma apprend les secrets des maîtres chasseurs malinké. 3 Outre la réputation en art de chasse, l’oncle d’Ahmadou Kourouma était unanimement connu comme figure émérite de sa confrérie qui occupait le sommet de la hiérarchie sociale traditionnelle. Sa notoriété était due, non seulement au fait que son l’oncle était une figure qui avait le pouvoir des armes mais, aussi, au fait qu’il avait le pouvoir de la magie acquis par sa fusion avec la nature. Etudiant contestataire à l’Ecole Technique Supérieure de Bamako, Kourouma est appelé à servir sous les drapeaux. En 1950, Kourouma est envoyé en Côte d’Ivoire pour participer à la répression du mouvement naissant de libération, le Rassemblement Démocratique Africain mais, il refuse Après ses études supérieures de mathématiques à Bamako (Mali), Kourouma est recruté dans l’armée coloniale comme tirailleur, et à la suite d’une rébellion, il est envoyé en Indochine à titre disciplinaire. Il a voulu refuser d’y aller mais, c’est sur incitation du plus célèbre écrivain, Bernard Dadier, que Kourouma accepte de s’y rendre, afin, non seulement, d’y acquérir une formation militaire, mais aussi, en vue de se préparer à la guerre antiŔ coloniale qu’il croyait inévitable. Après, Kourouma poursuit ses études en France, mais cette fois là dans un domaine auquel la plupart des enfants de l’élite africaine tournaient le dos : la statistique. C’est en tant que technicien des assurances qu’il regagne la Côte d’Ivoire au lendemain de son accession à l’indépendance. Mais pas pour longtemps car, Kourouma refuse de céder à la magie du parti unique qui veut représenter la seule forme de pouvoir pour développer le pays. De ce fait, il résulte sa mise en prison pour quelques mois avant de prendre le chemin de l’exil. 4 Son deuxième retour dans son pays, en 1970, est aussi bref. Sa pièce théâtrale, Le diseur de vérité, publiée en 1974 est accusée d’être « révolutionnaire », et est interdite en Côte d’Ivoire après son unique présentation. Kourouma repart pour dix ans au Cameroun, puis au Togo jusqu’en 1993, tout en constituant son ascension professionnelle dans les entreprises privées d’assurance. Devenu actuaire, métier qu’il exerce jusqu’à sa retraite dans divers pays, il réside quelque temps en France (précisément à Lyon où il épouse une lyonnaise). De retour dans son pays, la Côte d’Ivoire, alors devenue indépendante en 1960 sous la houlette du président Houphouët-Boigny, Ahmadou Kourouma connaît des tracasseries administratives et voit beaucoup de ses amis emprisonnés à la suite d’un complot monté de toutes pièces. Cette expérience fâcheuse le pousse à écrire son premier roman, Les soleils des indépendances, qui est un acte de protestation. Refusé par les éditeurs français, à cause de son usage audacieux de la langue française, Les soleils des indépendances est publié au Québec et reçoit, en 1968, le Prix de la Francité. C’est seulement en 1970 que les éditions du Seuil en reprennent alors les droits et le publieront. Le chef d’œuvre par excellence d’Ahmadou Kourouma, Les soleils des indépendances est le premier ouvrage à mettre en exergue la responsabilité de l’Afrique dans son malheur en dénonçant le fort attrait de la richesse et du pouvoir de la part des gouvernants. 5 Après un silence de plus de vingt ans, Kourouma revient à la littérature en 1990 et publie, au Seuil, son deuxième roman, Monnè, outrage et défis, qui est un agrégé d’un siècle d’histoire coloniale, avec un remarquable talent de synthèse, beaucoup d’humour et une écriture créative. Avec l’apparition de ce second roman, Kourouma devint l’un de plus grands écrivains francophones. Accélérant beaucoup son rythme d’écriture, en1998, il publie son troisième roman, En attendant le vote des bêtes sauvages pour lequel il reçoit, tour à tour, le Prix Tropiques en 1998, le Grand Prix de la Société de Lettres et le Prix Inter en1999. C’est en 2000 que voit le jour son quatrième roman, Allah n’est pas obligé, qui, en particulier, grâce aux Prix Renaudot et Goncourt des lycéens, connaît un très grand succès. Pour la première fois, Kourouma, dans ce roman, a choisi comme héros et comme narrateur un jeune enfant orphelin et déscolarisé, errant dans des régions d’Afrique de l’ouest ensanglantées par les guerres tribales, et contraint à devenir l’un de ces enfants soldats porteurs de Kalachnikov qui font la une de l’actualité. Dans ce roman, Kourouma prête à l’enfant sa verve de conteur et sa distanciation ironique, assaisonnées de ses scrupules linguistiques. Ainsi se confirma l’importance de l’œuvre par laquelle Kourouma est devenu un écrivain du monde, l’un des témoins de notre temps. Ainsi, avec seulement trois romans publiés en vingt huit ans, Kourouma s’impose comme l’un des dénonciateurs les plus lucides des souffrances de l’Afrique noire. Sa célébrité est le fruit de la saisie par Kourouma, avec les yeux d’un africain, des souffrances de l’Afrique noire et de son habileté à les décrire dans une langue calquée sur la leur. Il meurt le 11 décembre 2003. Tel est le cursus succinct de l’auteur de Les soleils des indépendances dont il convient d’en donner le condensé. 6 0.2. Quintessence de ‘Les soleils des indépendances’. Ce roman au titre peu orthodoxe est le chef d’œuvre d’Ahmadou Kourouma dont la toile de fond est l’histoire de Fama, prince malinké ruiné. En effet, après sa participation à la lutte pour la quête de l’autodétermination de son pays, Fama attend la gratification et le bien-être pour ses efforts et sacrifices consentis lors de sa périlleuse lutte contre la colonisation. Mais en lieu et place du et délice, l’indépendance ne lui apporte rien que la carte d’identité et celle du parti unique, avec leurs effets négatifs concomitants tels que la souffrance, l’intimidation et la répression. La déchéance économique de son pays pousse Fama, le prince Malinké en faillite, à quémander. Il ne vit rien que de dons présentés et uploads/Litterature/ thesis-dissertation-jean-kapoma.pdf

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