Une étude : la remarquable famille Schreber En France, le nom de Schreber reste
Une étude : la remarquable famille Schreber En France, le nom de Schreber reste généralement inconnu, sauf pour ceux qui se sont intéressés de plus près aux travaux de S. Freud et qui ont lu la cinquième des Cinq psychanalyses : " Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoïa : Le Président Schreber1 2 . " Il s'agit ici de Daniel Paul Schreber. En Allemagne, le nom de Schreber est utilisé par beaucoup puisqu'il désigne des rues, des places ou des jardins. La plupart de ses utilisateurs d'aujourd'hui ignorent probablement que celui à qui l'on rend ainsi hommage est un médecin-éducateur du XIXe siècle, Daniel Gottlieb Moritz Schreber, célèbre en son temps, et dont l'œuvre de réforme sociale n'est pas restée sans conséquence. Ils ignorent très certainement que le réformateur fut le père du " névropathe ". L'étude qui suit a été entreprise au titre de contribution à un séminaire " Les Avatars de la réalité ", conduit par M. Safouan en 1969-70 au groupe strasbourgeois de l'École freudienne. Le point de départ en est le texte de Daniel Paul Denkmirdigkeiten eines Nervenkranketf. Après la lecture de l'œuvre du père de Daniel Paul, la découverte de ses ascendants plus lointains et de leurs écrits s'est faite à reculons dans l'histoire, en résonance aux questions que les Mémoires du dernier de la lignée avaient pu soulever pour moi. LA LIGNÉE DES SCHREBER Johanne» David Schreber (direâcur d’école) deuxième moitié du XVH* et début du XVIII* tiède. Daniel Gott&ied (jurifte économiste) 1777 r Johann Christian Daniel (naturalise) 1739-1810 Daniel Gottfned — Frederike Grosse 1766-1846 (juriSe) 1754*.... .... Haate — Jullana F.rnlHa 1 1 Daniel Guftavc mort 4 trois an», probablement 1796-1799 Daniel Gottlieb Moritz — Pauline Haasc 1813-1907 (médecin) 1808-1861 Daniel GuSave (chimiste, expert des tribunaux) 1839-1877 Anna (ép. Jung) 1840-1933 1842-1911 Daniel Paul (jurifte) Sidonie 1846-1924 Klara ■ 1848-19*7 TobUau t. Généalogit J41 Scbrtbtr 1 Cinq psychanalyses, Paris, P.U.F., 1934, p. 263-324. Freud écrivit ce texte en 1911. 2 Ce texte fut édité en 1903. Il a été partiellement traduit en français. Mémoires d'an névropathe par D. P. Schreber, traduction de Paul Duquenne, Cahiers pour l'Analyse,5 à 8, 1966-1967 (éd. complète annoncée dans cette même collection). Daniel Paul Schreber souligne qu'il connait sa généalogie " d'une façon très précise1 Le tableau I présente ce que nous avons pu en reconstituer et qui couvre cinq générations de la lignée des Schreber2. En haut du tableau, le père de l'arrière-grand-père, Johannes David, dont nous connaissons trois ouvrages, publiés respectivement en 1688, 1717 et 1736. Le premier en date est sa dissertation doctorale; il devait donc avoir entre vingt et vingt-cinq ans à cette époque-là, ce qui situe la période où il a vécu. Le dernier en date mentionne ses titres; nous savons ainsi que, vers la fin de son existence, il exerçait les fonctions de con-Rector à l'école provinciale de Meissen et celle de Rector à l'école de Pforta, déjà qualifiée d'illustre* 3. Sa première dissertation est un petit opuscule de vingt pages qui connut un certain succès : elle fut rééditée (en 1690), ce qui est relativement rare à l'époque, surtout pour des textes de thèse. Son titre est De libris obscoenis, des livres obscènes. Il s'agit de "tous les livres dont les auteurs disent des choses lascives d'une manière ouverte, parlent avec pétulance des parties qui permettent la distinction des sexes, décrivent les actes impudiques des hommes salaces et impurs" (chap. 3)4. C'est "dans une intention morale"que Johannes David aborde les problèmes posés par l'existence, et la prolifération, écrit-il, de tels ouvrages, "pour que les oreilles chastes et les yeux en soient détournés" (chap. 1). De nombreux auteurs classiques sont dénoncés, avant tout Catulle, Tibulle et Properce, mais aussi Ovide, Martial, Juvénal, Horace, Plaute, Térence et Pétrone. Anacréon, Aristophane encore et quelques autres, mais l'essentiel du développement va à une attaque des casuistes qui, sous couvert de discuter des problèmes de la confession " descendent de trop près aux choses particulières ". " II est extraordinaire qu'il ait pu écrire de telles choses sans rougir " dit J. D. de l'un d'eux, Thomas Sanchez (De matrimonio), qu'il prend vivement à partie. Les opinions de certains " docteurs de la Sorbonne " sont citées, qui disent que de tels écrits " sont des embûches pour les âmes. Ce ne sont pas des aides qui amendent mais des écrits qui embrasent les désirs. Ce ne sont pas des instruments de la science chrétienne... malheureuse science qui est née pour perdre tout le monde et n'en aider que quelques-uns " (chap. 7). " Les vrais chrétiens, poursuit J. D., repoussent les livres obscènes, ils les brûlent plutôt que de se livrer eux-mêmes aux flammes éternelles " (chap. 16). Ni la beauté du style, ni la poésie n'en excusent la lecture. " II est cependant permis au médecin qui enseigne l'anatomie de nommer ces parties, de les décrire et même de les montrer aux yeux sans qu'il y ait grief d'impudicité. C'est avec des termes remplis de respect qu'il doit sans exagération décrire leur admirable agencement et la sagesse du Créateur dont ils témoignent. Ce respect et cette fin, il est manifeste que les poètes trop salaces et les prêtres casuistes les négligent " (chap. 12). Le philosophe de la nature et le naturaliste échappent eux aussi à l'interdit. L'ouvrage de 1717, une étude biographique, est restée introuvable et il n'a pas non plus été possible de découvrir qui était ce personnage à qui J. D. a cru bon de consacrer un écrit5 6 . Le troisième ouvrage par contre a pu être consulté. Le titre déjà indique les préoccupations de l'éducateur et du réformiste : Lignes de la doctrine de la foi, c'est-à-dire, articles de la théologie positive pour qu'elle soit plus facilement tirée du résumé de Hutter, éclairés par les directions sûres d’une juste pédagogie6. . Les grands thèmes de la vie de l'homme dans ses rapports avec la foi et le culte y sont abordés sous forme d'articles comprenant généralement trois parties (définition, causes efficientes, fins), Comme jamais un Daniel Paul Schreber n'a existé avant moi dans la généalogie de ma famille que je connais d'une façon très précise, je me crois justifié de considérer que cet autre Daniel Paul Schreber se réfère à moi-même quand je suis en possession entière de mes nerfs " (op. cit, 7, p. 105) Ce tableau résulte du recoupement de renseignements puisés à des sources diverses, principalement les ouvrages des différents Schreber et sur les différents Schreber à la bibliothèque du British Muséum et à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. 3 Le Monasterium Sanctus Mariae de Pforta fut fondé par les Cisterciens en 1137. Fermé en 1540, il fut réouvert en 1543 comme une des trois Fürstenschule protestantes (" école de princes ", les deux autres étant à Meissen et à Grimme). Parmi ses élèves, devenus célèbres, on compte entre autres Klopstock, Lessing, Ranke et, contemporain de Daniel Paul, F. Nietzsche. De 1935 à 1945, l'école devint un centre de formation pour " l'élite SS ". Je remercie vivement M. Guillaume Rocca-Serra (C.N.R.S.) pour son aide dans la traduction et la compréhension du latin de cette période. L'ouvrage comprend vingt et un petits chapitres auxquels je me réfère faute de pagination. 5 Vita G. Fabricii Cbemnicens, e monumentis ipsius litereriis epistolique manuscriptis, nec non alliorum... libris eruta, Lipsine, 1717. 6 Lineae doctrinae fidei, h. e. articuli tbeologiae tbeticae, ut ex compendio Hutteriano faciliur... capiantur, certis juliaepaediae lineis et adumbrati. 1 2 4 chacune étant traitée en latin puis illustrée par des versets de la Bible, en allemand. L'article XXI est consacré au mariage (articulu XXI, De conjugio). La cause efficiente du mariage est "l'union légitime et indissoluble d'un seul homme et d'une seule femme, institution divine pour un sort commun de toute une vie et la propagation du genre humain" sa fin est " l'engendrement d'une descendance et l'aide mutuelle " (p. 298-305)1. Le verset cité à ce dernier propos est tiré du Livre de Tobie (VIII, 9) et peut se traduire ainsi " Et à présent mon seigneur, tu sais que ce n'est pas pour la jouissance mauvaise que j'ai pris ma sœur que voici pour épouse mais pour que je puisse procréer des enfants, de manière à ce que ton saint nom soit exalté et loué éternellement " (p. 306)2. Il n'a pas été possible de savoir si Johannes David a eu d'autres enfants que Daniel Gottfried qui est l'arrière-grand-père de Daniel Paul et qui connut lui aussi la notoriété. Daniel Gottfried reçut une formation juridique. Il s'intitulait Kameralist, et remplissait les fonctions de trésorier et de conseiller en matière de gestion et d'économie, dans différentes villes et petits États. Ses écrits rassemblés pour être publiés, couvrent dès 1763 huit épais volumes3. Ils surprennent par la vivacité du style et la variété des questions abordées. Par exemple, dans la troisième partie du deuxième volume, on rencontre les titres suivants, dans l'ordre : Plan pour la rentrée des impôts dans la Principauté uploads/Litterature/ une-etude-la-remarcable-famille-schreber-pdf.pdf
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- Publié le Sep 17, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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