LECTURES D’IONISATION Makis Solomos To cite this version: Makis Solomos. LECTUR
LECTURES D’IONISATION Makis Solomos To cite this version: Makis Solomos. LECTURES D’IONISATION. Percussions, Chaillye-en-Bi` ere, 1995, n40, p. 11-27. <hal-01202921> HAL Id: hal-01202921 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01202921 Submitted on 21 Sep 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. LECTURES D'IONISATION, Makis SOLOMOS Varèse's Ionisation has already been analysed in a number of important articles. This study shows that many different points of view can be brought to an analysis of this work, which may result in different ways of listening to and interpreting Ionisation. Here are three possible ways: (1) traditional thematic analysis ; (2) parametrical analysis ; (3) an analysis by sonorities, i.e. global and fully articulated entities. So, at least three readings of Ionisation are possible, but the third one is the most comprehensive. Chef-d'oeuvre musical, chef-d'oeuvre du XXème siècle, chef-d'oeuvre de Varèse, chef-d'oeuvre enfin pour les percussions, Ionisation constitue aussi un chef- d'oeuvre d'ambiguïté : elle invite à une multiplicité de lectures. Il sera ici question de trois lectures fort différentes : la première met l'accent sur le thématisme de l'oeuvre ; la seconde est paramétrique ; la dernière enfin, insiste sur le son en tant qu'entité globale que, pour ne pas confondre avec le timbre, nous appellerons sonorité. Ces trois lectures — à la fois manières d'écouter, d'analyser et sans doute d'interpréter l'oeuvre — sont possibles, bien que la dernière nous semble la plus prometteuse. A. INTRODUCTION Composée à Paris en 1929-31 et créée à New York en 1933, Ionisation connaît des antécédents quant à son effectif : dès la seconde partie du XIXème siècle, les percussions prirent une place de plus en plus importante dans l'orchestre symphonique et, dans l'entre-deux guerres, nombreuses furent les oeuvres qui leur accordèrent un rôle majeur ; par ailleurs, comme on le sait, la première composition pour percussions seules n'est pas Ionisation, mais les Rítmicas n°V et VI (1930) d'Amadeo Roldán (pour ensemble de percussions cubaines). Cependant, Ionisation tranche sur cette oeuvre (ainsi que sur une grande partie des pièces en question de l'entre-deux guerres) : comme le constate H. Halbreich [1970, p. 145, c'est nous qui soulignons], elle "est bien la première oeuvre de musique pure pour percussion solo" (13 percussionnistes). Le témoignage d'A. Carpentier [1980, pp. 21-22] est très clair sur ce point : "Varèse aimait-il Roldán, inspiré du folklore cubain ? J'en doute. Pour lui, cette musique était “jolie”. Seule, l'utilisation de la percussion l'intéressait — mobilisation d'un arsenal de “timbales” (différentes de celles de l'orchestre traditionnel), de güiros, de claves, de maracas, de bongos, tous instruments dont les ressources percussives l'émerveillaient" /1/. En effet, dans Ionisation, tous les instruments sont affranchis de leur connotation immédiate (c'est-à-dire de la référence à la sphère musicale de laquelle ils sont originaires), à l'exception notable des sirènes/2/ — instruments très importants dans l'oeuvre, car ils se chargent en grande partie de mettre en jeu la dimension spatiale à laquelle Varèse était attaché/3/. Cependant, ce refus des connotations immédiates des instruments n'est pas un indice d'abstraction. Ionisation est peut-être une musique "pure", mais elle préfigure toutes ces oeuvres du XXème siècle où l'abstraction des procédés d'écriture ne sert finalement qu'à produire des oeuvres éminemment sensibles — pensons à Persephassa de Xenakis, écrit aussi pour percussions seules [cf. M. Solomos, 1994 a]. Soulignons aussi avec J.-Ch. François [1991, p. 49] le fait que Ionisation "constitue la première oeuvre qui prend en considération les composantes acoustiques des instruments à percussion en tant que fondements d'une forme musicale". Pourquoi les percussions, pourquoi Varèse choisit-il cette formation insolite qui, d'ailleurs, le resta longtemps après Ionisation ? On a souvent affirmé qu'il utilisa les percussions à défaut de sons électroniques que, en d'autres termes, il apprécia leur originalité dans le domaine du timbre. Cette affirmation reste vraie — et nous avons déjà parlé de son émerveillement face aux percussions cubaines — mais, nous semble-t-il, il est nécessaire de la tempérer. D'une part, il faut prendre en compte le fait que Varèse lui-même reste sceptique quant à cette idée : "Je n'ai pas composé Ionisation […] pour en faire une oeuvre révolutionnaire. Les sonorités [au sens de timbre] en étaient déjà dans l'air", écrivait-il [Varèse, 1983, p. 170]. D'autre part, comme nous le v-errons, le timbre en soi n'est pas son souci principal dans Ionisation. La réponse à la question posée va plutôt dans un autre sens : le souci varésien de relativiser le rôle des hauteurs/4/, souci que, bien entendu, les percussions de Ionisation actualisent pleinement, puisque la dimension de la hauteur y est réduite au registre. Les percussions employées dans Ionisation posent un problème quant à leur classification. Celle qui est employée par les ethnomusicologues depuis les travaux (1914) de Hornbostel et de Sachs (idiophones, membranophones, cordophones, aérophones) y est-elle opérante ? Ou encore, faut-il utiliser le seul critère de la matière (métaux, peaux, bois) ? L'analyse minutieuse de la partition quant à ses sonorités (au sens qui sera précisé ultérieurement) répond par la négative à ces deux propositions. C'est pourquoi nous adopterons la classification de Ch. Wen-Chung [1979, pp. 28-29] — auquel nous nous référerons plus que fréquemment —, qui distingue sept catégories. Pour chacune, les instruments sont classés d'après leur registre (de l'aigu au grave) : 1. métaux : triangle, deux enclumes, cencerro/5/, cymbale, grande cymbale chinoise, cymbale suspendue, gong, deux tam-tams, grand tam-tam ; 2. peaux sans timbre : bongos, caisse claire détimbrée, caisse roulante, deux grosses caisses, grosse caisse très grave ; 3. peaux avec timbre : tarole, caisse claire, tambour militaire ; 4. bois : claves, trois blocs chinois/6/, fouet ; 5. instruments que l'on racle ou que l'on secoue : grelots, castagnettes, tambour de basque, maracas, güiro ; 6. instruments à vent ou à friction : deux sirènes, tambour à corde ; 7. claviers : glockenspiel, cloches, piano (sur trois portées). (Notons que le triangle, le cencerro, le tam-tam clair, la caisse roulante, le fouet, les grelots et le güiro sont dédoublés). L'analyse qui va suivre trouve son origine dans la comparaison des analyses les plus importantes de l'oeuvre déjà réalisées. Son but est de souligner le fait que, comme il a été dit, Ionisation constitue un chef d'oeuvre d'ambiguïté, car elle autorise une multiplicité de lectures. Les analyses importantes de l'oeuvre peuvent être classées selon la lecture qu'elles en proposent. Les deux analyses de N. Slonimsky [1967 et 1973]/7/ ainsi que celles de W. Gruhn [1974] et de J. et J.-Ch. Maillard [1986] penchent du côté du thématisme. Celle de M. Kelkel [1988] est implicitement paramétrique. Enfin, celles de Ch. Wen-Chung [1979] — que, rappelons-le, Varèse "désigna comme exécuteur testamentaire de toute son oeuvre" [O. Vivier, 1973, p. 73] et de J.-Ch. François [1991] mettent l'accent sur ce que nous appelons ici sonorité (entités globales). Ces trois lectures ne sont pas nécessairement antithétiques et toutes trois sont possibles (avec, néanmoins, une certaine réserve pour la seconde), bien que, comme nous le verrons, la troisième soit la plus complète. B. LECTURES THÉMATIQUE ET PARAMÉTRIQUE 1. Lecture thématique La lecture thématique de Ionisation est d'abord fondée sur la très forte prégnance de la célèbre phrase du tambour militaire, énoncée dès la mes.9 (cf. ex. 4) : "le thème du tambour de la mesure 9 domine l'ensemble et fait office d'élément unificateur", écrit H. Halbreich [1970, p. 146] ; elle constitue un "motif conducteur" pour G. Van Gucht [1984, p. 8] ; N. Slonimsky [1973, p.99] la présente comme "l'idée, le thème, si l'on veut". Il est indéniable que cette dernière citation est exacte dans sa première affirmation : cette phrase fonctionne comme une idée tout le long de cette oeuvre, car, outre sa prégnance rythmique, d'une part, elle revient souvent sans modifications et, d'autre part, sa première apparition fonctionne comme une "exposition" (dans ce sens, les huit premières mesures de l'oeuvre sont perçues comme une "introduction", ce qui ne vaudra pas pour la lecture paramétrique ou pour celle axée sur les sonorités). Cependant, parler de "thème" pose problème : cette phrase, comme nous le verrons, ne connaît pas véritablement de développements. Si l'on peut accepter à la rigueur la lecture thématique de cette phrase, par contre, il est impossible d'en faire de même avec d'autres phrases de Ionisation. On a souvent avancé l'idée que, sous le titre provocateur, se cacherait une forme traditionnelle, celle de la sonate-ouverture : "on pourrait croire […] à une “expérience” acoustique inspirée par la théorie de la dissociation électrolytique ; on découvre une sorte de sonate", écrit M. Bredel [1984, p. 143]. L'idée remonte à N. Slonimsky; cependant, ses deux analyses sont différentes, ce uploads/Litterature/ varese-lectures-de-ionisation-solomos.pdf
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- Publié le Aoû 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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