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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/266209990 Histoire et Mémoire dans les Origines d'Amin Maalouf Article · December 2013 DOI: 10.7410/1074 CITATIONS 0 READS 1,291 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Restoration and enhancement of popular culture objects View project Léon-Gontran Damas's Poems View project Antonella Emina Italian National Research Council 19 PUBLICATIONS 5 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Antonella Emina on 08 July 2019. The user has requested enhancement of the downloaded file. RiMe, n. 11/1, dicembre 2013, pp. 5‐17 ISSN 2035‐794X DOI 10.7410/1074 Histoire et Mémoire dans les «Origines» d’Amin Maalouf Antonella Emina Résumé Une lecture d’Origines d’Amin Maa‐ louf mettant en relief le rôle de l’Histoire ainsi que son fonctionne‐ ment dans une dynamique de rela‐ tion avec la mémoire. Mots clés Maalouf, Amin; Origines; histoire; mémoire; identité. Abstract The role of History in Origines by Amin Maalouf is pointed out. Its rela‐ tionship with memory is equally ex‐ amined. Keywords Maalouf, Amin; Origines; history; memory; identity. L’Histoire continue à solliciter l’écriture de création et à s’imposer soit sur le plan des thématiques abordées soit en termes de cotexte explicite. Des études, des colloques et surtout une production litté‐ raire importante plus au moins haute ont une diffusion remarquable dans le monde entier. La géographie ne paraît pas avoir d’influence sérieuse sur cette multiplication, sinon qu’elle peut renfermer des histoires plus bruyantes que d’autres, plus pressantes, plus indiscrè‐ tes. Amin Maalouf (Beyrouth, 1949), écrivain, journaliste et formidable créateur de romans historiques, offre des pistes multiples de ré‐ flexion à ce sujet. Les raisons et le sens que le parti pris de l’histoire assume pour cet écrivain, au‐delà du simple constat d’une fidélité d’écriture, me paraissent ressortir de manière éclatante d’Origines, cette passionnante enquête autour de la relation entre mémoire indi‐ viduelle, mémoire familiale et mémoire collective. D’un côté ces liens sont tellement clairs que ma mission de lecture paraît assez simple: il suffirait de lancer une recherche sur le réseau pour trouver des des‐ criptions – pas forcément banales ou naïves – des méthodes d’investigation, des thèmes et des procédés d’écritures de l’Histoire Antonella Emina employés dans le texte. De l’autre, le foisonnement des parcours à suivre et des suggestions à approfondir introduisent des éléments de complexité. En plus, en raison de l’écart temporel limité entre la date de publication du texte, les évènements relatés et notre travail d’analyse, le risque d’être pris au piège de la contemporanéité empê‐ cherait d’arriver à mettre l’œuvre à une distance suffisante pour en déceler autre que ce qui ressort manifestement, à savoir le parti pris de l’Histoire. Ses romans, de Léon l’Africain de 1987 aux Désorientés de 2012, sont certainement des réussites ainsi que ses textes appartenant à d’autres genres, tout en gardant des qualités narratives très vives. Parmi eux, Origines prend l’allure d’une autobiographie et, en même temps, d’un récit familial, d’une généalogie, d’un récit des événements na‐ tionaux vus du dedans et le narrateur peut mettre à l’œuvre un esprit «fouineur»1. Il y décrit sa méthode d’investigation dont la consulta‐ tion des témoins, la recherche dans les archives, leur organisation sur la base des sujets, des dates, de la typologie des documents… une méthode, donc, toute proche de celle des historiens sauf que pour la consultation des témoins qui est une démarche distinctive d’autres domaines, de l’investigation policière à la sociologie. Dans ses romans historiques l’auteur a souvent effleuré, en les transfigurant, des traits de sa famille, mais dans Origines cette his‐ toire familiale ressort au premier rang et, de par un pacte fiduciaire entre auteur et lecteur, elle est perçue comme vraie, ce qui est un ca‐ ractère qu’on attribue aussi bien à l’écriture de l’Histoire qu’à l’écriture autobiographique. La première, pourtant, sollicite l’explicitation des sources, ce qui n’a pas lieu dans notre texte, en re‐ vanche, la deuxième compte sur le pacte auteur‐lecteur comme le seul garant de véridicité. Pour revenir au propos initial, les points saillants de l’œuvre de Maalouf sont explicités dans les deux pages en italique précédant le premier chapitre de l’œuvre concernée. Ces évidences problémati‐ sent ouvertement trois piliers traditionnels du discours historiogra‐ phique: la nation, la patrie et la religion. 1 «Moi qui suis par nature fouineur, moi qui me lève cinq fois de table au cours d’un repas pour aller vérifier l’étymologie d’un mot…». A. Maalouf, Origines, p. 16. 6 Histoire et Mémoire dans les Origines d’Amin Maalouf La religion n’est présentée que dans son rôle de catalyseur des ver‐ tus sociales aptes à la fondation des nations, ces nations que leurs habitants perçoivent comme des patries. Quant à ce dernier mot de ‘patrie’, Maalouf y accorde notamment des connotations «d’espace où l’on est chez soi», où l’on est parmi les siens. Il n’y ni singularisa‐ tion orgueilleuse ni affirmation d’une diversité distinctive, c’est un collectif qui labellise nation et patrie: «Nos nationalités sont affaire de dates, ou de bateaux (…) je n’ai jamais ressenti non plus une ad‐ hésion totale à une nation – il est vrai que, là encore, je n’en ai pas qu’une seule»2 Pour notre Narrateur, donc, les repères nationaux au‐ raient moins les attributs des limites territoriales que ceux de la mul‐ tiplicité des localisations dans le temps, ce qui pourrait déboucher soit sur une négation d’appartenance nationale soit sur une superpo‐ sition (ou bien un amalgame, mais là c’est une autre histoire) d’appartenances. La négation de son appartenance nationale aurait des conséquen‐ ces contradictoires, étant donné que l’individu serait, d’une part, un apatride, un sans nation, un habitant du monde entier et de nulle part en même temps, mais de l’autre, n’ayant pas de papiers, il ris‐ querait d’être confiné dans un espace limbique, dans quelque non‐ lieu, se heurtant sans cesse à des frontières infranchissables. Je pense, par exemple, à la fameuse mésaventure de Karim Nasser Miran, réfugié iranien installé sans papiers de 1988 à 1999 dans le Terminal 1 de l’aéroport Charles‐de‐Gaulle, d’où le film Le Terminal (2004). En fait, le statut des apatrides est une affaire tout à fait ouverte3. En termes généraux, un apatride est «une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation»4. 2 Ibi, p. 10. 3 La France a réglé quelque peu cette question: un apatride bénéficie «d’une carte de séjour temporaire portant la mention ʺvie privée et familialeʺ et l’autorisant à travailler […] Lorsqu’il justifie de trois années de résidence régulière en France, l’apatride statutaire peut se voir octroyer une carte de résident valable dix ans». Site officiel de l’OFPRA Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatri‐ des, Procédure, <http://www.ofpra.gouv.fr>. 4 Cf. Article 1 de la Convention de New York, 1954. Ibidem. 7 Antonella Emina Si, donc, selon l’article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, «tout individu a droit à une nationalité», il s’ensuit qu’on n’a pas le droit de ne pas en avoir une et, donc, qu’on n’a pas le droit d’être un apatride. Cela implique des conséquences pratiques importantes. Cependant, la question ne touche pas notre narrateur, au moins pas dans ces termes. En fait, il semble plutôt avoir absorbé la plurali‐ té des appartenances étalées dans les documents familiaux recueillis tout au long de sa fouille. Il les résume de la façon suivante: Dans l’esprit de mes grands‐parents, ces appartenances diverses avaient chacune sa “case” propre: leur État était la “Turquie”, leur langue était l’arabe, leur province était la Syrie, et leur patrie la Mon‐ tagne libanaise (…) Il y a cent ans à peine, les chrétiens du Liban se disaient volontiers syriens, les Syriens se cherchaient un roi du côté de La Mecque, les juifs de Terre sainte se proclamaient palestiniens… et Botros, mon grand‐père, se voulaient citoyen ottoman5. Le narrateur, tout comme Botros, se range volontiers à l’intérieur d’une situation caractérisée par une multiplication de nationalités ce qui implique avoir des papiers de deux ou trois pays, en détermi‐ nant, par‐là, une action de reconnaissance de la part de l’extérieur, ce qui scelle sa propre présence au monde. Dans cette liste d’allégeances superposées, la question religieuse n’en est pas véritablement une6. Elle côtoie, ou mieux, elle soutient le thème de la patrie, censé conte‐ nir les éléments les plus intimes de la relation de l’individu au monde extérieur, son appartenance et son bien‐être par rapport au milieu: la patrie est un milieu/lieu affectif. N’étant pas un concept strictement territorial, la patrie se présente comme l’espace de l’identité et des liens dans une perspective verti‐ cale et horizontale, c’est‐à‐dire qu’elle se trouve aussi bien sur un axe temporel que sur un axe spatial. L’action du narrateur en est une il‐ lustration, par son engagement dans une quête se poussant plus sur un plan temporel que spatial et dont les étapes seraient mémoire‐soi‐ identité. L’ordre des trois phases n’est ni sûr ni stable. La mémoire y 5 A. Maalouf, Origines, p. 256. 6 «Et pour foi une antique fidélité!». Ibi, p. 10. 8 uploads/Litterature/01-emina-rime11-def.pdf

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