CON-TEXTOS KANTIANOS. International Journal of Philosophy N.o 4, Noviembre 2016
CON-TEXTOS KANTIANOS. International Journal of Philosophy N.o 4, Noviembre 2016, pp. 223-238 ISSN: 2386-7655 Doi: 10.5281/zenodo.164005 [Recibido: 15 de septiembre de 2016 Aceptado: 18 de octubre de 2016] Was ist Aufklärung? : « unité et diversité des Lumières », « wahre Aufklärung » ou « radical Enlightenment »? Esquisse d'un bilan de quelques recherches récentes Was ist Aufklärung? : «Unity and Diversity of Enlightenment », « True Enlightenment » or « Radical Enlightenment » ? Outline of an appraisal of some recent approaches GÉRARD LAUDIN• Université Paris IV-Sorbonne, France Résumé L'article retrace quelques étapes de la recherche sur le 18e siècle qui, après s'être avant tout intéressée aux origines (Paul Hazard, 1935) et à la période médiane du siècle (1730-1770), s'est tournée depuis une quarantaine d'années également vers ce qu'on a pris l'habitude d'appeler "secondes Lumières" ou Spätaufklärung. Il insiste particulièrement sur les travaux portant sur la "Aufklärungsdebatte" ("wahre Aufklärung") des années 1783 et suivantes (depuis Werner Schneiders, 1974, Norbert Hinske, 1973, Wolfgang Albrecht, 1995), en particulier dans ses relations avec ce que Margarete Jacob (1981) et Jonathan Israel (2001) ont identifié comme un courant spécifique né dans la seconde moitié du 17e siècle et appelé "Radical Enlightenment", une notion qui a fait l'objet d'analyses critiques. Quelles sont les modalités de la "radicalité" dans les années 1780? Quelle est pertinence même de cette expression? Mots-clés Lumières, Aufklärungsdebatte, Berlinische Monatsschrift, Lumières radicales, Spinoza Abstract The article relates some stages in the research on the 18th century which, after being mainly interested in the beginning of the century (Paul Hazard, 1935) and then in the mid-century(1730- Université de Paris-Sorbonne, UFR d’Etudes germaniques et nordiques. 108, boulevard Malesherbes, 75017 Paris. Courriel: gerard.laudin@paris-sorbonne.fr. • 224 CON-TEXTOS KANTIANOS International Journal of Philosophy N.o 4, Noviembre 2016, pp. 223-238 ISSN: 2386-7655 Doi: 10.5281/zenodo.164005 Gérard Laudin 1770) has, for about forty years, turned to what is now called «second Enlightenment» or Spätaufklarung. The emphasis is, particularly, put on the works concerning the «Aufklärungsdebatte» (« wahre Auflärung» of the years 1973 and the following ones (since Werner Schneiders, 1974, Norbert Hinske, 1973, Wolfgang Albrecht, 1995), in particular in relation with what Margarete Jacob (1981) and Jonathan Israel (2001) identified as a specific movement born in the second half of the 17th century and named «Radical Enlightenment», the latter having been the object of critical reviews. What are the modes of «radicality» in the years 1780? What is the very relevance of this expression? Key words Enlightenment; Aufklärungsdebatte; Berlinische Monatsschrift; Radical Enlightenment; Spinoza La question "Was ist Aufklärung?", posée pour la première fois en décembre 1783 dans un article anonyme de la Berlinische Monatsschrift, fut perçue en son temps comme suffisamment pertinente pour susciter de nombreux commentaires, dont les réponses de Mendelssohn et de Kant, parues dans le même périodique, sont seules demeurées célèbres au point d'occulter un nombre significatif d'ouvrages parus au cours des années suivantes.1 L'auteur de cet article, le pasteur berlinois Johann Friedrich Zöllner motivait sa question en soulignant la soudaine fréquence, autour de 1780, de ce terme qui, à l'inverse de "aufklären" (au sens de "aufhellen","erklären"), n'apparaissait guère auparavant:2 "Was ist Aufklärung? Diese Frage, die beinahe so wichtig ist, als: was ist Wahrheit, sollte doch wohl beantwortet werden, ehe man aufzuklären anfinge! Und doch habe ich die nirgends beantwortet gefunden!".3 1 Voir le recueil Was ist Aufklärung?. Beiträge aus der Berlinischen Monatsschrift. Im Zusammenarbeit mit Michael Albrecht ausgewählt, eingeleitet und mit Anmerkungen versehen von Norbert Hinske, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1973, 19772, 465 p.; nouvelle édition augmentée, 19813, LXIX-578 p. Les articles de Mendelssohn et de Kant, respectivement: "Über die Frage: was heißt aufklären?", Berlinische Monatsschrift, septembre, 9e livraison, 1784, p.194-200, et "Beantwortung der Fragen: Was ist Aufklärung?", ibid., décembre, 12e livraison, 1784, p.481-494, sont reproduits par Hinske, p.444-451 et 452-465. On mentionnera également une autre anthologie un peu plus tardive: Um Menschenwohl und Staatsentwicklung. Textdokumentation zur deutschen Aufklärungsdebatte zwischen 1770 und 1850, mit drei zeitgenössischen Kupfern. Ausgewählt und kommentiert von Wolfgang Albrecht, Stuttgart, Verlag Hans-Dieter Heinz, 1995, 522 p., ainsi que Jean Mondot, Qu'est-ce que les Lumières?, Saint-Etienne 1991, qui regroupe plusieurs textes autour de celui de Kant. Voir aussi l'intéressante compilation Was ist Aufklärung? Kant, Erhard, Hamann, Herder, Lessing, Mendelssohn, Riem, Schiller, Wieland, hg. von Ehrhard Bahr, Stuttgart, Reclam, 1974. 2 L'étude la plus complète sur les sémantismes de ce concept demeure l'article "Aufklärung" de Horst Stuker dans Otto Brunner et alii (Hg.), Geschichtliche Grundbegriffe, Stuttgart, Klett-Cotta, t.1, 1972, p.243- 342. 3 "Ist es rathsam, das Ehebündnis nicht ferner durch die Religion zu sanciren?", Berlinische Monatsschrift, 1783, décembre, 12e livraison, p.508-517; ici p.516. Reproduit dans Hinske (n. 1), p.107-116. Réponse à Biester, cf. infra n. 20. Was ist Aufklärung? : « unité et diversité des Lumières » 225 CON-TEXTOS KANTIANOS International Journal of Philosophy N.o 4, Noviembre 2016, pp. 223-238 ISSN: 2386-7655 Doi: 10.5281/zenodo.164005 C En 1974, Werner Schneiders note de nouveau: "Aufklärung ist wieder ein Schlagwort geworden, auch Kritik und Emanzipation oder Mündigkeit. Etwa seit der Jahrhundertmitte ist nach langer Anfeindung die mit Aufklärung gemeinte Sache wie die als Aufklärung bezeichnete Epoche mehr und mehr wieder zu Ehren gekommen".4 De fait, la recherche sur les Lumières connaît à partir de l'immédiat après-guerre un essor considérable, qui fait rétrospectivement paraître presque infime le nombre des publications antérieures. W. Schneiders impute cet essor à un retour critique sur les fondements idéologiques et politiques du 20e siècle après la Seconde Guerre mondiale, un retour chargé d'un sens politique fortement inspiré par les travaux de philosophes comme Theodor Adorno, Max Horkheimer ou Niklas Luhmann, une perspective critique qui en fait une pièce dans le mouvement général de contestation, de politisation, de controverses idéologiques des années 1950-70. Au lendemain de la guerre, la recherche "dix-huitiémiste" ne tarde pas à se doter de vraies structures, "sociétés" nationales, puis internationales, organisant et stimulant la recherche. Et, comme en écho à "Was ist Aufklärung?", le mouvement est ponctué d'assez fréquents bilans de la recherche qui laissent apparaître un élargissement des champs explorés.5 La recherche se montre d'abord longtemps avant tout attentive soit aux origines de la pensée des Lumières (faisant fond sur les travaux du comparatiste Paul Hazard, qui avait souligné la dimension européenne des Lumières sans négliger pour autant leur diversité géographique et chronologique 6 ), soit à ce qu'on appelle fréquemment "Hochaufklärung" (Lessing pour l'espace germanique, les Encyclopédistes pour la France), en mettant l'accent sur "l'unité et la scission" des Lumières, au double plan de la géographie (espace européen vs. spécificités nationales7) et de la relation (divergences, convergences) entre un courant "rationaliste" et un courant "sensualiste" à partir des années 1740-50.8 A l'aube des années 1970 commencent à se multiplier vraiment les recherches 4 Die wahre Aufklärung. Zum Selbstverständnis der deutschen Aufklärung, Freiburg / München, 1974, p.7. 5 La visibilité de cette démarche est particulièrement apparente dans la revue française Dix-huitième siècle, DHS, fondée en 1964: DHS n° 5, 1973: "Problèmes actuels de la recherche"; DHS n° 10, 1978, "Qu'est-ce que les Lumières?"; DHS n° 14, 1982, "Au tournant des Lumières, 1780-1820"; DHS n° 30, 1998, "La recherche aujourd'hui", qui porte sur les nouveaux objets (le corps, les minores, l'interdisciplinarité etc.); DHS n° 46 (2014): "Des recherches dix-huitiémistes aujourd'hui". Récemment, la revue-soeur allemande, Das achtzehnte Jahrhundert a publié un dossier à visée programmatique coordonné par Daniel Fulda et Sandra Kerchhauser: "Kulturmuster der Aufklärung. Ein neues Hemeneutikum in der Diskussion", Jg.35/2 (2011). 6 La crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris 1934, 19684, 2 vol.; La pensée européenne au XVIIIe siècle de Montesquieu à Lessing, Paris 1946, 19632, 471 p. 7 Par exemple Michel Baridon, "Lumières et enlightenment. Faux parallèle ou vraie dynamique du mouvement philosophique?", DHS, n° spécial: Qu'est-ce que les Lumières?, 1978, p.45-69. 8 Cf. Roland Mortier, "Unité ou scission du siècle des Lumières?", in: Studies on Voltaire, 1963, t. 26, p. 1207-1221, repris in: R. M., Clartés et ombres du siècle des Lumières, Genève 1969. 226 CON-TEXTOS KANTIANOS International Journal of Philosophy N.o 4, Noviembre 2016, pp. 223-238 ISSN: 2386-7655 Doi: 10.5281/zenodo.164005 Gérard Laudin sur les mouvements d'idées des années 1770 et suivantes, sur ce qu'on a pris d'habitude d'appeler Spätaufklärung en Allemagne, "secondes Lumières" en France. Si les "romanistes" ont redressé pour la France l'image alors convenue de Lumières essoufflées après la mort des principaux acteurs du mouvement encyclopédiste (Rousseau et Voltaire en 1778, Diderot en 1784), les "germanistes" commencent à rompre alors avec les analyses qui, dans les décennies précédentes, avaient opposé le Sturm und Drang à l'Aufklärung en voyant en lui une phase d'un courant "irrationaliste"9 adversaire de "rationalisme" des Lumières, voire en le valorisant comme un combat pour une identité culturelle germanique anti-française.10 De nombreuses études relatives au Sturm und Drang renouent ainsi dès les années 1970 avec des perspectives illustrées au 19e siècle par Gervinus ou plus tard par Korff,11 qui s'étaient montrés attentifs aux continuités reliant différents mouvements internes à la seconde moitié du 18e siècle, Aufklärung, Sturm und Drang puis classicisme weimarien. Des études 12 ont réinterprété l'ensemble de ce mouvement littéraire et de pensée qu'on appelle le Sturm und uploads/Litterature/187-705-1-pb.pdf
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- Publié le Mar 11, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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