Cahiers de recherches médiévales et humanistes Journal of medieval and humanist
Cahiers de recherches médiévales et humanistes Journal of medieval and humanistic studies 2011 Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident, éd. Jean-Patrice Boudet, Anna Caiozzo, Nicolas Weill- Parot Max Lejbowicz Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/crm/12703 ISSN : 2273-0893 Éditeur Classiques Garnier Référence électronique Max Lejbowicz, « Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident, éd. Jean-Patrice Boudet, Anna Caiozzo, Nicolas Weill-Parot », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 2011, mis en ligne le 28 mai 2012, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/crm/12703 Ce document a été généré automatiquement le 30 avril 2019. © Cahiers de recherches médiévales et humanistes Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident, éd. Jean-Patrice Boudet, Anna Caiozzo, Nicolas Weill- Parot Max Lejbowicz RÉFÉRENCE Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident, éd. Jean-Patrice Boudet, Anna Caiozzo, Nicolas Weill-Parot, Paris, Champion (« Sciences, techniques et civilisations du Moyen Âge à l’aube des Lumières » 13) 2011, 390p. ISBN 978-2-7453-2163-3 1 Le Picatrix est un livre singulier, sinon paradoxal. Le premier paragraphe de son prologue le présente comme la compilation de plus de deux cents livres arabes de philosophie, philosophia, que l’auteur, un sapiens philosophus comme il se doit, a titré par éponymie1. Il évoque aussi « Alphonse, roi très illustre d’Espagne et de toute l’Andalousie », qui a fait traduire en castillan l’original arabe de cette śuvre, en 1256 (la date est également donnée dans trois autres ères, soit, dans l’ordre de l’énoncé, celles d’Alexandrie, de Jules César et de l’Hégire). Le même roi souhaite maintenant éclairer « les docteurs latins chez qui il y a indigence, est inopia, de livres publiés par les anciens philosophes ». Le deuxième paragraphe surenchérit sur l’auteur, dont il cerne plus précisément les centres d’intérêt : si Picatrix est un sapientissimus philosophus, le Picatrix est un liber in nigromanticis artibus – des artes placées sous la protection de Dieu, dont la lumière révèle les secrets et dévoile ce qui est caché, dont la puissance accomplit tous les miracles, etc. Le paragraphe suivant met en avant la sciencia nigromancia, étant entendu que les philosophes, toujours présents, l’ont cachée, celaverunt, voilée de toutes leurs forces, pro viribus velarunt ; car, si elle « était Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident, éd. Jean-Patrice Boudet, ... Cahiers de recherches médiévales et humanistes , 2011 | 2012 1 révélée aux hommes, ceux-ci rendraient l’univers méconnaissable », confunderent universum. Il reste au quatrième paragraphe à former le souhait que les lecteurs du Picatrix agissent « pour le bien et le service de Dieu ». Quant au cinquième et dernier, il donne le plan de l’ouvrage. Les généralités sur la nature et la configuration du ciel sont abordées dans les deux premières parties, alors que les deux suivantes et dernières traitent des esprits des planètes et de la manière de s’adresser à eux en s’aidant de talismans, de fumigations et d’autres procédés, qualiter cum ymaginibus et suffumigacionibus et eciam cum aliis adiuvatur2. En fait, la composition de ce livre est beaucoup moins ordonnée. Pour ajouter au mystère, et en dépit du patronage qui a veillé à sa double diffusion linguistique en Europe, la plus ancienne mention du Picatrix ne date que de 1456 (Johannes Hartlieb, Das Buch aller verboten Künste) et le plus ancien manuscrit latin qui aujourd’hui en conserve une large partie a deux ans de moins (Cracovie, Bibliothèque Jagellonne, ms. 793, sur lequel je reviens plus bas à la faveur d’une des communications du volume sous recension) ; mais le scribe d’un manuscrit du XVIIIe siècle prétend en copier un daté de 13863. Quant à la version castillanne, elle ne subsiste plus que dans de brefs fragments. Pendant deux cents ans, ce liber in nigromanticis artibus n’a laissé pas laissé de traces très tangibles, alors qu’à partir du XIIIe siècle la nigromancie a suscité une faveur croissante sur tout le continent européen. 2 Comme l’indique le sous-titre retenu, les éditeurs n’ont pas craint d’ajouter à la complexité du Picatrix celle de l’original arabe, dont le titre s’avère différent de celui mentionné dans le prologue : Ghāyat al-ḥakīm (Le but du sage), qui est « l’ouvrage le plus célèbre de magie dans le monde islamique » (p. 80). L’histoire de la découverte et de l’exploitation de ces deux textes, arabe et latin, par la recherche contemporaine est retracée dans l’introduction par Charles Burnett, à partir des archives de l’Institut Warburg. Aux prises avec les énigmes de la Melancolia I d’Albert Dürer, Aby Warburg († 1929) a joué un rôle décisif, et parfois ambigu, dans cette résurrection littéraire, que ses assistants, correspondants, héritiers et successeurs ont prolongée jusqu’à nos jours, avec quelques moments clés : l’édition du texte arabe par Hellmut Ritter en 1933 et celle du texte latin par David Pingree en 1986 (préparée et suivie par une série d’articles fondamentaux du même historien sur ces textes). Il n’aurait pas été inutile de signaler les traductions du Picatrix dans certaines langues contemporaines, fût-ce pour en indiquer les limites éventuelles : à partir du texte arabe, en allemand (1962), espagnol (1982) et anglais (2002 et 2008) ; à partir du texte latin, en italien (1999), français (2003) et anglais (2010). 3 Sous le titre général Origines et transmission d’une compilation obscure, quatre communications exploitent les sources orientales de ce Liber in nigromanticis artibus. Godefroid de Callataÿ interroge la pertinence d’un article, paru en 1966, d’Yves Marquet. Ce dernier, à la faveur d’une analyse de la cinquante-deuxième et dernière épître des Ikhwān al-Safā’, essayait de préciser la nature du sabéisme ḥarrānien, qui, faute de témoignages directs, est difficilement accessible. En utilisant deux manuscrits inconnus de son prédécesseur, et en se concentrant sur quelques points (la tradition talismanique, les doctrines philosophiques, les 87 temples, le temple de Jurjās, le rituel d’initiation), il nuance les analyses proposées il y a maintenant près d’un demi-siècle, sans les remettre substantiellement en cause. Le sabéisme ḥarrānien est confirmé dans sa consistance propre et, par ricochet, la Ghāyat al-ḥakīm s’enracine sans conteste dans le Proche-Orient. 4 Anna Caiozzo se concentre sur les enluminures de quelques manuscrits orientaux de cosmographie, d’astrologie, de magie et d’anthologies scientifiques. Elle s’attarde plus Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident, éd. Jean-Patrice Boudet, ... Cahiers de recherches médiévales et humanistes , 2011 | 2012 2 particulièrement sur les liturgies planétaires, les rituels angélologiques et l’élaboration des talismans pour tenter de reconstituer visuellement les rites de magie astrale dont la Ghāyat al- ḥakīm est un témoin majeur. 5 Živa Vesel s’intéresse au al-Sirr al-maktūm fī mukhāṭabat (Le secret invisible au sujet de l’invocation des étoiles), de Fakhr al-Dīn Rāzī († 1210), proche des cours de l’Iran oriental. Sa communication privilégie quelques aspects de ce traité (les planètes, les décans et les degrés de l’écliptique), qui éclairent à leur tour les pratiques ḥarrāniennes. 6 Alejandro García Avilés assure la jonction entre l’Orient et l’Occident. Il part de la césure qui s’est produite au XIIe siècle latin dans le monde du savoir – « La contemplation de la nature comme śuvre de la Création divine cède progressivement la place à son observation comme moyen de dévoiler ses secrets occultes » (p. 102) – et documente un tel changement en recourant principalement à certains travaux patronnés par Alphonse X (les Cantigas de Santa Maria, le Libro de astromagia, le Lapidario alphonsin, le Liber Razielis et évidemment le Picatrix). Fidèle à l’une des recommandations énoncées dans l’Astromagia – « J’ai déjà tout dit et tout expliqué. Maintenant comprends-le grâce aux images » –, il argumente pour l’essentiel à partir de l’iconographie des manuscrits. La diffusion des écrits retenus relance une interrogation présente tout au long de la chrétienté, avec une intensité variable : quelle est la légitimité de la connaissance, et plus spécialement de la connaissance magique ? Pareille question revient en force aux XIIe et XIIIe siècles. La réponse consiste à différencier les savoirs selon qu’ils sont jugés se réclamer soit des anges, soit des démons, ou soit de la nature, soit des artifices… 7 La deuxième partie, Rituels et images, traite en cinq communications du seul Picatrix. Nicolas Weill-Parot s’interroge sur le substrat théorique d’une telle compilation ; à ce titre, sa contribution mérite un résumé moins succinct que les autres. L’historien construit son analyse en trois étapes, en puisant largement dans le Picatrix pour les deux premières. Il commence par dresser une typologie des talismans : il distingue ceux qui représentent des figures géométriques de ceux qui représentent des formes naturelles (qualifiés de « corporéiformes » ; le couple usuel d’antonymes « abstrait / figuratif » serait peut-être moins lourd) ; et, parmi ces derniers, ceux qui ont deux dimensions (figures peintes) de ceux qui en ont trois (statuettes), sans compter les sceaux, qui occupent une position médiane. Un nouveau critère différencie les talismans corporéiformes : les uns sont de source (ils sont à la ressemblance de la source d’où émane la force que la séance talismanique cherche à canaliser), les autres, de cible (ils sont à la ressemblance de l’objet sur lequel uploads/Litterature/crm-12703.pdf
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- Publié le Dec 05, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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