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HAL Id: hal-03174118 https://hal.science/hal-03174118 Submitted on 18 Mar 2021 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Hybridation identitaire et littéraire : Comment cuisiner son mari à l’africaine (Calixthe Beyala) dans un petit appartement parisien ? Marion Coste To cite this version: Marion Coste. Hybridation identitaire et littéraire : Comment cuisiner son mari à l’africaine (Cal- ixthe Beyala) dans un petit appartement parisien ?. Immigration et francographie: Bilan, enjeux et perspectives„ A paraître. ￿hal-03174118￿ 1 Marion Coste Docteur ès lettres, Paris-3 - Sorbonne-Nouvelle. Membre associée de l’unité mixte de recherche « Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité » (THALIM) de l’université Paris-3 - Sorbonne-Nouvelle. Hybridation identitaire et littéraire : Comment cuisiner son mari à l’africaine (Calixthe Beyala) dans un petit appartement parisien ? Résumé : Comment cuisiner son mari à l’africaine raconte comment Aïssatou, africaine immigrée à Paris qui a adopté un mode de vie occidental, se conforme à une image de la femme africaine soumise à son mari afin de séduire Bolobolo, immigré malien. Cet article tente de montrer qu’il ne s’agit pas d’un retour aux sources harmonieux et réparateur pour Aïssatou, mais d’une tricherie identitaire dont émerge une philosophie hybride et désabusée. Après avoir montré que l’occidentalisation d’Aïssatou l’amène à perdre son identité, nous démontrerons que son retour à un mode de vie africain, plus ou moins fantasmé et mythique, est aussi une façon de brimer son identité de femme. Nous étudierons alors l’hybridité identitaire d’Aïssatou. Nous la lierons à l’hybridité formelle du roman, qui entremêle recettes de cuisine africaines données par la mère d’Aïssatou et passages romanesques où Aïssatou raconte son existence. La philosophie hybride et désabusée d’Aïssatou permet de renvoyer dos à dos la misogynie occidentale et la misogynie africaine et fait de l’immigrée l’ambassadrice d’une voix féministe capable de transcender les différences de race pour faire ressortir la violence patriarcale subie par les femmes du monde entier. Summary : How to cook your husband in the African way describes how Aïssatou, an African girl immigrated in Paris who turned to an occidental way of life, will change into an image of a typical African wife, submitting herself to her husband Bolobolo, a Malian immigrate, in order to seduct him. In this article, we'll try to point out that this is not for Aïssatou a matter of an harmonious and repairing return to her roots, but rather a kind of identity cheating, which will end in an hybrid and desillusioned philosophy. We'll see first that Aïssatou's occidentalisation brings her to lose her identity, and then we'll demonstrate that her turnaback to an African way of life, more or less fantasized and mythic, is also a way of squelching her identity as a woman. We'll study Aïssatou's sedentary hybridity, linking it with the formal hybridity of the novel, which entangles African recipes from Aïssatou's mother, with chapters in which she describes her own life. Aïssatou's hybrid and desabused philosophy allows us to reject as a whole both Occidental and African misogyny, and makes out of the immigrant an ambassador of a feminist voice, which could transcend the differences between races, and reveal the patriarchal abuses undergone by women in the whole world. Calixthe Beyala, autrice franco-camerounaise, a écrit plusieurs livres donnant à voir la vie des immigrés africains à Paris. On peut penser au Petit Prince de Belleville, à Maman a un amant, au Roman de Pauline, aux Honneurs perdus. Dans Comment cuisiner son mari à l’africaine, elle met en scène une jeune femme d’origine africaine qui tente de séduire un homme. Elle utilise d’abord des techniques de séduction qu’elle associe à la culture française : elle s’impose des régimes alimentaires draconiens afin d’être svelte, porte des minijupes et des talons hauts. Devant son manque de succès, elle change de stratégie et met en œuvre des 2 procédés de séduction qu’elle associe à la culture africaine, et plus spécifiquement à sa mère : elle prépare des plats traditionnels africains, ne critique jamais ce que fait l’homme, accepte jusqu’à ses infidélités. Les représentations de l’immigration chez Calixthe Beyala ont pour caractéristique de différencier l’attitude des hommes et celle des femmes : si la femme cherche une forme d’émancipation et remet en question sa culture d’origine, l’homme cherche à la conserver. Enfin, il apparaît que chez Beyala la figure du décentrage est enfantine ou féminine, alors que l’adulte masculin est représentatif du conservatisme culturel. S’il semble d’ailleurs qu’il s’agit d’une tendance de l’écriture féminine qui consiste à donner la parole aux marginaux (les femmes et les enfants notamment), il est évident également que chez cet auteur, il y a subversion des rôles sociaux à travers sa fiction, par une mise en scène prépondérante des figures féminines (Atangana Kouna 2010 : 148). Bien souvent, les femmes africaines profitent de l’immigration en France pour s’émanciper et se développer : Chez Beyala par exemple, les protagonistes féminins en particulier montrent l’immigration comme expérience transformative ascendante. Certaines d’entre elles, à travers leur échec, illustrent également les écueils et les dangers possibles de cette expérience (Cazenave 2003 : 138). La particularité de ce roman tient en ce qu’ici, il est difficile de dire si l’expérience de l’immigration est profitable ou dommageable pour Aïssatou. Si, dans un premier temps, on pourrait croire que ce roman raconte une déculturation nocive puis un retour à la culture africaine bénéfique, puisqu’il permet à la jeune femme d’atteindre son objectif (séduire Bolobolo), nous verrons pourtant qu’il n’en est rien. La culture occidentale ne conduit pas la narratrice vers l’émancipation, et le retour à ses racines culturelles se révèle tout aussi insatisfaisant. Dans un premier temps, Aïssatou renonce à un certain décentrage identitaire, qui l’éloigne de sa culture d’origine, pour séduire Bolobolo, qui incarne tout au long du roman le « conservatisme culturel » cité ci-dessus. Le retour à sa culture africaine apparaît comme une réparation, lui permettant d’échapper à l’anorexie et à la soumission sociale, imposées par le modèle occidental : Aïssatou gagne sa vie en nettoyant les toilettes et s’impose un régime alimentaire draconien pour être maigre. Cependant, ce retour à une certaine représentation de la culture africaine l’amène aussi à renoncer à son indépendance, voire à son intégrité : elle devient menteuse, cache ses peines à son mari et accepte toutes sortes de désillusions. Le personnage d’Aïssatou est doublement confronté à l’altérité : d’abord par sa biculturalité, et ensuite par l’amour qu’elle éprouve envers Bolobolo, qui la poussera à un certain reniement d’elle-même. Elle expérimente son altérité en tant que Noire dans un système raciste, puis en tant que femme dans un système misogyne. La rencontre de l’altérité structure aussi le livre au niveau littéraire, puisque entre chaque chapitre narratif, on trouve une recette de cuisine. De plus, chaque chapitre se termine par une citation imaginaire de la mère : la jeune fille imagine ce qu’aurait dit sa mère. L’hétérogénéité énonciative est d’ailleurs caractéristique, d’après Christiane Albert, des romans de l’immigration : En mettant en scène dans leurs romans des personnages d’immigré en décalage par rapport à la société occidentale, les romans de l’immigration élaborent une situation d’énonciation que le concept de la scénographie […] permet de décrire comme un espace hétérogène postcolonial où coexistent plusieurs univers culturels et linguistiques (Albert 2005, 149). Dans la suite des travaux de Christiane Albert (2005), Odile Cazenave (2003) et Christophe Désiré Atangana Kouna (2010), nous nous demanderons en quoi le cheminement d’Aïssatou révèle les difficultés et les richesses offertes par sa situation d’immigrée. Nous insisterons particulièrement sur les nuances du discours de Calixthe Beyala, qui ne glorifie ni la culture 3 occidentale ni la culture africaine et montre la nécessité d’imaginer une culture hybride, capable de repenser, notamment, l’identité féminine et les rapports homme-femme. I) Anorexie et assimilation. Aïssatou a quitté son pays d’Afrique pour rejoindre la France, et elle a fait le choix d’une assimilation agressive, voire masochiste. Les deux premiers chapitres sont rythmés par la litanie des « J’ignore quand je suis devenue blanche », qui apparaissent quatre fois, précédés d’un « Je suis noire ». J’ignore quand je suis devenue blanche, mais je sais que je me décrêpe les cheveux avec du Skin Succès fort. J’ignore quand je suis devenue blanche, je me desquame la peau avec Vénus de Milo et, dans la même logique, je brime mon corps, jusqu’à le rendre minimaliste (CCSMA : 12)1. J’ignore quand je suis devenue blanche, parce qu’il en est ainsi du temps lorsque l’on vit côte à côte, que les jours s’accumulent et deviennent si nombreux qu’ils se mêlent les uns aux autres jusqu’à se confondre (Ibid : 13). J’ignore quand je suis uploads/Litterature/hybridation-identitaire-et-litteraire-comment-cuisiner-son-mari-a-l-x27-africaine-calixthe-beyala-dans-un-petit-appartement-parisien.pdf

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