Revue belge de philologie et d'histoire Papadopoulou-Belmehdi (Ioanna). Le chan
Revue belge de philologie et d'histoire Papadopoulou-Belmehdi (Ioanna). Le chant de Pénélope. Poétique du tissage féminin dans l'Odyssée. Pascale Hummel Citer ce document / Cite this document : Hummel Pascale. Papadopoulou-Belmehdi (Ioanna). Le chant de Pénélope. Poétique du tissage féminin dans l'Odyssée.. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 74, fasc. 1, 1996. Antiquité - Oudheid. pp. 194-196; https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1996_num_74_1_6986_t1_0194_0000_2 Fichier pdf généré le 17/04/2018 194 kroniek il commence par celle du traité final, qui contient la morale définitive d'Aristote. Ainsi voit-on plus clairement en quoi les trois autres n'en constituent que les approches. L'ouvrage est agréablement présenté, avec des tableaux clairs, et un précieux vocabulaire aristotélicien de la philosophie pratique. Il est regrettable que la typographie, trop dense, contraigne à un tel effort d'accommodation, même si l'on est finalement payé de sa peine. De plus, mis à part le glossaire dont je viens de parler, il est dommage que l'éditeur ait pris le parti de translittérer les nombreux termes grecs dont l'ouvrage est, par nature, semé. - Lucien Jerphagnon. Papadopoulou-Belmehdi (Ioanna). Le chant de Pénélope. Poétique du tissage féminin dans /'Odyssée. Paris, Belin, 1994; 1 vol. 14X20,5 cm, 224 p. Prix: FF 125. - Parmi les personnages odysséens, Pénélope semble remplir une fonction si clairement définie et délimitée que peu nombreux sont les lecteurs d'Homère qui ont, à ce jour, éprouvé le besoin d'en analyser la portée dans l'économie narrative de l'épopée. Or c'est cette tâche précisément que s'est proposée I. Papadopoulou-Belmehdi dans le présent ouvrage où elle nous entraîne dans une (re)découverte passionnante de la figure de Pénélope dont elle tisse le portrait littéraire et poétique. Dépassant les cadres étroits de la description prosopographique romanesque ou épique, l'auteur place Pénélope au centre d'une stratégie narrative de ruse dans laquelle l'activité du tissage requiert une interprétation à la fois littérale et métaphorique. La toile, quotidiennement défaite et retissée, revêt la signification d'un langage codé qui met en œuvre une puissance d'«analyse», entendue ici à la fois dans son acception étymologique et matérielle d'effilage de la toile comme en β 109 et dans l'acception figurée que I. P.-B. nous révèle par-delà la surface du récit. La réalisation de l'ouvrage symbolise ainsi contradictoi- rement la conformité à une occupation féminine conventionnelle et l'accomplissement d'un travail de subversion souterrain et silencieux. La démonstration se déroule au fil de quatre parties principales à l'intérieur desquelles l'auteur prend soin de baliser le parcours du lecteur par des jalons intermédiaires, peut-être même trop nombreux par endroits. On notera que les formulations ne manquent ni de poésie ni d'imagination («tisserandes de l'utopie», «l'arc-qui- chante», «la parole et le fil», etc.), au risque, parfois, d'engendrer une surinterprétation incongrue (par ex. «humain trop humain» p. 175). La première section, intitulée «l'Ithaque de Pénélope», replace Pénélope dans le contexte narratif de l'aventure odys- séenne, à savoir l'éloignement d'Ulysse et la présence importune des prétendants dans le manoir royal. Les trois évocations dont la réalisation inachevée de la toile fait l'objet dans l'œuvre (β 85-128, τ 137-161, ω 120-150) manifestent la tension de l'affrontement latent entre Pénélope et ses soupirants. Au cœur de Yagôn amoureux se trouve la question de la mémoire d'Ulysse, oublié des dieux et des hommes, dont Athéna ravive la flamme dans Télémaque et dont Pénélope conserve le souvenir dans la solitude d'une fidélité conjugale exposée aux assauts de prétendants oublieux et insouciants. L'existence de la reine se déroule ainsi dans la tension déchirante entre le deuil du non-oubli, associé au désir du retour, et les exigences oppressantes d'un remariage. Le tissage matérialise le décalage hypocrite entre l'acceptation apparente de la mort d'Ulysse et la constance inébranlable dans la foi en son retour. Plutôt qu'une figure passive et inactive, Pénélope incarne le leurre d'une immobilité active qui parvient à aveugler et, pour ainsi dire, à anesthésier les prétendants outrecuidants. Elle offre plus d'une ressemblance avec le personnage d'Achille dont elle est, dans une certaine mesure, l'équivalent féminin de YOdyssée; elle partage avec lui une attitude de retrait faussement contemplatif et une conception du monde obstinément absolue. Incarnation de la mémoire vivante et véridique, Pénélope oppose à l'aède Phémios, dont le chant CHRONIQUE 195 suggère que le destin d'Ulysse est accompli, la foi en un destin que seul le retour pourra parachever. L'auteur en vient ainsi à observer que Pénélope agit comme un «personnage-penseur» (expression empruntée à Dodds) dont la conduite laisse entendre la voix du poète et entrevoir ses desseins narratifs. La seconde section à laquelle I. R-B. a donné le beau, et au premier abord énigma- tique, titre de «Tisserandes de l'utopie» contient l'analyse des images, tantôt conformistes, tantôt paradoxales, de la féminité qu'incarnent Pénélope et les autres présences féminines de V Odyssée. L'état prémarital auquel Pénélope se trouve renvoyée par sa position de femme privée d'un époux visible et reconnu vivant caractérise en propre la situation des «nymphes», dont l'antre est explicitement évoqué lors du retour d'Ulysse à Ithaque et dont l'existence se définit par la stérilité d'une sociabilité close sur elle-même. Les amantes occasionnelles d'Ulysse que sont Circé, Calypso et Nausicaa incarnent de même la séduction stérile d'une féminité asociale et l'impossibilité d'un accomplissement marital. Elles constituent autant de jalons vers l'épreuve prémaritale de l'affrontement avec les prétendants où Ulysse reconquiert une seconde fois la main de Pénélope. Le retour du héros clôt ainsi la période de régression au stade prémarital des deux époux. Indissociable, le couple protagoniste de VOdyssée symbolise les variantes masculine et féminine du pouvoir et de la gloire dont I. P.-B. résume la complémentarité dans la jolie formule «gouverner la cité comme on travaille la laine». Le verbe τολυπεύω dénote le tissage masculin de ruses et d'intrigues qui ne peut être que métaphorique, alors que le tissage littéral semble réservé aux femmes. Or il revient à Pénélope de réaliser l'inversion symbolique de cette répartition fonctionnelle en confondant tissage et μήτις et en faisant de l'activité féminine par excellence un allomorphe de la fonction dirigeante, c'est-à-dire l'équivalent féminin de la renommée et du pouvoir masculins. Dans la troisième partie, «Le rituel est poétique», l'auteur met le tissage en relation avec les questions fondamentales des étapes de la vie. L'arc qui est l'instrument du meurtre des prétendants symbolise ainsi l'association apollinienne et artémisienne du mariage et de la mort. Or c'est Pénélope, instigatrice du recours à cette arme, qui assume le rôle d'artisan indirect de la mort des prétendants. À travers elle, l'arc n'est pas seulement instrument de mort, mais se trouve également associé au chant des oiseaux comme l'illustre le mythe de Philomèle et Procnè, à partir duquel I. P.-B., associant l'héroïne homérique et Aédon, forge le composé «Pénélope-Rossignol». De même que le chant est le langage des volatiles, le tissage constitue la forme féminine de la parole qui, parce qu'elle se trouve liée au pouvoir exécutoire, se présente comme une prérogative jalousement masculine. À y regarder de près, Pénélope, loin de jouer les veuves éplorées, concentre dans l'activité, illusoirement anodine, du tissage la revendication d'un pouvoir qu'elle dispute implicitement à son fils. La démonstration s'achève par le développement intitulé «le tissage de la matière épique» où l'auteur tisse des liens entre la matière narrative examinée jusque-là et la manière épique du poète. Jalonnée de figures masculines et féminines de la mémoire et de l'oubli, l'épopée homérique met en scène la tension essentielle entre la mort et l'immortalité. Alors que la gloire (κλέος) est associée à la mort héroïque dans la tradition iliadique, elle se trouve conjuguée à l'idée de retour ou de nostalgie (νόστος) à travers le couple Ulysse-Pénélope, qui réalise ainsi l'inversion des valeurs iliadiques par l'idée d'un accomplissement héroïque étranger à la disparition sur le champ de bataille. L'errance symbolique d'Ulysse présente le refus de l'immortalité irréelle et «nymphique», proposée par Calypso ou Nausicaa, comme l'expression de la volonté de rester dans les limites de l'humain. Sa μήτις vaut au héros non pas l'immortalité du combat, mais l'éternité poétique de la gloire du chant. Pénélope est une pièce maît- 196 kroniek resse de ce dispositif d'inversion des valeurs iliadiques; supérieurement habile (περίφρων), elle rend possible la destinée d'Ulysse en faisant du tissage une stratégie pacifique et guerrière à la fois. Comme le suggère la conclusion générale, Pénélope se trouve ainsi placée aux côtés d'Homère avec lequel elle partage la fonction d'artisan du κλέος. La démarche de l'auteur, on le voit, est à chaque page stimulante, même si le lecteur ne peut se défendre parfois du sentiment que certaines répétitions eussent pu être évitées par une rigueur plus sûre. Mais I. P.-B. a choisi de tempérer la fermeté de sa démonstration par une élégance pour ainsi dire poétique qui ajoute au charme du propos. La présente monographie laisse bien augurer en tout cas de l'intérêt du travail plus vaste dont elle n'est qu'un extrait, à savoir la thèse soutenue en juin 1992 sous le titre L'art de Pandora. La mythologie du tissage en Grèce ancienne, qui nous promet l'évocation d'autres figures féminines avec lesquelles on peut escompter que l'auteur saura nous séduire. — Pascale Hummel. Pappas (Théodoros G.). Ο uploads/Litterature/le-chant-de-pe-ne-lope-poe-tique-du-tissage-fe-minin-dans-l-x27-odysse-e.pdf
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- Publié le Apv 30, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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