Repères pour la rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire
Repères pour la rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire "L'analyse du discours" Dominique Maingueneau Citer ce document / Cite this document : Maingueneau Dominique. "L'analyse du discours". In: Repères pour la rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire, n°51, 1979. Analyse des discours. pp. 3-27; doi : https://doi.org/10.3406/reper.1979.1614 https://www.persee.fr/doc/reper_0755-7906_1979_num_51_1_1614 Fichier pdf généré le 12/04/2018 L'ANALYSE DU DISCOURS Dominique MAINGUENEAU Université d'Amiens CADRE DE L'ANALYSE DU DISCOURS L'analyse du discours suppose une remise en cause d'une certaine interprétation de la dichotomie saussurienne langue/parole , celle qui fait de la langue le domaine de l'universel, du systématique pour l'opposer à la parole, domaine de l'individuel, de la liberté des sujets parlants. Cette interprétation était d'ailleurs renforcée par le fait que le Cours de linguistique générale" renvoyai t à la "pa¬ role", l'organisation syntaxique de la phrase. Contre cette conception l'analyse du discours pose que la parole elle-même, obéit à un réseau systématique de contraintes, dont le fonctionnement échappe aux représentations des énonciateurs . Malheureusement, l'analyse du discours souffre d'avoir trop bonne presse chez les uns et trop mauvaise chez les autres. Les premiers ont tendance à y voir une sorte de panacée aux problèmes linguistiques, l'amorce de cette "translinguistique" utopique qui réconcilierait enfin la langue avec le "concret", le "social", 1 ' "histoire" .. . Les seconds la considèrent plutôt comme un ensemble disparate de techniques rudimentaires qui restent à l'extérieur de la méthodologie linguistique; pour eux l'analyse du discours est vouée à l'étude de 1 ' "extralinguistique" . Ce que ces positions extrêmes soulignent, c'est les problèmes que pose l'articulation de l'analyse du discours sur la linguistique : en fait-elle partie ? et, dans ce cas, il faut remodeler ses limites ; en est-elle totalement indépendante Ces dernières questions sont en réalité dépendantes de la définition donnée au terme discours , et il s'en faut de beaucoup qu'il y ait un concensus sur ce point. Dans mon "Initiation aux méthodes de l'analyse du discours") j'avais relevé pas moins de six défi¬ nitions différentes de ce mot, toutes parfaitement reçues dans la littérature linguistique : variante de la parole saussurienne unité de dimension supérieure à la phrase, énoncé, message. unité transphrastique intégrée à l'analyse lin¬ guistique, qui étudie les règles liant les unes aux autres, les phrases qui la composent. - Discours 4 : en France essentiellement, on oppose énoncé et discours de la manière suivante : "L'énoncé, c'est la suite des phrases émises entre deux blancs sémantiques, deux arrêts de la commu¬ nication, le discours, c'est l'énoncé considéré du point de vue du mécanisme discursif qui le conditionne. Ainsi un regard jeté sur un texte du point de vue de sa structuration "en langue" ---------- _ (1) Collection : "Langue, Linguistique, Communication", Hachette Université. Présentation dans "Repères" N° 48. Di scours 1 Di scours 2 Di scours 3 4 en fait un énoncé; une étude linguistique des conditions de production de ce texte en fera un discours" (L. Gue sp in , Langages)' 23, p. 10) dans le cadre des thèmes de 1 ' énonciation , le discours c'est l'énoncé linguistique intégré à un acte d ' énonciation ; par exemple, E.Benveniste entend ainsi "discours" : "toute énonciation suppose un locuteur et un auditeur, et chez j le premier l'intention d'influencer l'autre j en quelque manière" ; ce qui lui fait dire que j " 1 ' énonciation suppose la conversion individuelle de la langue en discours". on oppose souvent en sémantique la langue entendue comme ensemble d'unités aux effets de sens virtuels au discours conçu comme lieu d'une contextualisation imprévisible. on pourrait ajouter une septième acception, j celle qui est à l'oeuvre dans des syntagmes, tels le discours médi¬ cal , le discours juridique, etc... où discours renvoie à un ensemble ! de contraintes typologiques . Nul doute qu'il n'existe encore d'autre j usages de ce terme, mais il nous semble que les deux emplois dont 1_J_ analyse du discours a le plus besoin de se démarquer à l'heure actuelle sont discours 5 et discours 3 ; en effet, comme on va le voir, la principale difficulté" "pour asseoir discours 4 vient de ce que l'analyse du discours traverse le champ de 1 ' énonciation comme celui de la linguistique textuelle : . Les théoriesie 1 ' énonciation ont tendance à utiliser 1 ' opposition énoncé /discours à deux niveaux différents. A un premier niveau, comme le fait Benveniste, pour opposer une linguistique de 1 ' énonciation à une linguistique qui 'analyse les énoncés comme de simples combinaisons d'unités, indépendamment de tout acte de communication : dans ce cas, le "discours" relève encore de la"langue" au sens : saussurien, c'est-à-dire d'un système universel de règles, s 'imposant aux locuteurs. A un deuxième niveau, il en va autrement : dans la perspective d'O. Ducrot (parmi bien d'autres) qui fait intervenir dans l'interprétation sémantique deux "composants" , un composant j linguistique (qui assigne un sens littéral aux énoncés) et un compo- j sant rhétorique (qui interprète l'énoncé en l'intégrant à une j situation de communication déterminée). P. Charaudeau oppose ainsi j "énoncé" et "discours" (1) : Enoncé + "circonstances l Usage - consensus i Sens autrement dit, "si on considère l'énoncé dans son cadre énonciatif, alors cet énoncé devient discours avec, outre son sens-consensus une signification spécifique". (l)vxEtudes de Linguistique appliquée') N° 11, 1973. - Discours 5 : - Discours 6 : A cette liste, de communication" = Discours I Spécificité Signification . j 5 Il est bien évident qu'une analyse du discours au sens de, discours 4) travaille en principe au-delà de cette dernière distinction : l'interprétation sémantique est censée acquise et les mécanismes qu'elle cherche à dégager se situent sur un autre plan. Toutefois, et c'est là un très sérieux problème, il est impos¬ sible de considérer comme étanches le champ des "circonstances de communication" de Charaudeau et celui des "conditions de production" qui intéressent l'analyse du discours. . Certains autres ont tendance à confondre l'analyse du dis¬ cours avec la "linguistique textuelle", branche de la linguistique qui prend pour objet des régularités dépassant le cadre de la phrase. L'opposition n'y est donc pas entre "énoncé" et "discours" mais entre "phrase" et "discours" , ou plus exactement "texte" , nom donné à une unité linguistique transphrastique . L'analyse du discours, si elle prend appui sur les résultats obtenus par la linguistique tex¬ tuelle, ne saurait pourtant en aucun cas se confondre avec cette dernière. Malheureusement, ici encore il n'y a pas de cloison étanche entre les deux disciplines, car la linguistique textuelle fait inévitablement intervenir des considérations liées à l'analyse du discours, par exemple, l'étude des temps du passé ne peut s'abstraire des problèmes de narratologie . On s'en rend compte, l'analyse du discours recoupe l'ensemble des domaines de la linguistique ; de fait, si l'on revient à la définition de L. Guespin, on s'aperçoit qu'elle a l'immense mérite de définir l'analyse du discours comme un p_oint de vue heur i s t i que sur un objet linguistique. Il n'y a donc pas de sous-ensemble d'énoncés relevant a priori de l'analyse du discours, mais les mêmes énoncés sont passibles d'une analyse linguistique aussi bien que d'une approche en termes de discours et de conditions de production. Encore ne faudrait-il pas se méprendre sur ces "conditions de production" : cela ne signifie pas pour autant que l'analyse a pour unique objectif de "brancher" directement les structures linguistiques sur une topique historique et sociologique. Il y a une relative autonomie du niveau discursif, et ce qui en dernier ressort, détermine une perspective d'analyse du discours, c'est le fait de considérer son objet dans la singularité de son fonctionnement au lieu de n'y lire qu'une réalisation du système de la langue. En fin de compte, la démarche de l'analyse du discours peut se résumer ainsi : sur un corpus défini à partir d'hypothèses d' ordre extra-linguistique, il convient de montrer comment ont été explorées les diverses ressources du système de la langue pour aboutir au fonctionnement de ce corpus-ci. A ce travail sur les réseaux de la langue il faut toutefois ajouter un certain nombre d'autres instances de codage, d'ordre typologique. En effet, les règles de la langue ne sont qu'une part des règles régissant la production d'un texte déterminé ; entre ces contraintes très générales, et chaque texte particul ier , il y a une indétermination considérable, comblée par un ensemble de règles typologiques de divers ordres : très générales (argumentation, narration ...), relativement spécifiées (discours juridique, discours scientifique...), spécifiées (tel type d'énoncé journalistique, d'énoncé publicitaire ...). L'analyse du discours travaille donc dans deux directions complémentaires : ../... 6 a) elle cherche à faire une théorie de la typologie des discours, la plus fine possible ; b) elle cherche à construire un appareil méthologique qui lui permettra d'aborder l'étude de corpus déterminés. Ces corpus sont très souvent, et c'est d'ailleurs souhaitable, constitués de la mise en comparaison de plusieurs discours associés en fonction d'hypothèses d'ordre à la fois méthodologique et socio- historiquei.i La comparaison, si elle est pertinente, uploads/Management/ analyse-discours.pdf
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- Publié le Oct 16, 2022
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- Langue French
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