Existe-t-il un leadership féminin en République Démocratique du Congo (RDC)? Et

Existe-t-il un leadership féminin en République Démocratique du Congo (RDC)? Etude de quelques personnages. Pitshou Moleka, PhD. Affiliation: Managing Research African Network Contact: sodecordc1@gmail.com Julienne Mujinga : experte en leadership féminin et développement communautaire. Contact : elyonmujinga2@gmail.com Résumé La question du leadership féminin est de plus en plus débattue comme paradigme dans plusieurs travaux (Sahraoui Bentaleb, 2020 ; Fortier, 2008 ; Leszczyńska, Lesca, & Thénot, 2020). Qu’en est-il de la situation de la RDC qui est un pays à caractère patriarcale ou phallocratique ? A travers cet article, nous allons analyser la vie de quelques femmes qui par leurs actions attestent ou non l’existence du leadership féminin dans ce pays. Il s’agit d’un échantillon de trois figures féminines congolaises ( Kimpa Vita, Tumba Shaumba et Olangi Wosho), qui ont toutes évolué dans le domaine religieux, à part Kimpa Vita qui était engagée en politique. Cet article commence par définir le concept leadership et donner quelques caractéristiques du leadership féminin, après nous examinons la vie de quelques femmes qui ont eu à impacter la société congolaise, ensuite nous essayons d’en dégager les implications, enfin nous concluons en annonçant les prochaines pistes de recherche. Mots clés : leadership féminin, République démocratique du Congo, paradigme du leadership, approche genre, management, participation politique des femmes, Kimpa Vita, Tumba Shaumba, Olangi Wosho. A. Quelques approches dans le domaine du leadership De manière générale, il y a quatre tendances pour comprendre le leadership (Bolden et Kirk, 2009) : -Les théories essentialistes adoptent une perspective objectiviste sur le leadership selon laquelle il est présenté de manière plutôt non problématique comme quelque chose que font les leaders envers les suiveurs. Les modèles de traits et de comportements dominants jusque dans les années 1970 (Blake et Mouton, 1964), les perspectives situationnelles, de contingence ainsi que le leadership transformationnel théorisé par Bernard Bass sont à situer dans ce cadre. Dans chaque cas, le leader est représenté comme ayant les qualités adéquates pour mieux agir. Et au niveau des organisations, on identifier ce qui constitue l’efficacité d’un leader afin d'éclairer la sélection, l'évaluation et le développement des leaders. L’ouvrage « LEAD » de Lituchy, Galperin et Punnett (2017) qui montrent des voies d’adaptabilité pour un leadership efficace dans une Afrique en pleine émergence est à situer dans le même contexte. - Les théories relationnelles adoptent une position quelque peu différente, affirmant que le leadership ne réside pas dans les dirigeants eux-mêmes, mais dans leur relation avec les autres. Le leadership constitue un processus d'influence sociale où une coordination émergente ou un ordre social en évolution et un changement, c'est-à-dire de nouvelles valeurs, attitudes, approches, comportements, idéologies sont construits et produits. Ici le leadership n'est plus individuel mais constitue une qualité du groupe, les différentes fonctions que doivent réaliser le groupe. Henri Mintzberg, l’un de grands penseurs en matière de leadership et management parle de comunityship (2008), un leadership du groupe exercé par plusieurs personnes et suivant les capacités de chacune. -Les théories critiques voient dans le leadership une manière de maintenir des relations de statut et légitimer la distribution inégale du pouvoir et des ressources, le contrôle et la dépendance. -La perspective constructionniste comprend le leadership comme le fait de construire des significations partagées et qui permettent aux gens de donner un sens à leur situation difficile. Dans cette perspective, le leadership est fondamentalement considéré comme un processus de création de sens (sensemaking), élaboré par Karl Weick qui doit être diffusé ( sensegiving) ( Weick, 1995 ; Lesage, 2015). C’est aussi le cas avec la théorie des mondes à partir des travaux de Boltanski et Thévenot qui voient dans le leadership la capacité à diagnostiquer et comprendre le monde actuel, à concevoir et incarner le monde voulu et établir des passerelles pour que les autres y accèdent. Ces approches montrent que ce n’est pas facile de donner une définition du leadership qui soit consensuelle et qui tienne compte de différents contextes culturels. Mango (2018) citant Kellerman identifie plus de 1500 définitions du concept leadership. A la suite du même auteur, nous pouvons montrer certains éléments clés qui forment le leadership: le caractère ou les valeurs éthiques afin d’avoir une certaine autorité afin d’influencer et servir de modèle comme l’intégrité, l’honnêteté, le courage; la praxis ou l’intelligence pratique comportant les meilleures stratégies pour mobiliser le groupe et atteindre des objectifs, il s’agit de la capacité d’atteindre les résultats ; la capacité de développer l’organisation en y apportant le changement, l’innovation, de nouvelles structures, de nouvelles procédures et politiques, de nouveaux systèmes, en établissant une nouvelle culture (Mango, 2018). Nous pouvons aussi ajouter l’impact, le fait des laisser des traces, des empruntes et des marques, pouvoir servir de modèle pour les autres par son bon exemple. Drouillard et Kleiner affirment que le leadership n'est pas seulement une question d'influence et d'efficacité, Hitler était bon dans les deux, mais son leadership ne vaut pas la peine d'être imité. Un leadership qui vaut la peine d'être poursuivi doit être fondé sur et dans la moralité ou l'éthique. Pour eux, le leadership est l'influence sur les autres, au moyen de la raison et de l'inclusion, pour atteindre des objectifs organisationnels qui sont dans le meilleur intérêt à long terme de toutes les personnes impliquées, avec le bien-être de la société à l'esprit (1996). Bref, on peut conclure que le leader est un homme ou une femme qui par la parole, les actes, l'exemple personnel de sa vie, influence de façon marquée les comportements, les pensées, les attitudes, les actions, les sentiments d'un grand nombre de gens. Concernant le leadership féminin, Eviatiwi Kusumaningtyas (2020) le conçoit comme la capacité de bouger, d’influencer, de motiver, de diriger, de conseiller, de guider, d’ordonner, d’interdire et même de punir en cas de besoin afin d'atteindre les objectifs communs efficacement, et cela sous la conduite d’une femme. Le qualificatif féminin conduit à des traits qui se réfèrent aux attitudes, tandis que le leadership se réfère aux actions, donc le leadership féminin peut être compris et interprété comme des actions menées par des dirigeants sur la base de traits féminins. Les femmes utilisent plus l’intuition, cette capacité de saisir la réalité sans raisonnement, considérée comme la plus haute forme d’intelligence (Pellé-Reimers, 2021). C’est une des composantes de l’intelligence spirituelle qui est un must dans le leadership de nos jours (Moleka, 2021). C’est le cas de Catherine Flurin, dirigeante de Ballot-Flurin, une entreprise cosmétique en France qui a prévenu ses collaborateurs de prendre toutes les précautions car il y aurait l’arrivée de crises sanitaires. Et cela six mois avant l’apparition du Covid-19, elle a ressenti cela par intuition (Pellé-Reimers, 2021) et son entreprise a connu du succès durant la pandémie. Les leaders femmes ont un style « relation-oriented » (basé sur les relations) alors que les males sont « task-oriented » (style basé sur les tâches à accomplir). Les travaux de Bass, Avolio et Atwater (1996) ont eu à étudier les différences de styles de leadership transformationnel et transactionnel chez les hommes et les femmes, partant du « Multifactor Leadership Questionnaire ». Les résultats montrent que les femmes manifestent plus le style du leadership transformationnel comme le charisme, la considération individualisée plutôt que les hommes. B. Quelques figures Nous nous limiterons seulement à quelques femmes qui ont impacté la vie sociopolitique et spirituelle ou religieuse de la RDC et qui servent d’échantillon. Selon Eviatiwi Kusumaningtyas (2020), le paradigme féminin est souvent associé à des perspectives religieuses mais cela n’exclut pas les autres éléments. Selon Tshibwabwa (2013), si l’on prend la période coloniale comme point de départ de l’étude du nationalisme congolais, on introduit un biais méthodologique qui est à situer dans la méconnaissance du genre comme catégorie d’analyse ou comme outil heuristique comme le sont la classe sociale, la race ou la religion. Ainsi on parle plus de figures masculines comme Kimbangu, Kasavubu et Lumumba, oubliant Kimpa Vita. Et nous commençons par elle dans cet article. 1. Kimpa Vita: Appelée Dona Béatrice et surnommée la Jeanne d’Arc d’Afrique pour avoir été brûlée vive avec son enfant sur le dos par les Portugais au XVIIIe siècle, elle a dirigé tout un mouvement de résistance contre l’esclavage des Noirs de son royaume et contre la domination des Portugais qui occupaient le territoire Kongo depuis le XVe siècle. Kimpa Vita a entraîné dans cette mouvance nationaliste hommes et femmes, elle a sacrifié sa vie pour le triomphe de la liberté. En effet, suite à la coopération entre le Portugal et le royaume Kongo, en 1508, les Portugais envoient au Kongo des artisans, militaires, des religieux, des maîtres selon la demande du roi Kongo de l’époque. Mais cette coopération tournera au désavantage du royaume Kongo. En 1622, éclate une grande bataille entre les troupes du roi du Kongo et les armées portugaises, suite à la remise en cause d’un accord qui autorisait les Portugais à exploiter les mines d’or et d’argent du royaume Kongo. Cette bataille fut remportée par les Portugais qui vont contribuer à la désintégration de ce royaume. Il fallait donc restaurer l’unité du royaume uploads/Management/ existe-t-il-un-leadership-feminin-en-republique-democratique-du-congo-rdc-etude-de-quelques-personnages.pdf

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  • Publié le Aoû 04, 2021
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